Carte blanche du Collectif féministe vaMos: «Paroles d’hommes»… contre les femmes?
Par Vamos le Mercredi, 15 Octobre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Ces 17 et 18 octobre se tient à Bruxelles le 3ème congrès international «Paroles d’hommes» intitulé «Hommes: état des lieux», avec l’appui des pouvoirs publics (1). Ce colloque donne la parole à plusieurs masculinistes notoires. Qu’est-ce que le «masculinisme», ou «hominisme»?

Les masculinistes affirment qu’aujourd’hui les hommes souffrent à cause du changement social induit par l’émancipation des femmes. Ils estiment que la société contemporaine est trop «féminisée» et que les hommes doivent «se libérer du joug des femmes» (2). La masculinité serait galvaudée par le féminisme, mouvement à honnir, complot, «arme de destruction massive (…) pour abattre les hommes, les émasculer moralement» (3). C’est le discours tenu par certains des initiateurs et conférenciers de «Paroles d’hommes».

Inscrits dans la criminalisation de toute contestation, ils estiment que les «dérives extrémistes» des «féministes talibanes» provoqueraient la «guerre des sexes» en exagérant les inégalités sociales (4). Le féminisme est comparé au terrorisme et au nazisme: il anéantirait les hommes, le nombre de suicides masculins en constituant une preuve. Etonnante façon de traiter un mouvement politique qui n’a jamais tué personne, alors que le machisme tue tous les jours (5)

En fait, les masculinistes ne sont pas seulement contre les féministes. Nous reconnaissons dans leurs propos les arguments réactionnaires et conservateurs de la droite dure qui attaque directement les droits de toutes les femmes et d’autres groupes: droit au divorce, à l’avortement, à l’autonomie matérielle, à l’assurance sociale... Les masculinistes refusent ces progrès qui, selon eux, par « une confusion des rôles» « réduisant les potentialités de désir entre femmes et hommes», encouragent la multiplicité de sexualités présentées comme déviantes (6).

Comme gage de retour à l’ordre, la loi du père est invoquée par les masculinistes. Ils oeuvrent dans les associations de pères déçus par des divorces qui auraient «broyé les hommes» (7) et par la transformation des modèles familiaux qui les priveraient de «re-pères». Leurs théoriciens analysent cette «souffrance» dans une dimension individuelle et psychologisante, hors de tout contexte social. Ils militent pour une parentalité «égalitaire» uniquement après le divorce, tout en s’inscrivant dans une spécificité «naturelle» des sexes, avec des rôles parentaux immuables (8). Les mères auraient trop de droits: confortées par une justice inféodée, elles affabuleraient nombre d’accusations d’inceste et ruineraient les pères en rentes alimentaires. De plus, les femmes porteraient une responsabilité partagée des violences dont elles font l’objet.

On pourrait négliger les idées masculinistes si elles ne trouvaient pas le soutien des pouvoirs publics, comme si les injustices sociales sexuées étaient symétriques et que le masculinisme formait dès lors le pendant du féminisme. Or, comme le décrivent nombre de productions scientifiques, ce n’est pas le cas. Une lecture sociologique montre que, malgré l’égalité formelle, hommes et femmes ne sont pas égaux: en Belgique, les femmes prestent encore, même quand elles travaillent, 65 à 80% des tâches ménagères et parentales. L’écart entre les salaires bruts moyens des hommes et des femmes s’élève à 25%. Les fonctions à responsabilité et le travail à temps partiel restent fortement sexués, tout comme les travailleurs pauvres, la monoparentalité (85% de femmes), aggravant la pauvreté. Les hommes occupent une position dominante dans notre société. Il n’existe donc aucune oppression ou discrimination structurelle à leur égard. Par contre, «des» hommes sont effectivement opprimés ou exploités en fonction de leurs origines, de leur classe sociale, de leur orientation sexuelle. Ceux-là peuvent compter sur la solidarité du mouvement féministe. Nous soutenons également les réflexions des hommes sur la masculinité dans un sens égalitariste.

Le mouvement féministe a permis et permet encore des avancées dont chacun et chacune, quelque soient ses convictions, peut jouir plus aisément: choisir l’arrivée d’enfants, disposer de ses revenus propres, vivre son couple ou sa sexualité comme bon lui semble. Il réclame une parentalité égalitaire dès l’arrivée de l’enfant. Le féminisme garde son sens tant que ces progrès et d’autres ne sont pas pleinement opératoires et accessibles à tout-e, quel que soit son sexe, sa race, sa classe sociale, son orientation et son identité sexuelles.

Alors que la lutte anti-raciste est heureusement reconnue comme incontournable, la lutte contre le sexisme est encore considérée comme secondaire. En tant que femmes et hommes épris de toute forme d’égalité et de justice, nous disons notre inquiétude face à la montée des idées masculinistes et à l’écho qu’elles rencontrent en divers lieux, et réaffirmons la pertinence et la nécessité d’un mouvement féministe qui, solidaire avec d’autres mouvements sociaux, lutte pour une société libérée de toute forme de discrimination, d’exploitation et d’oppression sexiste, raciste, de classe ou liée à l’orientation et l’identité sexuelles.

Collectif féministe VaMos

Vigilance Anti-Masculiniste Mixte Organisée et Solidaire

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Notes:

(1)L’Institut pour l’Egalité entre Femmes et Hommes (qui accueillera les congressistes la première journée), la Région de Bruxelles-Capitale, la Province du Brabant wallon, la Communauté française de Belgique et la Région Wallonne.

(2)Dallaire, Y., Homme et fier de l’être, éd. Option santé, Québec, 2004.

(3)Goetelen, J., La balle d’argent ou dans l’enfer d’une fausse accusation, 2008 (http://www.hommecible.com).

(4)Voir les articles publiés sur leurs sites, notamment www.garscontent.com, http:www.lespapas.com

(5)B. Groult.

(6)Voir l’analyse critique de Cespedes, V., Mais pourquoi donc est-elle si méchante?, 2006.

(7)Ferrand, S., La machine à broyer les hommes: les dégâts du système du divorce.

(8)L’argument de «nature essentielle», ici employé dans une dimension sexiste, figure également dans nombre de thèses racistes.

Avec le soutien de (liste au 15/10/08):

Serge Alvarez-Fernandez / Adeline Anta Anta / David Baele (asbl 't Uilekot) / Joëlle Baumerder (Directrice de La Maison du Livre) / Marie-José Body / Freddy Bouchez / Frédérique Bribosia / Nelly Brisbois / Julie Carlier / Céline Caudron (historienne, formatrice) / Denis Caudron (enseignant) / Isabelle Collot (permanente d'association d'accueil de personnes prostituées à Strasbourg) / Gerardo Cornejo (porte-parole de l'UDEP) / Filip De Bodt (conseiller communal LEEF, Heerzele) / Florence Degavre / Céline Delforge (députée bruxelloise Ecolo) / Paul Delmotte (enseignant à l'IHECS) / Eva Demuynck (Feministische Actie Bende) / Françoise Deppe (bibliothécaire) / Ouardia Derriche (militante des droits humains) / Gérard de Sélys (Ecrivain) / Alec de Vries (philosophe) / Freddy Dewille (conseiller communal Gauche, Anderlues) / André Drouart (député honoraire, enseignant) / Hughes Druart (assistant social) / Nadia El Yousfi (Députée PS) / Evie Embrechts (Feministische Actie Bende) / Fanny Filosof / Bernard Francq (sociologue, professeur, UCL) / Claire Fourçans (docteure, chercheuse sur les droits des femmes, membre de la Commission femmes d'Amnesty International France, membre du Réseau d'Alerte et d'Intervention pour les Droits de l'Homme (RAIDH) / Cristina Gay (porte-parole d'UAG) / Genres pluriels asbl / Marie-Rose Geuten (échevine de l'Egalité des Chances, Etterbeek) / Isabelle Grippa (Attachée parlementaire) / Sophie Heine (chercheure FNRS à l'ULB) / Pauline Imbach (CADTM) / Fotoula Ioannidis (asbl Mouvements de Femmes 29 rue Blanche) / Jab (DKB, Panthère Rose) / Isabelle Jacquet (professeur à l' IHECS de 1990 à 2008 et Chaire Unesco "La femme et ses droits au Maroc") / Zakia Khattabi (militante des droits humains) / Irène Kaufer / Catherine Kestelyn (déléguée SETCa) / An Lenaerts (responsable Marianne, organisation des femmes du PTB) / André Lacroix (ex-Président du SEL-SETCa) / Langwiesner Gertraud (Coordinatrice d'une maison de quartier à Bruxelles - militante féministe) / Fouad Lahssaini (député fédéral Ecolo) / Lara Lalman / Pierre-Yves Lambert (fondateur du site Suffrage Universel) / Yolaine Lhoist (étudiante ULB) / Assunta Licata (enseignante) / Claudine Lienard (animatrice-formatrice) / Fery Malek (militante des droits humains) / Ural Manço (sociologue, Facultés Universitaires Saint-Louis) / Pascale Maquestiau (Le monde selon les femmes asbl) / Yves Martens (travailleur social) / Freddy Mathieu (Syndicaliste, Mons) / Emmanuelle Mélan / Jean-Pierre Michiels (président de l'Association Culturelle Joseph Jacquemotte) / Mouedden Mohsin (animateur radio Al Manar) / Alessandra Moonens (médecin généraliste) / Anne Morelli (Professeure ULB) / Madeleine Moulin (sociologue, professeure ULB) / Jérôme Ollier (coordinateur CADTM Belgique) / Pierrette Pape (militante féministe, membre du Collectif féministe vaMos) / Les Panthères roses de Belgique / Bernadette Peeterbroeck (éducatrice) / Tanguy Pinxteren (Amnesty Bruxelles, Genres pluriels asbl) / Nadine Plateau (Sophia asbl) / Diane Prud'homme (Montréal, Québec) / Hamel Puissant (LCR-Bruxelles) / Gratia Pungu (militante pour l'égalité) / Michel Roland (Médecin généraliste et de santé publique, Professeur ULB) / Nadine Rosa-Rosso (enseignante) / Edith Rubinstein (Femme en Noir) / Nordine Saïdi (Militant associatif) / ScumGrrrl 100% feminist energy / Sophie Stoffel (chercheuse ULB) / Daniel Tanuro (ingénieur agronome) / Grégoire Théry (militant féministe) / Lucie Van Crombrugge (Algemeen Coördinator Abortus Centrum Gent, Kollektief Antikonceptie VZW) / Nicole Van Enis / Alain Van Praet (délégué principal CSC-Transcom) / Guy Van Sinoy (délégué syndical CGSP) / Silvia Vergottini (formatrice, Paris) / Anne-Marie Viossat (Enseignante) / Dominique Waroquiez (Barby Illuminati, LCR-SAP) / Laure Werler / Irène Zeilinger (Garance asbl)


A lire sur notre site sur le sujet:

"Féministes, pas contentes!" par Céline Caudron

 

 

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