Élections sociales: tout le monde a gagné?
Par Guy Van Sinoy le Samedi, 07 Juin 2008 PDF Imprimer Envoyer
Les élections sociales qui se sont déroulées dans les entreprises du 5 au 18 mai 2008 ont donné lieu à de très légers déplacements de voix par rapport aux élections de 2004. Et pourtant, quand on lit les communiqués des états-majors syndicaux, on a la curieuse impression que tout le monde a gagné !

 

Pour Luc Cortebeek, président de la CSC, "Aucun syndicat n’a jamais récolté autant de mandats dans l’histoire du pays que la CSC en 2008, soit 16.000 mandats dans les Comités de prévention et de protection au travail (CPPT) et 11.400 mandats dans les Conseils d’entreprise". De son côté le président de la FGTB, Rudy De Leeuw, avance que "Tant en sièges qu’en voix dans les Conseils d’entreprise et dans les CPPT, la FGTB a progressé". Pour ne pas être en reste, le président de la CGSLB, Jan Vercamst, explique que "Pour la première fois, le syndicat libéral dépasse la barre des 10%". En fait, ces communiqués unanimes de victoire, montrent que l’on peut faire dire aux statistiques n’importe quoi, selon que l’on compare des voix, des sièges ou des pourcentages. Il est incontestable que la CSC reste, de loin, le plus grand syndicat en voix et en sièges et en nombre d’affiliés. Ce n’est pas une surprise. Depuis plusieurs décennies, la CSC est devenue progressivement le syndicat majoritaire: il s’agit à la fois de la conséquence de la désindustrialisation de la Wallonie et de l’essor du capitalisme en Flandre. Pour que la CSC ne soit plus, tout d’un coup, le premier syndicat du pays – en sièges et en nombre – il eût fallu un bouleversement électoral considérable qui n’aurait pu lui-même se produire que dans le cadre d’un grand mouvement social où la CSC aurait été à contre-courant. Le dernier mouvement social d’envergure reste la lutte contre le Pacte entre les générations (octobre 2006) où les directions de la CSC et de la FGTB se sont entendues comme larrons en foire pour arrêter le mouvement dès qu’il s’avérait que l’ampleur de la grève générale mettait en jeu l’existence du gouvernement arc-en-ciel. De son côté, pour la première fois depuis longtemps, la FGTB cesse de reculer. Mieux! Elle progresse légèrement, et en particulier dans le secteur non-marchand où la CSC, massivement présente dans les cliniques et maisons de repos de la chaîne Caritas Catolica, dispose depuis toujours d’une majorité écrasante.

Ou tous les travailleurs ont perdu?

Cependant, au-delà des cocoricos de victoire des états-majors syndicaux, il faut se poser la question de savoir si, au lieu de "Tout le monde a gagné !", la véritable conclusion ne serait pas "Tous les travailleurs ont perdu!". D’une part les travailleurs des petites et moyennes entreprises qui, une fois de plus, ont été privés du droit de vote aux élections sociales en raison de l’opposition acharnée de l’Union des classes moyennes à toute représentation syndicale dans les PME.

Rompre le consensus

D’autre part la masse des travailleurs qui ont pu voter, mais qui ont cependant dû amèrement constater que leur préoccupation essentielle au cours des derniers mois – à savoir le pouvoir d’achat – était absente des programmes électoraux des organisations syndicales. En effet, alors que les prix de l’énergie et des denrées alimentaires flambent et que l’index santé ne suit pas correctement la hausse du coût de la vie, les syndicats avaient en mains, à l’occasion de ces élections sociales, une excellente occasion de mettre en avant une série de revendications (augmentations salariales, baisse de la TVA sur les produits de première nécessité,…) permettant de compenser quelque peu l’envolée des prix. Mais pour faire cela, il aurait fallu que les directions syndicales rompent le consensus avec le patronat à propos de la norme salariale à respecter pour "rester compétitif avec les pays voisins". Rappelons-nous qu’en janvier les arrêts de travail, dans de nombreuses entreprises de Flandre pour une prime de rattrapage de la vie chère, étaient parties spontanément de la base et avaient pris au dépourvu les états-majors syndicaux. Bref, ces élections sociales ont été une occasion de perdue pour mener la bataille du pouvoir d’achat. Et sur ce point, les patrons peuvent s’exclamer en chœur : "Nous avons tous gagné les élections sociales 2008 !"

Voir ci-dessus