Russie: Khimki territoire de non-droit
Par Carine Clément, Evguenia Tchirikova le Lundi, 09 Août 2010 PDF Imprimer Envoyer

Alors que les incendies font rage aux alentours de Moscou et que les températures dépassent tous les records pour la région, à Khimki, petite ville voisine, c’est un tout autre combat qui est en train d’être mené. Cela fait en effet plusieurs années que le mouvement de défense de la forêt de Khimki, composé majoritairement de citoyens, se bat pour empêcher la destruction du dernier poumon de la ceinture de Moscou au profit de la construction d’une autoroute reliant Moscou à Saint-Pétersbourg. Le début des travaux entamés sans autorisation légale a suscité l’indignation des habitants de Khimki, ainsi que de nombreux citoyens et représentants de la société civile, majoritairement moscovites, venus sur place les soutenir. Sans cette mobilisation d’une ampleur inattendue il aurait suffit d’une semaine pour raser la forêt de Khimki. Les militants s’accrochent mais la ville est depuis lors le théâtre d’une violence, pas seulement policière, sans précédent. Nous publions ci-dessous un article de Carine Clément sur ces événements ainsi que la traduction d'un article d'Evguenia Tchirikova, leader du mouvement qui a subi une brutale répression policière. (LCR-Web)

Russie: Khimki territoire de non-droit

Par Carine Clément

Le 28 juillet au soir, plus de 500 jeunes s’attaquaient à la Mairie de Khimki, cette ville de la banlieue de Moscou devenue tristement célèbre ces dernières semaines pour être le terrain d’une lutte sans merçi entre les défenseurs de la forêt de Khimki, menacée de destruction par le projet d’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg et les autorités – fédérales et locales – ainsi que les responsables et administrateurs du chantier, parmi lesquels la firme française Vinci. La bataille des habitants de Khimki, appuyés par les écologistes et les militants politiques d’opposition, dure depuis des années. Procès, lettres ouvertes aux autorités, pétition signée par plus de 8.000 personnes, rassemblements, manifestations – tous les moyens ont déjà été utilisés pour obtenir une révision du tracé de l’autoroute, afin de préserver la forêt, ceinture verte autour de la capitale. Rien n’y a fait. Le 15 juillet dernier débutait l’abattage surprise des premiers hectares. Depuis, malgré quelques arrêts temporaires obtenus de haute lutte grâce à des raids écologistes dans la forêt, l’intervention de députés de la Douma fédérale, l’examen du dossier par la Chambre civique fédérale, l’avis défavorable à l’abattage émis par la Procurature, les coupes continuent.

Ce 28 juillet, à 17h, les habitants et défenseurs de la forêt étaient invités à une discussion publique par les autorités locales. Arrivés au rendez-vous, les militants apprenaient par une affichette collée à la porte du Palais de la culture de Khimki que la discussion était reportée à une date non précisée. Outrés par cet affront, les militants se sont rendus directement à l’endroit présupposé de l’abattage du moment pour mettre en place un nouveau camp de veille. Comme à chacun de leurs raids en forêt, ils étaient attendus par des jeunes se disant « gardiens » de la bonne marche du chantier. Evguenia Tchirikova, leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki, jeune mère de deux enfants en bas âge, raconte que les accrochages entre les écologistes et ces jeunes « à l’aspect de voyous » sont monnaie courante et que la police laisse faire, malgré les injonctions des militants. Pire encore, ce jour-là, tout comme de nombreuses autres fois, ce sont les militants que la police a arrêtés et emmenés au poste. « Notre camp a été encerclé et on nous a dit de quitter la forêt. Les OMON nous ont embarqués », commentait les faits Evguenia Tchirikova.

Ce même jour, de nombreux jeunes militants des mouvements antifascistes, anarchistes et autres informels de gauche s’étaient donnés rendez-vous à Moscou sur la place Trubnaïa pour un concert de soutien à la cause de la forêt de Khimki. Apprenant les dernières nouvelles du théâtre des opérations à Khimki, ils ont pris le premier train de banlieue pour aller porter secours aux militants écologistes. Leur chemin de la gare à la forêt passait par la Mairie de Khimki. Emotion, indignation, les premières pierres sont parties, suivies de bouteilles et de fumigènes. Les murs ont été recouverts de graffitis dont le slogan était « Sauvons les forêts de Russie ! ». La police, occupée à neutraliser les militants écologistes, est arrivée avec un grand retard, les jeunes s’étaient déjà dispersés.

Un tel affront aux autorités publiques et aux forces de l’ordre, montré dans tout le pays y compris par les chaînes de télévision officielles, devait être vengé. Dès le lendemain étaient arrêtés deux jeunes supposés coupables de l’organisation du « pogrom » de Khimki, Alexeï Gaskarov et Maxim Solopov. Le protocole d’arrestation indique qu’ils auraient été « pris sur les lieux du crime ». En fait, de nombreux témoignages indiquent qu’ils se sont rendus eux-mêmes volontairement à un énième entretien avec les représentants des forces de l’ordre qui les connaient depuis longtemps comme quelques-uns des rares antifascistes acceptant le dialogue avec la police et manifestant publiquement leurs opinions.

A suivi un procès commandité pour décider des mesures de détention des deux inculpés. A deux reprises, le 31 juillet et le 3 août, l’affaire a été entendue dans le plus grand secret (le tribunal de Khimki était encerclé par la police et les OMON, les séances étaient fermées au public, y compris aux journalistes et à la famille). Résultat des courses : Gaskarov et Solopov vont passer deux mois en prison en réclusion préventive. Ils sont accusés d’ « actes de voyourisme perpétrés par un groupe ayant prémédité ses actes » (article du Code pénal prévoyant jusqu’à 7 ans de prison). Les avocats parlent de faux témoignages à charge. Les militants du mouvement antifasciste déclarent que Gaskarov et Solopov ont été choisis comme boucs-émissaires pour l’unique raison qu’ils sont les figures les plus connues du mouvement. Les collègues de Gaskarov, qui collabore aux activités de l’Institut de l’Action Collective et couvrait les évènements de Khimki pour cette agence d’information militante, insistent sur l’engagement d’Alexeï pour les actions non violentes et la propagande pacifiste de l’anti-racisme et de l’anti-capitalisme. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une affaire pénale fabriquée pour des raisons politiques.

Les agissements brutaux et peu légaux de la police confirment cette version des faits. Le 4 août, à l’issue d’une conférence de presse portant sur l’affaire du « Pogrom de Khimki : fabrication de coupables » et tenue à Moscou au Centre indépendant de la presse, devant une trentaine de journalistes ahuris et indignés, Evguenia Tchirikova était brutalement embarquée par les forces de l’ordre et conduite au poste pour apporter son témoignage sur le soi-disant « pogrom » de la Mairie de Khimki (rappelons qu’au moment des faits, elle participait au campement écologiste au fin fond de la forêt de Khimki, avant d’être arrêtée par la police...). Après quatre heures d’interrogatoire, elle a été libérée... pour être arrêtée à nouveau le lendemain et conduite manu-militari devant le tribunal, cette fois-ci pour être jugée pour « manifestation illégale » (le camp écologiste). Elle s’en est sortie, pour cette fois, par une faible amende.

Mais la pression va croissante, tant sur les habitants les plus actifs de Khimki que sur les militants écologistes et ceux du mouvement antifasciste, anticapitaliste ou d’opposition. La police multiplie les perquisitions plus ou moins légales, y compris au siège des médias à la ligne trop « sympathisante » pour les « voyous » (notamment, Kommersant, Novaïa Gazeta, Svobodnaïa Pressa), de nombreux militants témoignent de coups de téléphone assortis de menaces et certains ont été littéralement kidnappés chez eux pour être forcés à témoigner.

Tout cela laisse à penser que l’affaire est éminemment politique, que les forces de l’ordre s’appliquent à rassembler les preuves à charge par tous les moyens. En un mot, les militants, de tous bords, osant prendre partie pour la défense de la forêt de Khimki, sont considérés comme des criminels en puissance. Il en va de la réputation des pouvoirs locaux (qui ne peuvent laisser le saccage de la Mairie impuni), de l’autorité des pouvoirs fédéraux (commanditaires du chantier de l’autoroute), de l’avenir d’un dossier particulièrement sensible compte tenu des intérêts économiques et politiques en jeu.

Rappelons que le journaliste et militant local Mikhaïl Beketov a déjà fait les frais de sa lutte contre le chantier et contre la corruption de la Mairie, ayant été tabassé à mort en novembre 2008 après des révélations visiblement gênantes pour certains. Il a survécu mais est gravement diminué physiquement, et son agression, dont le mouvement pour la sauvegarde de la forêt de Khimki attribue la responsabilité au Maire de Khimki, n’a jamais été élucidée.

Pour faire face à cette deuxième montée en puissance des forces répressives et corrompues, une campagne unitaire est lancée « Contre la destruction de la forêt de Khimki, contre le terrorisme du pouvoir et les voyous à son service ». Des dizaines de groupes – d’habitants de quartiers, d’organisations écologistes, de groupements de gauche ou d’opposition libérale, antifascistes, anarchistes – auxquels s’ajoutent des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et certains hommes politiques de l’establishment – tentent d’initier une campagne commune pour obtenir la libération de Gaskarov et Solopov, la sauvegarde de la forêt de Khimki et l’arrêt des répressions arbitraires des militants écologistes. Des pétitions circulent, des appels à solidarité sont lancés. A Moscou, la première action de solidarité est annoncé pour le 7 août, à 17h, devant le Monument Griboedov.

A en croire les sondages, l’opinion publique soutient plutôt les soi-disant « émeutiers ». A lire la presse, l’indignation monte. Peut-être que le pouvoir, cette fois-ci, est allé un peu trop loin dans l’arbitraire...

Khimki pourrait bien devenir le symbole d’une nouvelle alliance entre les mobilisations citoyennes de base, les mouvements de jeunes plus radicaux, les groupements politiques d’opposition et une partie de l’establishment politique – « contre l’arbitraire et la corruption du pouvoir » qui répond aux mobilisations par la violence et la répression.


Appel à campagne internationale

Les militants russes demandent aux réseaux internationaux de se mobiliser, par un soutien informationnel, des lettres, voire des actions de solidarité (y compris de pression sur le groupe Vinci, concernant la France).

Envoyer une lettre au Procureur général :

http://genproc.gov.ru/ipriem/address/

Modèle de lettre à envoyer (en anglais)


Chronique de la violence et d’une justice arbitraire

Par Evguenia Tchirikova

La confrontation physique entre les représentants de la société civile et les forces de l’ordre associées à des structures criminelles liées à la construction de l’autoroute Moscou - Saint-Pétersbourg a commencé dès le début de l’abattage de la forêt de Khimki.

Le 16 juillet, à l’endroit des travaux où les militants écologistes avaient monté un camp de protestation, un inconnu a agressé le leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki, Evguenia Tchirikova. Il l’a frappé à la main de manière à casser son téléphone portable et l’a ensuite heurté à l’aide du pare-choc de sa Jeep.

Une plainte a été déposée auprès de la police le jour même mais au jour d’aujourd’hui (le 7aout) on n’a aucune nouvelle du développement de l’affaire. Dès le départ, des points de surveillance par des sociétés privées de gardiennage ont été installés près du camp pour effrayer les militants. Les gardiens faisaient régulièrement des rondes dans le camp pour proférer des menaces.

Le 17 juillet, ces mêmes gardiens sont entrés dans le camp et ont menacés les activistes avec des matraques en fer.

Le 22 juillet, des activistes se sont rendus pacifiquement à la Mairie pour remettre une pétition. La police les a brutalement dispersés et 5 personnes ont été arrêtées.

Le 22 juillet, la société « Po-teplotekhnik », en charge de la déforestation, a engagé un sous-traitant (l’entreprise « Lestorg ») et renforçé la surveillance. Mais en plus du personnel de sécurité « officiel », fourni par l’entreprise privée «  Vityaz », des inconnus à l’apparence criminelle et ne portant aucun signe d’appartenance à une agence de sécurité légale ont été engagés. Ces individus étaient très agressifs, ils ont même tenté de s’en prendre à un journaliste de la BBC et de « Radio Svoboda », afin d’empêcher les tournages vidéo. Les activistes ont tout de même pu se frayer un passage jusqu’au lieu d’abattage et obtenir l’interruption des travaux « jusqu’à présentation des documents d’autorisation ».

Dans la nuit du 22 au 23, un nouveau camp fut installé là où avaient commencé d’autres travaux. Au levé du jour une cinquantaine de personnes portant des masques blancs se sont introduites dans le camp. Il s’agissait de jeunes hommes bien bâtis, probablement des membres de clubs de supporters et de groupements néonazis. Ils menaçaient les activistes de mort. La déforestation a pu reprendre sous leur surveillance.

Un détachement de la police est arrivé sur place mais est reparti sans même régler la situation ni établir l’identité des hommes masqués. C’est à ce moment que la leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki, Evgenia Tchirikova, ainsi que d’autres militants, se sont vu obligés de se jeter sous les roues d’une voiture de police, afin de préserver la sécurité des activistes qui allaient se retrouver seuls à seuls avec des criminels plus forts qu’eux.

Après l’arrivée sur place des caméras de télévision, les hommes masqués ont commencé à faire preuve de beaucoup plus de retenue. Certains militants ont tenté d’établir le dialogue avec eux, leur expliquant qu’ils étaient utilisés pour défendre un projet illégal et empreint de corruption. Profitant de la confusion, certains activistes ont de nouveau réussi à pénétrer le lieu de l’abattage et à arrêter les travaux.

Suite à cela, et malgré le fait qu’aucun document d’autorisation n’avait été présenté, des divisions de police et des forces spéciales (OMON) ont été déployées pour la protection des ouvriers au travail. Les hommes masqués n’intéressaient visiblement pas les policiers arrivés dans le camp le 23 juillet. Ils ont donc commencé à arrêter sauvagement les militants et les journalistes se trouvant aux alentours du lieu d’abattage.

Lors de son arrestation la journaliste de « Novaya Gazeta » Elena Kostioutchenko a été sérieusement blessée aux vertèbres cervicales. Margarita Popovka a pour sa part été traînée jusque dans le combis par des policiers qui la tenaient par les cheveux. Comme les hommes en uniforme refusaient d’énoncer la cause de l’arrestation et même de se présenter, cela ressemblait beaucoup plus à un enlèvement qu’à une opération de police de routine. La déforestation a ensuite continué sous la surveillance conjointe de la police, de l’entreprise privée de sécurité et de militaires dont on ignore la provenance.

Le 26 juillet, des activistes sont arrivés sur place avec le député de la Douma d’Etat Anton Belakov. Une fois de plus, l’absence de documents autorisant la destruction de la forêt a pu être confirmée. De plus, même la présence du député n’a pu empêcher le recours à la violence : l’activiste Dionis Georgis a été attaqué par des hommes armés sans insigne permettant de les identifier, qui l’ont jeté sur le sol et l’ont roué de coups de pieds. Les policiers présents sur instance du député se sont vus contraints de les arrêter. Aucune plainte n’a cependant suivi. De toute évidence, les agresseurs ont été relâchés par la police dès que occasion de le faire en l’absence des caméras et de témoins s’est présentée.

Le 28 juillet à 17 heures devait avoir lieu une rencontre entre Mr. A.T Semtchenko, le directeur de l’entreprise « Po-teplotekhnik » en charge des travaux de déforestation, et des représentants de la société civile ainsi que des citoyens. Mais au dernier moment les défenseurs du projet ont de nouveau refusé le dialogue. Les citoyens hors d’eux se sont alors rendus à la forêt de Khimki, pour tenter de faire barrage de leur corps à l’abattage illégal.

Vers 19 heures, un des militants, Mikhaïl Matveev, s’est enfoncé dans la forêt jusqu’au lieu d’abattage. Il fut alors agressé par un groupe d’hommes portant des masques noirs. Il a été jeté sur le sol et battu. On lui demandait qui il était et d’où il venait, la carte mémoire ainsi que la batterie de son appareil photo lui ont été volées. Quand on l’a finalement laissé partir, Mikhaïl s’est adressé aux agents de police en poste sur la chaussée avoisinante. Mais ceux-ci ont refusé d’inspecter la forêt, rétorquant « qu’il n’y avait personne », et ont refusé de prendre sa déposition. Après un certain temps, un autre activiste, Alexandre Glibin, pu de nouveau apercevoir un groupe d’hommes masqués, mais ils étaient accompagnés d’employés de l’agence de sécurité privée et de la police.

C’est plus ou moins à ce moment que des groupements de jeunes anarchistes et antifascistes ont attaqué la Mairie de Khimki. La police n’a pu s’interposer et a même du déserter les lieux. Le camp des militants écologistes sur le lieu d’abattage est ensuite devenu la cible des forces de police, bien qu’aucun d’entre eux n’ait pu prendre part à l’attaque de la Mairie.

Vers 22 heures, une quinzaine de personnes se trouvaient près de la zone de travaux illégaux dans la forêt de Khimki. Les activistes donnaient des interviews aux journalistes et montaient leurs tentes.

Un détachement de la police composé d’une quarantaine de personne fit une apparition surprise. Ils déclarèrent que, sur ordonnance du Gouverneur de l’Oblast de Moscou, les activistes devaient quitter la forêt. Indiquant les restes d’un feu de bois éteint depuis longtemps, ils accusèrent les défenseurs de la forêt d’allumer du feu. Malgré l’absurdité des déclarations de la police, et vu l’évidente inégalité des forces, les militants commencèrent à rassembler leurs affaires et à sortir de la forêt. Mais à ce moment, un combis fit son apparition au coin de la chaussée. Les policiers ordonnèrent à toutes les personnes qui venaient de quitter la forêt d’y monter. À la question de savoir de quoi étaient accusés les militants, ils répondirent « nous vous expliquerons plus tard ». Les activistes montèrent de force dans le combis et furent conduits au bureau de police n°2 de Khimki. 15 personnes furent arrêtées. D’entre eux, 5 journalistes et un assistant de député ont été relâchés. Les 9 personnes restantes ont passé la nuit et la matinée dans des cachots étouffants. Les militants ont été fouillés devant l’entrée de leur geôle. Eveguenia Tchirikova et Elena Maximova ont été contraintes de se déshabiller. Les autres activistes se sont vu privés de leurs objets personnels, y compris de leur téléphone portable. Evguenya demanda à être relâchée car ses 2 enfants mineurs d’âge (9 et 4 ans) étaient restés à la maison. Ce à quoi les policiers sous l’ordre du commandant Chkouratov ont répondu par la négative.

Le lendemain, 14 personnes ont été transférées du poste de police vers le tribunal situé au 1, Rue Spartakov à Khimki. Il s’est avéré qu’ils étaient accusés de « manifestation non-autorisée », « allumage de feu de bois » et « opposition à la police ».

Le juge est apparu vers 16 heures et l’audience a commencé. À la fin des débats, vers 19 heures, une seule affaire avait été traitée. De plus, le juge n’a pas jugé utile de consulter les dépositions de certains témoins ni les nombreuses photos et vidéos présentées. Toute l’accusation a été fondée sur les déclarations de deux policiers. Au final, Elena Maximova a été jugée coupable et condamnée à une amende de 700 roubles. La police menaçait de ramener ceux qui n’étaient pas passé en jugement au poste.

Sachant que cela était illégal, les activistes demandèrent au juge une convocation leur permettant de se présenter eux-mêmes en temps indiqué au tribunal. Le juge répondit par un « je ne vous retiens pas » et des convocations en bonne et due forme furent remises aux activistes, qui quittèrent le tribunal vers 19-20 heures et rejoignirent leurs maisons respectives.

Mais en chemin, ils se rendirent compte qu’ils avaient été pris en filature. Une partie d’entre eux parvint à se cacher, mais ils ont du quitter Khimki. Trois personnes furent à nouveau arrêtées sous prétexte de « remise de convocation ». Ils ont finalement passé quelques heures dans des voitures de police puis au poste. De plus, pour une raison inconnue, au lieu de leur remettre une convocation on leur a ordonné de se présenter au poste de police le lendemain matin à 9 heures, faute de quoi ils pourraient bien être poursuivis au tribunal pénal.

Le jour suivant des raids ont été menés par la police dans les appartements des militants, surtout dans le but d’effrayer leurs parents et de déterminer où ils se trouvaient. Les policiers n’ont pas vraiment pu justifier les raisons de leur arrivée. Le 30 juillet la police s’est également rendue à la demeure de certains militants : chez Alexandre Mitenkov à 6 heures du matin, chez des parents d’Evguenia Tchirikova vers 9h. C’est là qu’a commencé la campagne d’intimidation permanente des activistes et des membres de leurs familles.

Pendant ce temps la déforestation suivait son cours. Des représentants des mouvements sociaux et des figures politiques de Moscou commencèrent à se rendre sur place afin de s’y interposer. Le 31 juillet le leader du parti « Yabloko », Sergueï Mitrokhin, se trouvait sur les lieux. Il se tenait avec son assistant sur un tas de rondins. Voyant le commandant Chkouratov, chef du commissariat n°2 de Khimki, escalader pour venir le rejoindre, Sergueï Mitrokhin se mit à descendre. Alors qu’il descendait le commandant Chkouratov le frappa dans le dos et il tomba.

Le 31 juillet vers 17 heures, le défenseur de la forêt Guennadi Rodin fut arrêté dans la forêt de Khimki. Le chef de la police, après avoir vu son t-shirt « la Russie est pour la forêt de Khimki » a ordonné qu’il soit arrêté sur le champ. Il monta de force dans une voiture et fut conduit au commissariat n°2 de Khimki. D’autres activistes et des connaissances de Guennadi, ainsi que des journalistes et défenseurs des droits de l’homme appelèrent le commissariat n°2 pour savoir ce qu’il en était de lui. Mais la police leur répondit qu’il n’y avait aucun Guennadi Rodin au poste. Sous la pression de la société civile, les policiers lui ont permis de rencontrer ses proches vers 21h. Ils ont pu lui apporter de la nourriture. À 2h du matin il fut relâché, les policiers lui ayant arraché la promesse de se présenter au poste lundi à 9h.

Pendant ce temps, dans la nuit du 31 au 1er août, vers une heure du matin, le défenseur de la forêt Youri Vladimirovitch Petin fut agressé dans la forêt de Khimki. À ce moment l’abattage battait son plein. Alors que Youri tentait de s’approcher des travaux illégaux il fut aveuglé par une lampe de poche et frappé à la tête. Quand il revint à lui on lui demanda qui il était, d’où il venait et s’il entretenait des rapports avec les antifascistes. Youri fut ensuite dépouillé : on lui prit son appareil photo, son téléphone portable et sa pompe à vélo.

Le 1er août la campagne d’intimidation des activistes fut prolongée. Au matin trois policiers se sont présentés chez des proches d’Evguenia Tchirikova lui donnant l’ordre de se rendre à 11h le 2 août au commissariat situé au 4, Rue Gogol, en tant que témoins. Cependant, la convocation ne portait ni la mention, ni le numéro de l’affaire pour laquelle ils étaient appelés. Les policiers s’adressaient au frère d’Evguenia, l’obligeant à signer la convocation à sa place et menaçant de poursuites pénales si elle ne se présentait pas. L’objectif évident de ces actes était d’empêcher Evguenya d’assister à la réunion des habitants de Khimki prévue le 2 août sur le champ Starbeevski.

Le même jour une dizaine d’hommes armés s’en sont pris au militant Sergueï Agueev, qui était en train de montrer le lieu d’abattage au correspondant d’un magazine allemand. Ils l’ont menacé physiquement et exigé l’arrêt de la visite et de la séance photo.

Le 2 août sur le champ Starbeevski devait avoir lieu une rencontre pacifique entre les représentants du mouvement de défense de la forêt et de simples citoyens, pour discuter de la situation et chercher de futures solutions au problème. Mais cette réunion a été brutalement dispersée par les forces spéciales. Plus de 10 personnes ont été arrêtées, dont Sergueï Mitrokhin et d’autres acteurs de la société civile de Moscou et Khimki. Au commissariat on tenta une nouvelle fois de confisquer aux activistes leurs téléphones portables et leurs affaires personnelles.

Le 4 août, les forces spéciales de la banlieue de Moscou arrêtèrent grossièrement Evguenia Tchirikova alors qu’elle sortait du Centre de la presse indépendante. En violation de la loi sur la police, la force physique a été employée alors qu’elle ne tentait même pas de se cacher ou de s’opposer à son arrestation. Les policiers refusèrent de se présenter ou d’énoncer la raison de son arrestation. Il apparu plus tard qu’elle avait été arrêtée dans le but de « déposer un témoignage ».

Le 5 août, après que les témoignages aient été déposés au département des affaires intérieures de la ville de Khimki (Rue Gogol n°6), Evguenia Tchirikova et Yaroslav Nikitenko se sont vu priés par un groupe de policiers de les accompagner au tribunal. Yaroslav Nikitenko refusa car aucune convocation ou attestation ne lui avait été présentée. Il fut alors jeté vulgairement à l’arrière du combis, avec recours à la force. Il fut fouillé sans raison apparente et son téléphone portable lui fut confisqué. Evguenia Tchirikova non-plus ne s’est pas vue remettre de convocation.

Le tribunal a une fois de plus ignoré les déclarations d’autres témoins et toute l’accusation a été fondée sur les déclarations de quelques policiers. Evguenia Tchirikova a été condamnée à 2300 roubles et d’amende et Yaroslav Nikitenko à 800 roubles.

Traduction du russe: Matilde Dugauquier

Voir ci-dessus