Elections régionales au Venezuela: la bataille reste à venir
Par Sébastien Brulez le Jeudi, 27 Novembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

A une semaine des élections régionales et municipales au Venezuela, le nouveau rapport de forces est déjà clairement dessiné. Le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) a remporté 17 états sur 22 et 80% des municipalités (1). Mais le score de l'opposition, limité dans les chiffres, n'en est pas moins d'une importance stratégique capitale. Et les effets se font déjà sentir sur le terrain.

Lors du scrutin du 23 novembre, la droite a fait main basse sur d'importantes régions du pays: les états de Táchira et Zulia, frontaliers avec la Colombie; l'état industriel de Carabobo; la mairie du grand Caracas et l'état de Miranda qui ceinture la capitale.

Elle a aussi remporté l'état insulaire de Nueva Esparta, dont la principale île est celle de Margarita, zone principalement touristique mais aussi l'une des frontières maritimes du Venezuela. Nueva Esparta et Zulia (2) étaient déjà aux mains de l'opposition, mais la capitale de ce dernier, Maracaibo, a été perdue par le chavisme.

La perte du Táchira amplifie la porosité d'une frontière déjà difficile à contrôler et ouvre la porte à l'entrée massive de paramilitaires colombiens. Cela peut accentuer également la fuite d'aliments à prix régulés vers la Colombie pour y être vendus à des prix plus élevés; comme c'est déjà fréquemment le cas, avec l'objectif politique de provoquer des pénuries d'approvisionnement.

En ce qui concerne le PSUV, il conserve l'état industriel de Bolivar (malgré un candidat à la réélection clairement ancré à la droite du chavisme), ainsi que l'état frontalier d'Apure, entre autres. Il récupère également les états de Sucre, l'état industriel et combatif d'Aragua, ainsi que l'état agricole de Guarico et celui de Yaracuy (3), dont les gouverneurs s'étaient déclarés «dissidents du chavisme» et avaient lancé leurs propres candidatures, certaines appuyées par l'opposition.

Le total des voix recueillies par les candidats ayant quitté le chavisme atteint à peine les 451 131 votes. Alors que le camp bolivarien totalise 5 073 774 voix contre 3 948 912 pour l'opposition (53,45% contre 41,65%). La participation atteint des sommets historiques pour des élections régionales (qui en général mobilisent moins les électeurs) avec un taux de 65%.

En comparaison avec le référendum sur la réforme constitutionnelle de l'année dernière, le chavisme augmente son score de 694 342 voix, alors que l'opposition en perd 555 442. Cependant, bien qu'il augmente ainsi son score de 20% et que l'opposition perd 10% de votes, le camp chaviste n'est pas parvenu a récupérer la totalité des trois millions de voix perdues depuis 2006.

Contradictions mises à nu

Environ 45% de la population vénézuélienne vit désormais dans un état aux mains de l'opposition, ce qui va considérablement augmenter ses ressources financières. Dans la pratique, ces résultats ont déjà deux conséquences importantes. Tout d'abord, ils mettent à nu la nature même de l'opposition qui, derrière son discours de tolérance et d'ouverture (rappelez-vous les mains blanches de ses étudiants), n'en reste pas moins ce qu'elle a toujours été: l'expression d'une idéologie réactionnaire ancrée dans la droite dure.

Les exemples n'ont pas manqué cette semaine. A peine entrés en fonctions, certains élus de l'opposition ont déjà pris des mesures administratives contre les différentes «missions» sociales. En effet, plusieurs missions d'éducation ou de santé installées dans des bâtiments appartenant aux états ou municipalités tombées aux mains de la droite ont reçu l'ordre de quitter les lieux.

Par ailleurs, des militants des partis réactionnaires ont menacé et agressé des médecins cubains ainsi que des étudiants des missions d'éducation dans plusieurs états. Le président Chávez a réagi ce vendredi en déclarant que «le scénario de 2002 est à nouveau activé. Ils veulent une confrontation. Nous ne leur laisserons pas de trêve, nous défendrons la révolution bolivarienne contre ces fascistes!».

Lors du coup d'Etat du 11 avril 2002, le maire du grand Caracas (élu sur les listes chavistes et qui avait ensuite changé de camp) avait utilisé la Police métropolitaine pour réprimer les manifestations populaires qui réclamaient le retour au pouvoir du président Chávez.

Quelques mois avant les élections de dimanche dernier, la prudence a amené le gouvernement à transférer la Police métropolitaine (qui est la police du grand Caracas) sous les ordres du ministère de l'Intérieur, afin d'éviter justement une répétition du scénario d'avril 2002.

Pouvoir populaire?

Mais cette situation de confrontation met aussi à nu les contradictions au sein même du camp révolutionnaire. La défaite à Caracas et dans les autres régions oblige le chavisme à retourner dans la rue, et surtout elle remet sur la table l'éternelle question du pouvoir. Qui le détient, les fonctionnaires ou le peuple?

Fini le socialisme de salons et de conférences. Où en est réellement le pouvoir populaire? Est-il capable d'enrayer la progression de la droite sur le terrain? On a vu, lors du coup d'Etat d'avril 2002, que ce fut la mobilisation des quartiers populaires qui permit de sauver la situation.

Le chavisme est-il prêt à soutenir les actions organisées de la base dans les états perdus? Ou va-t-il tenter de les canaliser en les dirigeants par en haut pour négocier un statu quo avec l'opposition? Ou, pire, va-t-il les laisser s'essouffler comme il l'a fait lors de certaines occupations d'usines et autres initiatives? Difficile à dire, même si le discours officiel parle «d'approfondir la révolution».

En décembre 2007, lors du référendum sur la réforme constitutionnelle, les électeurs avaient adressé un message sans équivoque au gouvernement. En s'abstenant massivement, les secteurs populaires ne s'étaient pas prononcés, comme ont voulu nous le faire croire les médias, «contre le socialisme du XXI ème siècle» mais bien, dans leur grande majorité, contre l'inefficacité et la mauvaise gestion de ceux qui s'en réclament en paroles mais non dans les actes.

On peut aujourd'hui affirmer que le message n'a pas été compris. Un an plus tard, les mesures prises n'ont pas été suffisantes pour renverser la tendance dans les principaux centres urbains (Caracas, Miranda, Maracaibo). L'insécurité, la mauvaise gestion des déchets et des espaces urbains, entre autres, ont coûté cher au proceso, surtout à Caracas.

Il ne faudrait pas se tromper deux fois en analysant les résultats du 23 novembre. Le soir même du scrutin, le président Chávez parlait d'une victoire et affirmait: «Le peuple me dit: Chávez, continue sur le même chemin». Le chemin du socialisme est certes celui que la majorité des Vénézuéliens pointe du doigt. Mais le chemin est semé d'embûches. Le point positif qu'on peut tirer de cette nouvelle distribution des cartes, c'est qu'elle va raviver les luttes et ramener les mobilisations à l'ordre du jour.

A Caracas, Sébastien Brulez

Notes:

(1) Le Venezuela compte 22 états, plus le district de la capitale. Mais les élections n'ont pas eu lieu dans l'état d'Amazonas, qui a un calendrier électoral décalé par rapport au reste du pays.

(2) Le Zulia est l'état le plus peuplé et le plus riche du pays, de par ses ressources pétrolières.

(3) Voir notre article préélectoral «Test grandeur nature pour le processus bolivarien» .


Trois dirigeants syndicaux assassinés: un crime qui ne peut rester impuni

C'est avec une profonde douleur que nous annonçons l'assassinat par balles des camarades Richard Gallardo, coordinateur national du syndicat UNT, Luis Hernández, dirigeant syndical à Pepsi Cola et Carlos Requen, délégué principal pour la protection sanitaire à l'entreprise Alpina, tous trois dirigeants de notre organisation Unidad Socialista de Izquierda, du syndicat Union Nacional de Trabajadores (UNT) dans l'Etat d'Aragua et de son courant interne CCURA.

Les faits se sont déroulés dans la nuit du jeudi 27 novembre lorsque les camarades se trouvaient au lieu dit de la «Encrucijada » près de la ville de Cagua dans l'Etat d'Aragua. Ces trois camarades avaient participé pendant la journée à des tâches de solidarité avec les travailleurs de l'entreprise Alpina qui sont en conflit avec la direction. Ils avaient également subi la répression policière qui a tenté de chasser les travailleurs qui occupent cette entreprise.

Luis Hernández et Richard Gallardo ont participé comme candidats aux élections du 23 novembre dernier pour notre parti, respectivement à l'élection pour la mairie de la municipalité de Zamora et pour l'assemblée des députés d'Aragua. Carlos Requen, quant à lui, avait gagné une large reconnaissance au niveau national pour sa défense de la santé des travailleurs.

Ces trois camarades se sont distingués tout au long de leur vie comme des combattants ouvriers infatiguables, socialistes, anticapitalistes, anti-impérialistes et ils n'ont jamais cédé face aux menaces constantes proférées par les patrons, les bureaucrates syndicaux corrompus ou la force publique enemie des travailleurs.

Notre organisation exige du gouvernement national et régional l'ouverture immédiate d'une enquête afin de retrouver au plus vite les assassins, tant les exécutants que les responsables intellectuels de ce crime odieux. Nous appelons en même temps tous les travailleurs du pays à se mobiliser afin d'empêcher que ces crimes restent impunis et à lutter afin d'éviter que l'Etat d'Aragua et le reste du pays soient le théâtre de crimes atroces comme ceux survenus au cours de cette douloureuse nuit du 27 novembre.

Nous rendons hommage à nos camarades assassinés qui nous ont montré par leur exemple et leur attitude que les droits des travailleurs doivent se faire respecter. Les camarades ont offert leur vie en sacrifice pour le principe de la défense des intérêts de la classe ouvrière et du socialisme. En leur nom et avec leur exemple, nous poursuivrons la bataille pour la révolution socialiste, pour l'expropriation des patrons, pour une rupture définitive avec l'impérialisme et pour construire un gouvernement des travailleurs et du peuple.

Nos vis entières sont dédiées à la défense des droits des travailleurs et au combat pour le socialisme

Unidad Socialista de Izquierda (USI)

Traduction française de l'espagnol pour le site www.lcr-lagauche.be


Face à l’assassinat des dirigeants syndicaux, autodéfense ouvrière et populaire

Déclarations de Stalin Perez, dirgeant de Marea Socialista, courant du Parti Socialiste Unifié du Venezuela

C’est un fait gravissime. L’assassinat des camarades dirigeants syndicaux Richard Gallardo, Luis Hernandez et Carlos Requena ne doit pas rester impuni. Dans lecas contraire, l’assassinat contre des dirigeants des luttes sociales et ouvrières deviendrait monnaie courante. « Le Président Chavez et le gouvernement national doivent impulser l’enquête jusqu’aux dernières conséquences et, grâce à la mobilisation, nous devons battre l’impunité.

L’enquête que nous exigeons ne peut être confiée à la justice ordinaire. Parce que ce sont les mêmes juges qui inculpent les travailleurs, comme ce fut le cas des travailleuses et travailleurs de FUNDIMECA, dont le patron a ordonné de tirer sur les dirigeants syndicaux. L’enquête doit être contrôlée,impulsée et menée jusqu’au bout.

Nous demandons la création d’une commission spéciale intégrée par les centrales ouvrières et l’enquête devra avoir force de loi. Nous demandons en urgence que l’assemblée nationale donne une habilitation légale à une telle commission. Nous ne pouvons tolérer qu’il ne nous reste que cette voie après cet assassinat. Nous appelons donc en même temps l’organisation immédiate d’autodéfenses ouvrières et populaires.

Le gouvernement doit donner toutes les ressources pour l’entraînement et la défense armée des travailleurs et de leurs dirigeants. Cela ne sera pas la police corrompue et souvent responsable des assassinats qui préviendra ces crimes. Seuls nous mêmes les travailleurs pourrons le faire. Nous proposons donc : enquête, punition et organisation de nos propres autodéfenses contre le fascisme.»

Caracas, le 28 novembre

 

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