Gaza: condamner les «deux côtés »: pire que les assassins ! Les raisons du massacre
Par Michel Warschawski le Jeudi, 01 Janvier 2009 PDF Imprimer Envoyer

Barak, Olmert, Livni et Ashkenazi auront un jour à répondre de crimes de guerre devant une cour de justice, comme d’autres criminels de guerre. En conséquence, notre devoir est d’informer sur leurs actes et déclarations pour être sûrs qu’ils payeront pour les massacres qu’ils ont ordonnés et commis. Mais une autre catégorie de criminels pourrait échapper aux tribunaux. Ils ne se salissent pas les mains du sang des civils, mais fournissent les justifications intellectuelles et pseudo morales des assassins. Ils constituent l’unité de propagande du gouvernement et de l’armée des tueurs.

Les écrivains israéliens Amos Oz, et A. B. Yehoshua sont les exemples type de tels misérables intellectuels, et ce n’est pas la première fois! A chaque guerre ils se portent volontaires pour l’effort de guerre israélien, sans même un enrôlement officiel. Leur première tâche est de fournir des justifications à l’offensive israélienne, puis, dans un second temps, ils pleurent leur virginité perdue et accusent l’autre camp de nous avoir obligés à être brutaux.

La justification fournie par Oz dans le quotidien italien Corriera de la Serra, et par Yehoshua dans La Stampa est évidemment la nécessité de réagir aux roquettes sur Sderot, comme si tout commençait avec ces roquettes. « J’ai dû expliquer aux Italiens - écrit Yehoshua dans Haaretz le 30 décembre 2008 - pourquoi l’action israélienne était nécessaire...»

Yehoshua et Oz ont oublié 19 mois de siège israélien brutal imposé à un million et demi d’êtres humains, les privant des fournitures les plus élémentaires. Ils ont oublié le boycott israélien et international du gouvernement palestinien démocratiquement élu. Ils ont oublié la séparation forcée de Gaza et de la Cisjordanie, séparation faite pour isoler et punir la population de Gaza de son choix démocratique incorrect.

Après avoir choisi de réécrire la chronologie des événements, Oz et Yehoshua utilisent l’argument de la symétrie: la violence est utilisée des deux côtés et il y a des victimes innocentes à Gaza comme en Israël. En effet, chaque civil tué est une victime innocente. Cependant, la chronologie et le nombre ne sont pas hors propos: 3 civils israéliens ont été tués dans le sud d’Israël, mais seulement après que l’aviation israélienne ait commis son massacre planifié dans le centre de la ville de Gaza, en tuant plus de 300.

Cette position des intellectuels les plus en vue d’Israël sert de justification morale au soutien que le parti de la gauche sioniste Meretz apporte à l’agression criminelle du ministre de la défense Barak. Meretz aussi exprimera en temps voulu son opposition aux meurtres, c’est-à-dire lorsque la communauté internationale exprimera sa préoccupation pour les fautes d’Israël. Pour l’instant cette communauté internationale demeure silencieuse et semble même heureuse de la contribution israélienne à sa sainte croisade contre la menace globale islamique.

Pour montrer de la préoccupation, l’Europe envoie une assistance humanitaire (symbolique) à la population de Gaza. En entendant le ministre français des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner soutenir l’action israélienne, en même temps qu’il annonce la décision d’envoyer des produits humanitaires à Gaza, je n’ai pu m’empêcher de me souvenir des informations sur les délégations de la Croix Rouge Internationale qui venaient visiter les camps d’extermination nazis avec des chocolats et des biscuits. Je sais que ce n’est pas la même chose, mais personne ne peut contrôler ses associations mentales.

Bernard Kouchner a cependant une circonstance atténuante: les régimes arabes, en particulier celui d’Hosni Moubarak, soutiennent aussi l’agression israélienne. Et ils vont aussi envoyer du chocolat et des biscuits aux enfants de Gaza, sauf bien sûr à ceux qui gisent morts à l’hôpital de Shifa.

Traduction de l’anglais : Michèle Sibony.


Les raisons du massacre à Gaza

«La mort de la seule et unique victime israélienne justifie l'assassinat de centaines de palestiniens. Une vie israélienne vaut des centaines de vies palestiniennes. C'est cela que l'Etat d'Israël et les médias dans le monde répètent plus ou moins distraitement. Cette allégation, qui accompagne et justifie la plus longue occupation de territoires étrangers de l'histoire du XXe siècle, est viscéralement raciste.» (John Berger)

Tandis que le monde entier regarde effrayé les terribles images retransmises depuis Gaza, l'opinion publique israélienne soutient massivement la sanglante offensive de Barak-Olmert. Y compris le parti Meretz, l'opposition de la gauche parlementaire. Après avoir manifesté quelques préoccupations pour la mort de civils, le leader du Meretz, Haim Oron, dans un entretien à la télévision israélienne, a adhéré aux arguments de la propagande officielle rendant responsable le Hamas du bain de sang. Ce discours mystificateur est repris par la majorité des leaders du monde occidental, à l'image du Ministre des affaires étrangères français qui dépasse y compris la Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Condoleeza Rice. Répétons les faits tels qu'ils sont:

- Gaza est la cible de l'armée israélienne depuis la victoire du Hamas; le blocus imposé à plus de 1,5 millions de civils – par Israël mais également par la dénommée communauté internationale – est en soi un acte de violence et un crime de guerre.

- L'attaque israélienne est une agression soigneusement planifiée: selon les informations données par les autorités israéliennes elles-mêmes, Ehud Barak planifie l'attaque de Gaza depuis le mois d'août.

- Les roquettes lancées sur des villes israéliennes constituaient une représaille à des agressions militaires israéliennes antérieures, elle ne furent d'ailleurs pas lancées par le Hamas mais bien par une petite organisation; le Jihad Islamique.

- L'attaque contre Gaza fait partie intégrante de la guerre sainte néo-conservatrice menée contre le monde islamique; l'administration néo-conservatrice des Etats-Unis – tout comme l'Egypte et d'autres régimes réactionnaires arabes – ont encouragé les autorités israéliennes à déclencher l'offensive avant qu'Obama ne prenne ses fonctions à la Maison Blanche.

L'intention déclarée de Barack Obama d'ouvrir des discussions avec la République islamique d'Iran est l'une des principales préoccupation des administrations sortantes de Tel Aviv et de Washington. L'offensive contre Gaza constitue une tentative de provoquer une réaction iranienne qui justifie une représaille israélienne et états-unienne. Depuis plusieurs jours, le vice-ministre de la Défense israélien, Ephraïm Sneh, bien connu pour son obsession anti-Iran, a systématiquement lié les roquettes du Hamas (sic) à l'Iran, bien entendu sans présenter la moindre preuve.

Cette stratégie générale, basée sur la mystification du «choc des civilisations» et dans la guerre globale contre l'Islam, est partagée par tous les partis sionistes d'Israël et explique le soutien du Meretz à l'agression actuelle.

Les leaders israéliens et leurs parrains néo-conservateurs à Washington sont préoccupés par le changement d'administration aux Etats-Unis. Il craignent qu'un nouvelle stratégie puisse ébranler la guerre globale préventive. L'attaque contre Gaza est une tentative de la dernière heure de changer les rapports de forces au Moyen-Orient, avant la fin de l'ère néo-conservatrice.

Avant de conclure, n'oublions pas la dimension obscène du drame; les centaines de victimes des bombardements israéliens sur Gaza sont les victimes «collatérales» de la campagne électorale israélienne. Pour augmenter le soutien populaire avant les élections, tous les leaders israéliens sont en compétition afin de montrer qui est le plus dur et qui est le plus disposé à tuer le plus grand nombre. Ehud Barak, cependant, a la mémoire courte, Shimon Peres pourrait lui rappeler que ce calcul cynique n'est pas forcément le meilleur: le massacre de Qana, qui devait lui apporter la victoire, a eu comme conséquence que des centaines de milliers de citoyens ont tourné le dos au Parti travailliste de Peres.

Malgré sa brutalité, Ehud Barak reste l'un des leaders les plus populaires de la scène israélienne. Mais les milliers de manifestants qui sont descendus dans les rues ces derniers jours, pratiquement sans appel organisé, afin de protester contre le massacre ne lui accorderont certainement pas leur vote. Et il est à prévoir que l'indignation internationale et le relativement large sentiment anti-guerre parmi les électeurs du Meretz pousseront une fois encore ce dernier à changer de position. Les chefs de ce parti devraient s'assimiler cette ancienne vérité: les électeurs préfèrent toujours l'original à la copie: lorsque le Meretz avalise la stratégie de guerre et les mensonges de Natanyahou, les électeurs vont préférer voter pour lui plutôt que pour sa pâle copie.

Michel Warschawski / Alternative Information Center

Traduction française pour le site www.lcr-lagauche.be

 

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