Choisir: droit à l'avortement
Par Valérie Haudiquet le Dimanche, 19 Septembre 2004 PDF Imprimer Envoyer

Le droit à l'avortement est une liberté fondamentale pour toutes les femmes, parce que sans droit de choisir, tous les autres droits concernant la place des femmes dans la société ne peuvent s'exercer. L'accès à la contraception est indispensable mais insuffisant, quel que soit le pays et ses caractéristiques.

En Irlande, au Portugal et en Pologne les femmes sont privées de possibilité légale d'avorter. Les femmes de ces pays qui avortent, pour le plus grand nombre, le font dans des conditions mettant en péril leur santé ou dans des conditions meilleures (à l'étranger, dans certains établissements privés) pour celles qui en ont les moyens. La légalisation de l'avortement dans ces pays y est donc aussi une question de justice sociale.

Le Vatican exerce un pouvoir officiel au niveau européen, qui a même abouti à faire reconnaître la place de la religion dans le projet de Constitution. La législation sur l'avortement est étroitement liée à la place de l'Eglise dans chaque pays. Dans certains pays d'Europe de l'Est, des lois favorables à l'avortement sont en place depuis longtemps, car c'est l'unique moyen de contraception disponible : il faudrait donc élargir l'accès aux modes de contraception. Mais la situation sociale dans ces pays contribue à un renforcement de courants religieux qui ont pour projet de remettre en question le droit à l'avortement.

Dans d'autres pays, les opposants à l'avortement, qui sont coordonnés au niveau international, tentent de fragiliser le droit de choisir en créant des lois ou des jurisprudences sur la protection de l'embryon contre les actes de violences et les accidents ; c'est le cas aux Etats-Unis ou en France, où l'amendement Garraud a été retiré grâce à une forte mobilisation.

En Europe, les législations existantes combinent de manières très diverses plusieurs variables, qui doivent toutes être prises en compte. Quand le droit est le plus favorable pour les femmes, il est possible d'avorter sur demande jusqu'à douze semaines de grossesse, ou encore sur indications sociales (concernant la situation des femmes) jusqu'à 18 semaines en Suède, et jusqu'à 24 au Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

Dans plusieurs pays, l'autorisation parentale n'est pas nécessaire pour les mineures, ou des dispenses sont possibles. Mais dans de nombreux cas, l'avortement est soumis à un avis, une attestation, une autorisation ou un accord d'un ou deux médecins ; et après douze semaines, seules des indications médicales permettent d'avorter. Le pouvoir des médecins est donc encore largement opposé aux femmes. Il arrive aussi qu'ils exercent dans des cliniques privées très lucratives, comme en Espagne où l'avortement est légal uniquement sur indication médicale avec accord de deux médecins, mais où tous les avortements sont possibles, y compris pour les étrangères, quand on paye le prix fort.

Une Europe progressiste devrait être un point d'appui pour faire avancer les lois sur l'avortement dans tous les pays, pour qu'il soit possible sur simple demande des femmes, exprimée lors d'un entretien ou d'une consultation et jusqu'à 24 semaines. Les mineures doivent pouvoir avorter sans que leurs parents les y autorisent ou en soient informés.

L'avortement comme la contraception doivent être gratuits ou remboursés pour être accessibles à toutes. Les femmes doivent pouvoir choisir, quand l'avancement de la grossesse permet encore plusieurs techniques d'avortement, entre avortement médicamenteux ou par aspiration, entre anesthésie locale ou générale.

Mais pour qu'un véritable droit à l'avortement puisse s'exercer, il faut que les systèmes de santé rendent disponibles les structures et les personnels qualifiés pour pratiquer les avortements. Leur nombre et leur répartition géographique doivent permettre un véritable accès au droit, sans délai d'intervention. Dans un contexte où la réduction des dépenses publiques est un dogme, la santé et les droits sont entamés par les politiques libérales.

Une Europe sociale et des services publics est une nécessité également pour les femmes.

* Article paru dans Rouge, n°2063, mai 2004.

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