La Belgique à nouveau sans gouvernement
Par David Dessers le Jeudi, 17 Juillet 2008 PDF Imprimer Envoyer

Après une année de négociations permanentes, de promesses ronflantes, et de dates limites non respectées, Yves Leterme a donc une fois de plus décidé de jeter l'éponge. L'absence d'un accord sur une nouvelle et profonde réforme de l'Etat exigée par son propre cartel CD&V-NV-A ne pouvait lui permettre de continuer à gouverner. La chute de Leterme Ier représente ainsi un nouveau sommet de la crise lancinante dans laquelle l'Etat belge est plongé depuis près d'un an. Cette crise est le résultat du profond conflit d'intérêts qui divise la bourgeoisie de ce pays quant à la forme de l'Etat et ses réformes nécessaires afin de pouvoir le plus efficacement possible imposer à la majorité sociale les sempiternelles recettes néo-libérales.

Le mouvement ouvrier et la gauche n'ont donc rien à gagner dans ce conflit et n'ont aucun partenaire assis à la table de négociations. Ils ne peuvent rien attendre de positif, ni de la part de ceux qui défendent la Belgique fédérale unitaire, ni de la part des régionalistes à outrance. Car derrière ce conflit communautaire se cache une unanimité de vues sur d'autres questions. A quelques nuances près, tous les partis du gouvernement démissionnaire préconisent en effet la même politique socio-économique et veulent que la Flandre et la Belgique s'intègrent pleinement dans une Union européenne néo-libérale pure et dure. Il est dans ce sens remarquable que ces mêmes partis qui se déchirent actuellement dans leur propre gouvernement sur des questions communautaires ont tous avalisé sans broncher le Traité de Lisbonne, voté dans toutes les enceintes parlementaires sans débat ni participation populaire.

Fort de ses 800.000 voix de préférence, Yves Leterme était arrivé au sommet de l'Etat en tant que vainqueur incontesté des élections du 10 juin 2007. Il s'est ensuite traîné d'une crise à l'autre avant de former péniblement un gouvernement le 20 mars 2008. Pendant un an, les débats communautaires ont dominé tout l'agenda politique et, malgré tout, aucun résultat n'a été enregistrés sur ce plan là. Les partis bourgeois n'ont fait que s'empêtrer dans leurs propres contradictions internes et se sont montrés totalement inaptes à surmonter la crise. Les gouvernants ne parviennent tout bonnement plus à gouverner. Et cela au moment même où la majorité sociale subit de plein fouet la hausse vertigineuse des prix alimentaires, du logement, de l'énergie. Le gouvernement Leterme Ier a complètement laissé les gens sur le carreau.

L'espoir politique de cette dernière année n'est donc pas du tout venu de la rue de la Loi ou du parlement. Ce sont les syndicats qui l'ont incarné en mettant la question de la vie chère à l'ordre du jour social et politique. Et cet espoir est parti d'en bas, à l'initiative de nombreuses délégations et de syndicalistes de base qui ont mené dans leurs entreprises une fantastique vague de grèves au cours des premiers mois de l'année 2008 afin d'arracher des hausses ou des primes salariales. Cette lutte pour les salaires, qui a initialement pris au dépourvu les états-majors syndicaux, doit être reconduite et amplifiée en front commun dès la rentrée. Il est nécessaire pour cela d'élaborer un plan d'action combatif et un cahier de revendications concrètes ; pour une grève générale de 24 heures en septembre afin d'exiger une augmentation généralisée des salaires, la revalorisation de toutes les allocations sociales et des retraites, pour la justice fiscale et le renforcement des services publics. Un tel objectif constituerait une première étape.

Car ce n'est pas la régionalisation des soins de santé ou des plaques d'immatriculation qui doit être au coeur des prochaines élections, mais bien la hausse des salaires pour répondre à la vie chère et à la crise de l'énergie. Et quelle que soit la formule et la nature du rafistolage gouvernemental que les partis traditionnels choisiront d'ici là, le mouvement ouvrier doit saisir l'opportunité qui s'offre à lui avec une classe dominante affaiblie et divisée afin d'imposer au plus vite des mesures d'urgence et de justice sociale. Dans ce combat, les sans-papiers - qui constituent le secteur le plus fragile et le plus exploité des travailleurs de ce pays - ne doivent pas être oubliés au moment où ils mettent littéralement leur vie en péril à cause du manque de volonté et de l'irrésponsabilité des gouvernants. La lutte pour leur régularisation doit également figurer au premier plan des mobilisations syndicales.

Enfin, ce n'est que que par la construction d'une nouvelle alternative de gauche opposée à tous ceux qui sont aujourd'hui représentés dans nos parlements que l'espoir, le courage, et la voix des militant/es, des délégations syndicales et des mouvements sociaux pourra réellement se traduire politiquement.

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