Dossier: Honduras, résistance populaire!
Par LCR-Web le Jeudi, 09 Juillet 2009 PDF Imprimer Envoyer

Après les événements survenus ce dimanche 5 juillet avec la tentative de retour avortée du président Zelaya et la répression sanglante (deux tués et plusieurs blessés par balles) de la manifestation populaire venue l'accueillir à l'aéroport de la capitale, la situation reste complexe. La résistance sociale, organisée au sein d'un bloc populaire, appelle et maintien la mobilisation dans les rues tandis que des divisions se font jour au sein du bloc des putschistes; la police aurait refusé d'exécuter les ordres de répression des manifestants rassemblés à l'aéroport de Tegucigalpa tandis que plusieurs patrons qui ont soutenu le coup d'Etat appellent à une issue négociée. L'exclusion du Honduras de l'OEA a renforcé l'isolement international du régime de facto mais les Etats-Unis se refusent toujours à prendre toute mesure effective contre lui. Dans ce dossier, nous publions une série de textes d'information, d'analyse et de témoignage sur la situation ainsi qu'une série de photos prises par un camarade de la LCR aux abords de l'aéroport de Tegucigalpa ce dimanche 5 juillet et des rassemblements de solidarité à Bruxelles. (LCR-Web)

Les mouvements sociaux du Honduras sont sur le pied de guerre, pour rétablir l’ordre constitutionnel dans le pays et exigent le retour du président Zelaya

Par Mabel Marquez

Les mouvements sociaux du Honduras sont sur le pied de guerre,pour rétablir l’ordre constitutionnel dans le pays et exigent le retour du président Zelaya. Le rendez-vous des mouvements sociaux et populaires avait lieu à 8h00 du matin devant l’Université de Pédagogie Francisco Morazan à Tégucigalpa, où des milliers de personnes des différents mouvements sociaux du pays, arborants des chemises, des chapeaux, des casquettes et foulards rouges et noirs, brandissant des pancartes, des affiches et des banderoles, continuent à manifester dans les rues du Honduras pour exiger le retour au pouvoir du président José Manuel Zelaya Rosales, expulsé depuis le dimanche 28 juin à l’aube par des groupes de pression du pays qui, avec la complicité de l’armée et de la police et d’autres forces du pays ont perpétré le coup d’état au Honduras.

Les manifestants ont démontré leur volonté de lutter tant que cela sera nécessaire jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionel dans le pays. Au même moment, face au siège du gouvernement, un groupe de personnes qui prétendent défendre la démocratie et vouloir la paix, mais qui en réalité sont des partisans de Micheletti, manifestaient aussi, mais ces individus étaient fortement protégés par des éléments de l’armée et de la police nationale , et les différents médias leur assuraient une retransmition en direct de leur activité, pour laquelle soit dit en passant, des gens de l’intérieur du pays ont été payés pour qu’ils se joignent à leur manifestation, cependant, le peuple lui, fournit des efforts pour se maintenir debout dans la lutte , chacun veille à ses propres dépenses et beaucoup n’ont même pas de quoi manger.

Les slogans scandés par les manifestants des mouvements sociaux quand ils passent devant les autorités et devant les installations des médias sont les suivants : « nous ne sommes pas 5 nous ne sommes pas 100, presse vendue compte bien, traitres, puchistes, puchistes hors du Honduras, traitres à la patrie le peuple vous répudie, peuple toi qui écoute rejoint cette lutte parmi toutes les autres».

Juan Barahona dirigent du Bloc Populaire du Honduras s’exprime : « la résistance populaire contre le coup d’état durera tant qu’il le faudra. Aujourd’hui nous en sommes au 6e jour de protestation constante. En ce moment nous nous rassemblons face à l’Université Pédagogique pour nous diriger ensuite tous ensemble vers le centre de la ville de Tégucigalpa, puis nous irons jusqu’au siège de l’Organisation des Etats Américains (OEA), là les dirigeants des mouvements sociaux et populaires, serons reçus par Miguel Insulsa le secrétaire de cette organisation à 15h ; pendant ce temps le reste des camarades restera à l’extérieur de l’OEA pour soutenir la décision de l’organisation, nous remettrons à M. Insulsa une lettre signée par tous les représentants des mouvements sociaux, où nous déclarons notre soutien au president José Manuel Zelaya Rosales, et nous les remercions pour leur solidarité envers notre pays, et nous demandons le retour de notre président Zelaya » a t’il conclu.

Les représentants des mouvements sociaux déclarent que les actions se poursuivront pendant toute la journée et s’étendront dans tout le pays alors qu’elles avaient commencé à Tegucigalpa, elles touchent maintenant les départements de El Paraíso, Choluteca, Cortes, Olancho, Yoro etc, et dureront jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionel au Honduras.

Nous avons appris aujourd’hui depuis San Pedro Sula, que les huit camarades arrétés hier au cours d’une manifestation ont été relâchés cette nuit.

Mabel Marquez (communication Vía Campesina au Honduras), 5 juillet 2008


Communiqué du Front national contre le coup d'Etat au Honduras

Le Front national contre le coup d'Etat au Honduras, composé de différentes organisations du pays mobilisées pour la restitution de l'ordre constitutionnel, communique:

1. Nous réaffirmons que le coup d'Etat a été conçu par l'oligarchie et exécuté par les forces armées avec la complicité de la Cours Suprême de justice, le Parlement, la Ministère Public, le Tribunal supérieur électoral, le Parti Libéral, le Parti Naitonal, Innovation et Unité social-démocrate, le parti démocrate-chrétien, l'Eglise catholique et évangélique.

2. Nous exigeons que dans les réunions planifiées entre le président Zelaya et Roberto Micheletti soit prise en compte la position du Front national contre le coup d'Etat pour qui le point principal est l'installation d'une Assemblée nationale constituante.

3. Nous exigeons la punition des responsables de la mort des camarades qui sont tombés et de la répression contre les mobilisations du mouvement populaire.

4. Nous rejetons toute légitimité aux autorités de facto et réaffirmons que l'unique issue acceptable est le retour de l'ordre constitutionnel.

5. Nous informons de la mise sur pieds d'une commission qui représentera le Front national contre le coup d'Etat afin qu'elle participe aux réunions de San José, Costa Rica.

6. Nous continuons à exiger la restitution immédiate des garanties et libertés individuelles, leur suspension est une violation flagrante des droits de l'Homme.

FRENTE NACIONAL CONTRA EL GOLPE DE ESTADO EN HONDURAS, Tegucigalpa, M.D.C. 8 juillet 2009


Témoignage du Honduras

Je serai brève parce que nous n'avons pas beaucoup de temps à consacrer à internet vu la situation que nous vivons.

Le fait que le président a tenté de revenir a été quelque chose de très important pour les mouvements populaires qui risquaient de s'épuiser après plusieurs jours de longues marches sans réponse ni effet sur le gouvernement dictatorial. Les marches étaient chaque fois plus nombreuses, spécialement celles du week-end.

Dimanche la répression a été horrible; ils ont tiré à volonté et lancé des gaz pour nous disperser à l'aéroport parce qu'ils voulaient empêcher le peuple d'entrer pour protéger l'avion présidentiel. De plus, ils ont imposé un couvre-feu à partir de 6h30 ce qui a fait que des centaines de personnes ont été arrêtées puisque nous étions dans les rues en plein couvre-feu.

La répression a été douloureuse pour beaucoup de personnes, d'autant plus que les faits réels ont été occultés, qu'on a tout travesti. Les forces de l'ordre ont dit que les tirs sont venu de l'intérieur de la manifestation (un mensonge total et absolu car le peuple était désarmé, je dis bien était car après ce qui est arrivé il y a une demande du peuple aux leaders du mouvements pour s'armer).

Ici nous sommes tous sous surveillance et écoute, nous courrons tous un danger, la situation est grave. Le peuple s'est réellement mobilisé, on dirait le commencement d'une révolution, avec ou sans Zelaya. Bien entendu c'est la figure d'un leader qui uni la majorité mais aussi la haine envers l'oligarchie sous toutes ses formes.

L'épouse de Zelaya joue les Evita (Evita Perron, femme du président Perron d'Argentine, NDT) et à rejoint les mobilisations populaires, cela élargi l'action politique de la base populaire dans les classes moyennes et protège relativement les marches de la répression. Nous pensons qu'à un moment ou l'autre le gouvernement de facto devra céder, mais ils ont tellement foutu le bordel qu'il semble qu'ils veulent aller jusqu'au bout, avec tout ce que cela implique.

La télévision est une télévision de régime fasciste qui endoctrine en permanence contre ceux qui s'opposent aux putschistes, contre les régimes « castro-communistes ». Le peuple n'allume plus ses téléviseurs tellement c'est dégoûtant. La police, qui semblait zalayiste, s'est vendue et beaucoup de personnes sont épuisées par la permanence de la lutte de résistance, mais surtout par le niveau de la répression et malgré l'absence de ressources tout ce qui est fait est remarquable.

Ce dimanche les gens sont venus de tous les coins du pays en marchant parce les transports ont été paralysés, ils n'avaient rien à manger, ils dorment sur des matelas à même le sol, dans les locaux des syndicats et des organisations populaires. On a même dû conseiller à des paysans et des indigènes de rentrer chez pour se reposer parce qu'ils peuvent tomber malades, il n'a pas de ressources et c'est terrible.

A la télé, ils disent que si Cuba a résisté 50 ans, le Honduras résistera bien lui aussi à l'isolement international, quelle bande d'arriérés! Enfin, je dois partir. Le peuple du Honduras est en train de résister, ce qu'il faut voir aussi c'est jusqu'où résisteront les patrons et l'armée, ce sont les deux factions qui donnent sa force à la droite. Je dois partir, je t'en raconterai plus un autre jour, embrasse tout le monde...

Honduras, 8 juillet 2009


Analyse: Dix notes sur le coup d'Etat au Honduras

Par Augusto Sención Villalona

1. Avec le coup d'Etat au Honduras, le gouvernement des Etats-Unis poursuit quatre grands objectifs:

a) Empêcher la poursuite et l'approfondissement des changements démocratiques dans ce pays d'Amérique centrale. Le gouvernement nord-américain sait que le projet d'assemblée constituante et de réforme constitutionnelle promu par Zelaya va affaiblir la droite et pourrait ouvrir la voie à des changements révolutionnaires plus importants.

b) Envoyer un message clair aux gouvernements du Guatemala et du Salvador, où les armées sont de droite, pour qu'ils ne se rapprochent pas trop du Venezuela. Le gouvernement du Guatemala fait partie de Pétrocaribe et celui du Salvador est en train d'étudier son adhésion à cet accord pétrolier avec le Venezuela et probablement également pour intégration dans l'ALBA (Alliance bolivarienne des peuples d'Amérique).

c) Affaiblir l'influence du gouvernement du Venezuela en Amérique centrale, où trois Etats font déjà partie de Pétrocaribe et deux de l'ALBA (Honduras et Nicaragua).

d) Commencer à contenir et à refouler dans toute l'Amérique latine les processus populaires qui sont hostiles à sa politique impérialiste.

2. Malgré le fait que le gouvernement US « condamne » publiquement le coup d'Etat, il ne peut s'empêcher de masquer totalement ses liens avec ce dernier. Plusieurs faits le démontrent; le départ de l'ambassadeur US au Honduras deux jours avant le renversement de Zelaya, le silence du président Obama pendant le premier jour du coup d'Etat (le dimanche 28 juin) jusqu'au lendemain matin, son silence postérieur et le rôle joué par la chaîne de télévision CNN, qui parle de « substitution forcée » (sic) du gouvernement légitime et reconnaît le président de facto Micheletti. Bien que CNN est une entreprise privée, elle agit comme une agence gouvernementale de propagande en faveur de la politique US. Mais s'il ne fallait qu'un argument pour prouver l'implication de Washington, c'est bien le fait qu'en Amérique latine aucun militaire, patron ou politicien de droite ne peut renverser un gouvernement sans le soutien explicite ou implicite des Etats-Unis.

3. Le régime de facto hondurien a deux bases d'appui: le gouvernement des Etats-Unis, qui ne le rejette qu'en apparence, et le bloc politique réactionnaire formé par les partis traditionnels, l'armée, la hiérarchie de l'Eglise catholique et le patronat. Mais vu leur isolement international et le rejet populaire croissant, les putschistes ne peuvent s'en sortir qu'en négociant un accord favorable avec Zelaya ou en écrasant dans le sang le mouvement populaire, déjà fortement réprimé aujourd’hui par les armes, l'Etat de siège et les couvres-feu.

4. La base « légale » du gouvernement de facto est désastreuse. Il a renversé et expulsé du pays un président qui n'avait pas violé la loi et le déclare « fugitif » alors qu'il n'a pas été jugé, il lui attribue une lettre de démission qu'il n'a jamais écrite, ordonne son arrestation s'il revient (alors qu'il avait été capturé et expulsé du pays...) tout en empêchant son retour effectif... Les aberrations juridiques ne font que traduire l'enlisement des putschistes. Cependant, comme le problème n'est pas juridique mais politique, les putschistes ne se rendront pas pour des raisons légales. Ils ne le feront que suite à l'effondrement de leur bases d'appui et surtout si les Etats-Unis donnent l'ordre de faire marche arrière afin d'éviter le pire.

5. Conscient de la faiblesse du régime de facto, le gouvernement des Etats-Unis promeut une issue négociée entre Zelaya et Micheletti. Si un accord est conclu au Costa Rica pour le retour de Zelaya en échange de son abandon du projet d'une assemblée constituante, le processus de changements sera légalement obstrué. Vu qu'un vaste processus populaire a été enclenché, Zelaya pourrait former un nouveau parti, avec des secteurs libéraux, la gauche et le mouvement social afin de disputer l'hégémonie à la droite traditionnelle au cours des prochaines années, mais il renoncerait à la Constituante et à la réforme constitutionnelle. Par contre, si Zelaya revient au pouvoir et poursuit son projet d'assemblée constituante, les putschistes auront perdus sur toute la ligne.

6. Si aucun accord n'est conclu au Costa Rica, les putschistes continueront à être isolé à l'échelle internationale et la résistance sociale intérieure ira croissante car la situation de la majorité sociale s'aggravera, tant du fait de la répression que de la crise économique.

7. Si les pays voisins d'Amérique centrale ferment leurs frontières avec le Honduras, la situation économique de ce pays sera catastrophique. Plus de 25% de ses exportations annuelles sont destinées à l'Amérique centrale, soit un peu plus de 1,5 milliards de dollars, tandis que ses importations en provenance de la région sont encore plus élevées. Le fermeture des frontières provoquerait un effondrement du commerce, la faillite des entreprises, l'explosion du chômage, une déroute bancaire et la chute des revenus publics. Les faillites et la baisse de moyens publics provoqueraient une pénurie alimentaire et un taux de chômage qui rendrait intenable la permanence au pouvoir des putschistes, même s'ils augmentent sans cesse la répression. Il n'est pas certain que les pays de la région adopteront cette mesure, mais c'est une probabilité.

8. En cas d'échec des négociations, les putschistes seront forcés de durcir la répression interne face à un mouvement social qui prendra sans cesse de l'ampleur. Ils seront également poussés à précipiter les prochaines élections présidentielles prévues au mois de novembre. Cependant, cela ne résoudra rien puisque le résultat de ces élections n'aura aucune légitimité ni reconnaissance à l'échelle internationale ou interne. Zelaya est le seul président légitime jusqu'en janvier 2010. Aucune mesure légale n'a de valeur juridique tant qu'il sera exclu de sa charge. De plus, de telles élections anticipées, sans observateurs internationaux et avec le boycott populaire dont elles seront certainement l'objet ne feront qu'aiguiser le conflit.

9. En cas d'absence de toute négociation, les putschistes seront peu à peu étouffés, malgré tout l'oxygène donné par les Etats-Unis, qui évite toute mesure concrète qui pourrait leur porter préjudice. Leur durée au pouvoir dépendra principalement de l'évolution de la lutte sociale et du niveau de cohésion du bloc sur lequel ils s'appuient, notamment l'attitude des patrons, qui seront très affectés dans leurs profits. Quant à l'armée, entièrement sous contrôle des Etats-Unis, elle n'agira contre le régime de facto que si elle en reçoit l'ordre de Washington. L'Eglise sera toujours fidèle dans son opposition à Zelaya, mais les grands et moyens patrons ne pourront supporter longtemps la crise économique, la chute de la consommation et l'effondrement du commerce. Ils mettront la pression pour une issue politique.

10. Si le gouvernement de facto s'écroule avant le mois de novembre, Zelaya retournera dans son pays avec plus de légitimité et le processus révolutionnaire prendrait plus de forces. Le cycle politique ouvert au Honduras est donc, malgré les risques, très positif pour les forces de gauche. Une option révolutionnaire est en train de naître.

7 juillet 2009


 

Photos: F.F








Photos: Pavel Pavelic

 

 

Voir ci-dessus