8 raisons de voter « Front des Gauches » aux élections législatives du 13 juin 2010
Par Olivier Bonfond et Éric Toussaint le Vendredi, 04 Juin 2010 PDF Imprimer Envoyer

Le 13 juin 2010, les citoyennes et citoyens belges se rendront aux urnes pour élire leurs nouveaux(elles) représentant(e)s à la Chambre et au Sénat. Nous appelons les citoyennes et citoyens à affirmer qu’il est temps de rompre avec la logique capitaliste et de mettre en place des alternatives qui combinent justice fiscale, justice sociale et respect de la nature. Le programme du Front des Gauches (liste n°18) va dans ce sens.

1. Pour refuser l’austérité

Les Etats du Nord, afin de pouvoir rembourser les montants généreusement donnés au secteur financier, responsable de la crise rappelons-le, s’apprêtent à mettre en place des plans d’austérité qui vont toucher très durement les conditions de vie des populations : baisse des salaires et des retraites, casse de la protection sociale, destruction des services publics, remise en cause du droit du travail, augmentation de la TVA,…

Depuis des mois, des manifestations et des grèves générales ont lieu en Grèce pour s’opposer au plan d’austérité que le gouvernement, les dirigeants européens et le Fonds monétaire international (FMI) ont décidé d’imposer au peuple grec. De la France à la Roumanie, en  passant par l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, l’Islande, … tous les peuples seront logés à la même enseigne. Soyons en sûrs, la seule et unique raison pour laquelle on ne parle pas encore de plans d’austérité en Belgique, ce sont les élections du 13 juin prochain. Mais si le pouvoir reste aux mains des mêmes, la question de l’austérité reviendra inévitablement sur la table, et l’on demandera aux citoyens et citoyennes de se serrer la ceinture pour payer les erreurs commises par les marchés financiers.

Rappelons ici que ces politiques ressemblent comme deux gouttes d’eau aux plans d’ajustement qui ont été imposés pendant 25 ans aux pays du Sud, avec les résultats que l’on sait : des milliards d’êtres humains privés de leurs droits fondamentaux. Privés d’eau potable, de nourriture, de logements décents. Privés d’accès à la santé et à l’éducation. Sans oublier la destruction massive de l’environnement et le pillage des ressources naturelles… Cette situation est inacceptable et doit cesser.

2. Pour faire payer la crise aux responsables, pas aux peuples !

Même si on ne peut en aucun cas s’en réjouir, car elle touche et va toucher durement des millions de personnes partout sur la planète, la crise capitaliste actuelle a fait tomber les masques. Les gouvernements ont montré leur vrai visage : quand les travailleurs et travailleuses (professeurs, infirmiers, fonctionnaires, mouvements sociaux,…) réclament la satisfaction de leurs droits sociaux ou quelques millions pour améliorer la qualité du service fourni aux populations, les caisses sont vides, mais, quand les détenteurs de capitaux sont en détresse, il devient possible de trouver – et de leur donner – plusieurs dizaines de milliards de dollars en quelques semaines. Maintenant, c’est un ouragan d’austérité qui s’abat sur l’Europe, et la Belgique n’y échappera pas.

Pourtant, si le gouvernement en avait la volonté, il pourrait refuser la logique néolibérale et mettre en place toute une série de mesures concrètes en vue de sauver les emplois et de faire payer le coût du sauvetage financier aux responsables :

  • nationalisation sans indemnisation du secteur bancaire ;
  • interdiction de nationaliser les dettes privées (comme le prévoit l’article 290 de la Constitution de l’Equateur) ;
  • moratoire immédiat sur le remboursement de la dette, mise en place d’un audit intégral de la dette en vue de répudier toutes les dettes odieuses ou marquées d’irrégularités (tout comme l’a fait l’Equateur en 2007) ;
  • impôt exceptionnel sur le patrimoine des grosses fortunes ;

3. Parce que voter PS, ce n’est pas voter utile

Le Parti socialiste porte une énorme responsabilité dans la crise actuelle. Au pouvoir de manière ininterrompue depuis plus de 20 ans en Belgique, celui-ci a approuvé et appliqué la quasi-totalité des mesures néolibérales : dérégulation des marchés financiers, privatisation des service publics, diminution de la progressivité de l’impôt, intérêts notionnels, austérité budgétaire, etc.

En abandonnant le projet de construire le socialisme pour lui préférer une « gestion » du capitalisme, la quasi-totalité des partis socialistes européens ont perdu de fait la légitimité de s’appeler de la sorte. Afin de justifier leur orientation  néolibérale et se maintenir au pouvoir, ceux-ci adoptent une tactique et un discours assez simple, qui pourrait se résumer par « la logique du moindre mal » ou le fameux « vote utile » : ils prétendent se battre, dans le cadre d’une mondialisation capitaliste sans pitié, pour imposer le plus de « social » possible, ou, lorsque les rapports de force ne le permettent pas, freiner l’application de mesures néolibérales, ou au minimum en atténuer les effets les plus « destructeurs ». Ils peuvent alors affirmer, quoi qu’il arrive, que la situation est peut-être mauvaise, mais que sans eux, ce serait encore bien pire. Il faudrait donc continuer à les soutenir. Soyons sérieux, « le pire », nous y sommes : crise financière, crise sociale, crise économique, crise écologique, crise énergétique, crise climatique, crise migratoire, crise alimentaire, …

Aujourd’hui, malgré la crise et malgré le fait que ce sont ces mêmes mesures néolibérales qui sont à la base du problème, le PS, ainsi que les autres « grands » partis, ne veulent pas changer de cap.

4. Parce qu’Ecolo ne constitue pas non plus une alternative

Il faut être conscient qu’Ecolo, comme les autres partis traditionnels, a choisi d’embrasser la logique du libre marché et de la croissance. Pour résoudre la crise sociale et écologique, Ecolo nous parle de développement durable, de croissance soutenable, de marché du carbone ou encore de technologies « vertes ». Ces orientations et ces mesures, même si elles ne sont pas toujours intrinsèquement mauvaises, ne pourront en aucun cas résoudre la crise écologique. La raison est simple : elles ne remettent pas en cause l’impératif de croissance, dicté par la logique du profit. Or, dans un monde fini, la recherche de la croissance constitue la raison fondamentale pour laquelle le « capitalisme vert » est une illusion et ne peut aboutir qu’à un désastre écologique. Malgré des beaux discours et certaines déclarations ambitieuses, Ecolo, tout comme le parti socialiste, prétend pouvoir résoudre les crises en cours en régulant la finance et en donnant au capitalisme un visage humain et une couleur verte. Illusion…

5. Parce que le capitalisme à visage humain n’existe pas

Selon certains discours, nous serions face à un capitalisme devenu fou qu’il s’agit de raisonner. Pour inverser la tendance actuelle et sortir de la crise, il faudrait imposer au capitalisme de « lâcher du lest », notamment en revenant à plus de régulation. La régulation du secteur financier est nécessaire et il faut tout faire pour qu’elle se concrétise, au-delà des discours. Cependant, si on ne remet pas fondamentalement en cause la logique du capital, logique qui place le profit et les besoins du capital avant les besoins des individus, ces mesures resteront absolument insuffisantes pour parvenir à renverser durablement les tendances et résoudre les crises en cours.

La recherche du profit maximum à court terme, la propriété privée des grands moyens de production, l’exploitation sans limite des travailleurs et de la nature, la spéculation, la compétition, la promotion de l’intérêt privé individuel au détriment de l’intérêt collectif, l’accumulation frénétique de richesse par une poignée d’individus ou encore les guerres sont des caractéristiques inhérentes du système capitaliste. Le capitalisme n’a pas de visage humain. Il a le visage de la barbarie. Pour le capital, peu importe la destruction la planète. Peu lui importe de mettre les enfants au travail. Peu lui importe que les gens mangent ou ne mangent pas, qu’ils aient un logement ou non, qu’ils aient des médicaments quand ils tombent malades, ou une retraite quand ils deviennent vieux.

6. Parce que les alternatives existent !

Au lieu de l’ouragan d’austérité qui s’annonce pour les populations européennes et du monde entier, il faut mettre en place des alternatives radicales qui s’attaquent à la logique du profit et combinent justice fiscale, justice sociale et respect de la nature. Il s’agit notamment de :

  • réduire radicalement le temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire ;
  • lutter contre la fraude fiscale massive dont sont responsables les grandes entreprises et les plus riches ;
  • interdire les intérêts notionnels ;
  • assurer l’égalité hommes/femmes dans toutes les sphères de la vie ;
  • mettre fin aux privatisations et développer massivement des services publics de qualité et gratuits ;
  • développer des emplois socialement utiles et respectueux de la nature ;
  • développer massivement les énergies renouvelables ;
  • relocaliser et planifier démocratiquement l’économie pour éviter gaspillage et pollution ;
  • supprimer les paradis fiscaux et lever le secret bancaire ;
  • sortir de l’OTAN et retirer les troupes belges d’Afghanistan ;
  • annuler la dette du Tiers Monde ;

Ces mesures sont parfaitement réalisables et tout à fait légitimes, afin que le poids de ces crises ne reposent pas en bout de course sur la population qui en est la victime. Le gouvernement belge devrait d’ailleurs considérer ces mesures comme une obligation d’un point de vue international, puisque celui-ci a ratifié la Déclaration sur le droit au développement de 1986 qui stipule dans son article 2 : « Les Etats ont le droit et le devoir de formuler des politiques de développement national appropriées ayant pour but l'amélioration constante du bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus, fondée sur leur participation active, libre et utile au développement et à la répartition équitable des avantages qui en résultent. »

7. Pour soutenir l’unité et les luttes

Après des années d’efforts collectifs, six organisations de la gauche radicale ainsi que des représentant du milieu associatif se rassemblent dans le Front des Gauches afin de proposer une réelle alternative à la gauche du PS et d’Ecolo. C’est une initiative très positive et très importante. Ces dernières années, beaucoup de citoyens critiquaient de manière légitime la grande division de la gauche radicale. Avec un programme commun et des propositions concrètes pour résoudre les crises multiples auxquelles les belges doivent faire face, cette nouvelle alliance pourrait changer la situation politique. Maintenant que l’unité est là, malgré sa « jeunesse » et ses faiblesses, il s’agit de la soutenir.

Gardons en tête que cette unité, si elle est un pas dans la bonne direction, ne pourra suffire. Au-delà de la campagne électorale, il faudra tout faire pour concrétiser et consolider la capacité d’agir en commun sur le long terme, et faire en sorte que cette alliance devienne un outil utile pour les luttes à venir. N’oublions pas que toutes les conquêtes sociales de l’humanité,  (abolition de l’esclavage, fin de la colonisation, sécurité sociale, mais aussi le droit de vote, etc.) ne sont jamais venues en premier lieu d’un geste généreux ou d’un acte courageux de responsables politiques. Elles ont toutes été le fruit de luttes et de mobilisations populaires qui ont réussi à modifier le rapport de force en faveur des opprimés. Si l’on veut parvenir à transformer radicalement la société et avancer vers l’émancipation sociale des peuples, la construction d’un large mouvement populaire, conscient, critique et mobilisé est donc une priorité.

8. Parce que l’abstention n’est pas une solution

Parmi les nombreux mécontents de la politique actuelle, beaucoup pensent que ne pas voter est une manière utile de montrer son mécontentement et de sanctionner les gouvernements en place. Ce raisonnement, bien que légitime à certains niveaux, ne tient malheureusement pas la route, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, il faut rappeler que de droit de vote, tout comme la quasi-totalité des droits sociaux, en Belgique ou ailleurs, n’ont pas été généreusement donnés par les dirigeants mais ont été conquis par la lutte. Alors, même si la démocratie peut et doit être critiquée fortement dans nos pays du Nord, quand le peuple peut s’exprimer, il doit le faire ! Deuxièmement, parce que l’abstention n’a jamais empêché les gouvernements en place de continuer leur politique néolibérale. Les taux d’abstention ces dernières années ont été régulièrement massifs dans beaucoup de pays européens, pour atteindre des niveaux record lors des précédentes élections européennes, allant jusqu’à 70% ! Est-ce que ces records d’abstention ont changé quelque chose ? Au contraire, l’abstention, plutôt que de soutenir les luttes et le changement, les affaiblit.

Il faut donc voter, pour sanctionner les responsables de la crise, pour envoyer un puissant signal politique en faveur des listes qui luttent contre le capitalisme, pour soutenir positivement les travailleurs en lutte, et pour montrer que le peuple est toujours là et qu’il sait ce qu’il veut, c’est à dire faire entendre sa voix et se mobiliser pour que celle-ci soit respectée. La démocratie ne se décrète pas, elle se pratique et se construit, par les peuples, pour les peuples et avec les peuples.

Voir ci-dessus