En finir avec l'inique «chasse aux chômeurs»
Par Comité de chômeurs FGTB Charleroi le Mercredi, 16 Juin 2010 PDF Imprimer Envoyer

Dans un contexte socioéconomique désastreux où pas un jour ne passe sans que l’on n’entende parler de restructurations dans les entreprises et de pertes massives d’emplois, rien n’arrête l’ONEM dans son incessante chasse aux chômeurs. Chaque jour, le Travailleur Sans Emploi doit partir à la conquête d’un travail en voie de disparition… A Charleroi, on compte une offre d’emploi pour environ une quarantaine de demandeurs.

A l’image de Carrefour, Cartomils, Carsid ou encore AGC, de plus en plus de travailleurs risquent malheureusement de venir gonfler les rangs des chômeurs et d’ainsi faire le triste apprentissage d’une recherche d’emploi parsemée d’embûches.

Le 16 mars 2010, la ministre de l’Emploi sortait sa réforme du plan d’accompagnement des chômeurs. Force est de constater qu’avec ces nouveaux aménagements, nous assistons à une radicalisation des mesures déjà existantes.

Si dans un premier temps, il était souhaitable que l’accompagnement des chômeurs soit davantage régionalisé, la direction que prennent les nouvelles compétences octroyées aux organismes régionaux ne laissent rien présager de bon pour les demandeurs d’emploi.

Désormais, l’accompagnement « proposé » par les régions comportera systématiquement un contrat ou un plan d’action obligatoire. Le manque de collaboration éventuel du demandeur d’emploi sera directement transmis à l’ONEM. Cela implique qu’une sanction sera alors possible dès le premier entretien de suivi.

Lorsque les détracteurs du système actuel préconisaient un renforcement du rôle des organismes régionaux de l’emploi, ce n’est bien entendu pas à cela qu’ils pensaient. Aucune piste concrète n’est avancée afin d’accroître la qualité et la personnalisation de l’accompagnement.

Pour nous, il est primordial d’exiger au plus vite que le demandeur d’emploi ait la possibilité d’être assisté par un représentant syndical dès le début de la procédure d’accompagnement, ce qui n’est actuellement pas le cas !

Nous appelons à une solidarité massive entre travailleurs avec ou sans emploi pour que le FOREM reste un organisme de soutien. Son rôle doit être d’aider à la recherche de formation et d’emploi et non de contrôler. Il faut revoir l’entièreté de l’offre de formation, trop souvent incohérente et peu en phase avec la réalité de terrain et les attentes des participants.

Depuis le 1er janvier 2010, dans le cadre des mesures de crise, le nouveau plan d’embauche « win-win » est entré en vigueur. Son objectif est d’inciter les employeurs à engager des demandeurs d’emploi entrant dans les catégories dites ‘plus fragilisées’ en rendant leurs conditions d’embauche financièrement plus qu’ attractives. Bien qu’on nous la présente comme mesure de crise, celle-ci est également accessible aux entreprises qui ne rencontrent pas de difficulté financière.

Dans les faits, nous constatons que ‘les plus de 50 ans’ constituent le public ‘privilégié’ du plan « win-win ». Ce sont eux qui représentent la majorité des personnes convoquées aux séances d’info de l’ONEM. Il s’agit là clairement d’une manœuvre détournée qui prend pour cible un public qui était, jusqu’à présent, relativement épargné par le plan d’activation.

Tout comme les précédents, ce plan ne s’inscrit pas dans une politique de création d’emploi sur le long terme. Il est donc urgent que le gouvernement joigne aux aides financières qu’il distribue des mesures exigeant que l’employeur prolonge le contrat au-delà de la durée de ces plans.

A nos yeux, ce ne sont pas les faibles mesures de contrôle instaurées qui empêcheront un chef d’entreprise peu scrupuleux de manœuvrer afin de remplacer des travailleurs sous contrat classique par ces véritables aubaines financières. C’est donc bien la stabilité de l’emploi qui est menacée. A l’image du mécanisme de contrôle des chômeurs qui est relativement développé, il serait logique qu’autant d’énergie soit déployée afin de détecter et sanctionner les abus commis par le patronat.

Au regard de l’ensemble des conséquences de la politique menée actuellement tant au niveau régional que fédéral, une question essentielle nous vient à l’esprit. Toutes ces mesures vont-elles réellement générer de l’emploi ? La réponse est claire, c’est NON !

Dans une déclaration à la presse au sujet de l’accompagnement des chômeurs, en février dernier, le ministre wallon de l’Emploi, le CDH André Antoine proposait que les personnes menacées de sanctions puissent faire des travaux d’intérêts généraux.

En suivant ce raisonnement dans un futur proche, les Travailleurs Sans Emploi, pris en défaut dans leur contrat, ne seront même plus suspectés d’être de potentiels fraudeurs, mais seront directement considérés comme des coupables susceptibles de purger une peine.

Comment peut-on parler de plan raisonnable et humain lorsqu’on constate qu’en réalité, c’est un véritable mécanisme d’exclusion exigeant l’impossible et visant en première ligne toutes les personnes déjà fortement précarisées qui a été déclenché et ce depuis 2004 ? Actuellement, le seul critère légitime pouvant justifier l’exclusion d’un chômeur ne peut être que le refus d’une offre proposant un travail de qualité.

Par qui sommes-nous encore soutenus au regard de la soudaine volte-face du Parti Socialiste qui au départ, se disait favorable à une suspension du plan pour ensuite opter timidement pour de simples aménagements de surface ? Cette prise de non position s’inscrit dans la liste des graves erreurs commises par le PS à l’égard des travailleurs au cours de ces dernières années (approbation du plan d’activation à sa création en 2004, Pacte de solidarité des générations, défense des intérêts notionnels…).

Les intérêts notionnels, parlons-en ! On peut aussi les ajouter aux nombreux cadeaux offerts clé sur porte aux entreprises et savamment ficelés par un ministre des finances MR plus qu’inventif et complètement asservi aux causes patronales. On notera entre autre son nouveau projet de levée du secret bancaire en demi teinte qui n’est en fait qu’un nouvel effet de manche destiné à tempérer quelque peu la grogne syndicale et donner ainsi une image plus lisse à des fins purement électoralistes.

Pendant ce temps-là, les organisations patronales n’ont plus qu’à se réjouir! La FEB se félicite d’ailleurs de l’efficacité avec laquelle ce plan est appliqué. Il est vrai que leurs attentes sont rencontrées. L’armée de réserve que constituent à leurs yeux les chômeurs reste sous bonne garde et leur permet de faire pression sur les salaires et les conditions de travail des actifs … Le champ est donc libre afin qu’ils puissent se consacrer entièrement à défendre leurs grandes priorités.

Ah si j’étais patron, je pourrais engager pour quelques centaines d’euros par mois grâce à divers plans d’embauche, j’aurais droit au intérêts notionnels, à des réductions ONSS et fiscales, je pourrais recourir sans trop de difficultés au chômage économique et à tant de nombreuses autres facilités pour augmenter mon return… Et si les travailleurs se plaignent, je pourrais encore les menacer de délocalisation !

Les travailleurs, et bien eux, ils voient chaque jour leurs conditions de vie et de travail se dégrader. Dans un chantage social permanent, on leur demande de plus en plus de concessions sous peine de voir leur emploi tout bonnement disparaître. On se soucie peu de la pénibilité de certains métiers, de la flexibilité horaires, de la longueur des trajets pour se rendre sur son lieu de travail ou encore du stress lié à l’insécurité de l’emploi. Seule la rentabilité compte !

Les travailleurs sans emploi, on veut les accompagner, les former, les coacher pour finalement les exclure du droit aux indemnités de chômage. C’est pourtant loin d’être un luxe ou une faveur qu’on leur accorde, mais bien un droit fondamental à la sécurité d’existence.

Les effets pervers de ces exclusions sont niés par les responsables politiques. On oublie que, bien souvent, lorsqu’ une personne est sanctionnée ou exclue, c’est toute une famille qui plonge dans la précarité (recours au CPAS, surendettement, désocialisation,…) C’est tout simplement l’entrée dans une spirale infernale où l’on perd jusqu’à sa propre identité et sa dignité.

C’est pourquoi le mot solidarité doit retrouver tout son sens : une solidarité entre actifs et non actifs, jeunes et moins jeunes, diplômés ou non afin de sauvegarder les avancées sociales acquises par les luttes des générations précédentes et tendre vers une sécurité d’existence pour tous. Plus que jamais, nous devons tous nous unir dans le combat contre ce système capitaliste qui a largement prouvé son inefficacité et surtout sa dangerosité !

Texte écrit par Christiane Maigre, militante syndicale au sein des Travailleurs Sans Emploi de Charleroi pour le Collectif Belge des "Marches européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions. Ce texte a été lu par Julien Verbayst à la tribune du Premier Mai organisé par la FGTB-Charleroi au nom du Comité de chômeurs FGTB

 

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