Liberté pour la militante basque Aurore Martin
Par LCR-Web le Samedi, 03 Novembre 2012 PDF Imprimer Envoyer

La militante basque française Aurore Martin, membre de Batasuna, a été arrêtée jeudi 1er novembre à Mauléon (Pyrénées-Atlantiques) en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne, pour être remise quelques heures plus tard à la police espagnole.

Joignant sa voix à tous les syndicats, organisations, partis politiques et militantEs progressistes qui dénoncé cette opération policière et exigé la libération de la militante basque, la LCR condamne l’arrestation et l’extradition d'Aurore Martin et considère que les persécutions de militantEs et les services rendus entre flics français et espagnols ne sont pas la bonne façon de solutionner la question basque qui ne se réglera que dans le cadre du droit à l’autodétermination du peuple basque qui n'a pas cessé de le réclamer depuis des décennies.

Nous publions ci-après ces quelques brèves à titre d’information, ainsi que deux communiqués du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et une déclaration de l'Union syndicale Solidaires. LCR-Web


Indigne !

La militante basque Aurore Martin a été incarcérée vendredi 2 novembre à Madrid, après avoir été extradée vers l'Espagne par les autorités françaises. Son extradition a provoqué l'incompréhension et l'indignation.

Aurore Martin a été arrêtée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen émis en 2010 par l'Espagne. Les autorités espagnoles l'accusent d'avoir participé à des conférences de presse et écrit des articles d'opinion au nom de Batasuna, parti interdit en Espagne, mais légal en France. La jeune militante risque 12 ans de prison en Espagne.

Après avoir été présentée à l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, le juge a envoyé Aurore Martin en prison inconditionnelle, sans possibilité de libération sous caution. Elle restera en prison jusqu'à son procès.

De nombreux élus, de toutes les forces politiques, ont durement critiqué l'arrestation et l'extradition d'Aurore Martin. Pour la première fois, la France livre une militante basque de nationalité française à l'Espagne pour ses engagements politiques.

Seize élus basques du Parti socialiste, dont plusieurs députés et conseillers généraux, ont condamné ce vendredi l'exécution du mandat d’arrêt européen. «Nous rappelons que les faits visés par l’Espagne ne sont pas répréhensibles en France : appartenance à un parti politique légal en France et participation à des manifestations publiques», soulignent-ils et demandent «le retour immédiat» d'Aurore Martin.

En juillet 2011, François Hollande avait, lui aussi, manifesté son soutien à Aurore en réclamant une issue «favorable» et demandant la clémence.

«Ce que Sarkozy et Guéant n'avaient pas fait, Hollande et Valls l'ont fait», a dénoncé Batasuna lors d'une conférence de presse. Batasuna accuse Manuel Valls d'avoir rompu «l'accord tacite» impliquant de ne pas appliquer le mandat de capture européen. AFP 3 novembre 2012


 

Questions sur une arrestation

«Je n’ai aucune illusion, je sais où ça va se terminer et comment». C’était en mars 2011. Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, la Française Aurore Martin, membre du parti radical basque Batasuna, vivait cachée. Elle a finalement été arrêtée hier dans les Pyrénées-Atlantiques et remise aux autorités espagnoles. Le juge vient de décider son placement en détention. Son arrestation suscite de vives réactions politiques en France, à droite comme à gauche.

Qui est Aurore Martin et que lui reproche-t-on ?

Aurore Martin est une Française de 33 ans, membre du parti radical basque Batasuna. En France, ce parti n’est pas interdit. Il l’est en revanche en Espagne où il est considéré comme une organisation terroriste depuis 2003 pour ses liens présumés avec le groupe séparatiste basque ETA.

Depuis le 13 octobre 2010, après avoir tenté tous les recours juridiques possibles, Aurore Martin est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen émis par Madrid pour sa «participation à une organisation terroriste», à savoir sa présence à des réunions publiques de Batasuna, en 2006 et 2007, à Pampelune, en Espagne. Elle encourt douze ans de prison.

Cette arrestation était-elle prévisible?

Aurore Martin se savait recherchée. Dans un entretien à l’AFP en juillet 2011, la militante disait alors n’avoir «aucune illusion sur son arrestation». «Je ne cherche pas une arrestation spectaculaire, je veux seulement qu’au moment où je serai arrêtée, cela se sache.»

A l'époque, elle venait d'échapper de peu à la police, ses sympathisants étaient parvenus à déjouer une rocambolesque tentative d’arrestation à Bayonne.

La militante s’était alors dite prête à «rencontrer» le ministre de l’Intérieur de l’époque Claude Guéant, mais «pas à négocier». Interrogée par l’AFP, elle expliquait: «Je suis "dans la nature" mais je ne suis pas enfermée non plus. Je ne cherche pas à savoir si je suis suivie. Je vais là où j’ai envie d’aller en prenant quelques précautions». Assurant n’être ni «manipulée», ni «naïve», elle assurait «continu(er) à travailler au sein de Batasuna», travail qui porte sur un processus de paix au Pays basque: «Pour moi, chaque jour dehors est un jour où je peux travailler, un bonus». «Je lutte non pas pour une non-incarcération, mais pour une non-extradition en Espagne», soulignait-elle, et «s’ils me livrent à l’Espagne, ça créera un précédent et cela bouleversera tout le système juridique».

C'est en effet la première fois qu’un ressortissant français est remis à l’Espagne pour des faits liés aux affaires basques, selon une source policière, citée par l’AFP. Précision juridique: depuis sa mise en place il y a dix ans, le mandat d’arrêt européen remplace le système d’extradition en imposant à chaque autorité judiciaire nationale de reconnaître, moyennant des contrôles minimums, la demande de remise d’une personne formulée par l’autorité judiciaire d’un autre État membre.

Pourquoi maintenant?

Son interpellation intervient dans un contexte particulier, après l’entretien accordé lundi au quotidien espagnol El Pais par Manuel Valls. Le ministre de l'Intérieur affirme que la France poursuivra «avec fermeté» son combat contre l’ETA tant qu’elle n’aura pas déposé les armes.

Dimanche, deux militants présumés de l’ETA ont par ailleurs été arrêtés à Mâcon, dont Izaskun Lesaka Argüelles, figure majeure du groupe séparatiste basque. Rappelons que l’ETA a annoncé le 20 octobre 2011 qu’il renonçait définitivement à la violence mais refuse de déposer les armes et de se dissoudre, comme l’exigent la France et l’Espagne.

Qu'a décidé la justice espagnole ?

Jointe par Libération, Amaia Rekarte, l’avocate d’Aurore Martin, a indiqué que sa cliente avait été présentée à 10 heures, ce matin à Madrid devant l’Audience nationale (la plus haute instance pénale espagnole, ndlr). «Le procureur a demandé son incarcération. Trois issues sont possibles: l’incarcération, la libération sous caution ou sans caution».

En fin de matinée, le juge a décrété son placement en détention l’accusant d’un «délit d’appartenance à une organisation terroriste». Selon le quotidien Sud Ouest, Aurore Martin a été incarcérée sans possibilité de libération sous caution.

La militante, qui se trouvait a priori seule dans son véhicule, avait été interpellée hier, jeudi, vers 16 heures par des gendarmes lors d’un contrôle routier «fortuit» à Mauléon, selon la gendarmerie et le parquet de Bayonne.

Comment a réagi Batasuna?

Lors d’une conférence de presse au siège de Batasuna à Bayonne, ce matin, l’un des responsables, Jean-François Lefort, a jeté le doute sur le caractère «fortuit» du contrôle routier qui a permis l’arrestation de la militante. «Nous réfutons la thèse d’un contrôle fortuit : au moment où Aurore Martin a été arrêtée, il y avait un important peloton de gendarmerie à un autre endroit où elle aurait pu passer».

Il a aussi noté que le mandat d’arrêt européen n’avait pas été appliqué par l’ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant. «Il y avait un accord tacite que Valls a cassé, une étape a été franchie», a-t-il dit.

Pour Anita Lopepe, membre de la coalition basque EH Bai, «Valls s’aligne sur le Partido Popular, c’est un simple relais de Madrid à Paris». Elle a estimé à «8 à 12» le nombre de militants basques français sous le coup de MAE non encore activés.

«Nous exigeons l’arrêt de toute forme de répression à l’encontre de tous les militants basques», a-t-elle ajouté, estimant que «la manifestation en faveur des prisonniers basques prévue le 10 novembre de longue date prend encore plus d’importance aujourd’hui».

 


Communiqué du NPA

Liberté pour Aurore Martin. Non à l'exécution du mandat d'arrêt européen!

Nous condamnons fermement l’arrestation d’Aurore Martin militante de Batasuna au Pays Basque nord. Cette militante politique risque 12 ans de prison dans l’Etat Espagnol pour avoir participé à des réunions publiques de l’autre côté des Pyrénées. Cela est tout simplement inacceptable et correspond à une véritable remise en cause de la liberté d’expression.

Nous ne pouvons pas tolérer que cette militante qui a été contrainte à la clandestinité depuis le 21 décembre 2010 soit expulsée vers Madrid où sa condamnation est assurée. Le mandat d’arrêt européen (MAE) ne doit pas s’appliquer. Ironie de l’histoire la première exécution du MAE contre une ressortissante du Pays Basque Nord risque de voir le jour sous un gouvernement à majorité socialiste.

Le NPA réaffirme qu’il n’y aura pas de solution à la question basque sans passer par le droit à l’autodétermination. Les dernières élections au Pays Basque sud confirment cette affirmation. Nous participerons à la manifestation du 10 novembre à Bayonne en faveur des droits des prisonniers basque. Nous restons disponible pour toute action de solidarité et de mobilisation pour exiger et obtenir la libération d’Aurore Martin.

Montreuil, le 1 novembre 2012


Communiqué du NPA Pays basque

Aurore Martin extradée à Madrid. Les scélérats !

Manuel Valls, premier flic de France, a osé. Il a remis, quatre heures à peine après son arrestation, à la sauvette, honteusement, la militante basque Aurore Martin à la police espagnole dont on sait qu’elle torture. Hollande-Valls ont donc appliqué le mandat d’arrêt européen (MAE) qui menaçait Aurore depuis deux ans et que Sarkozy-Guéant n’avaient pas mis à exécution face à la mobilisation quasi-unanime en faveur de la militante.

Aurore risque désormais jusqu'à 12 ans de prison.

Faut-il rappeler qu’Aurore Martin faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen à la demande de Madrid pour des faits de participation, en 2006 et 2007 à 6 réunions publiques, 4 dans l’Etat espagnol, deux en France et la rédaction d’un article dans le journal Gara, journal parfaitement légal, dans tous les kiosques du pays basque. Son crime ? Etre membre du parti politique Batasuna, illégal dans l’Etat espagnol, parfaitement légal en France. 6 réunions publiques, un article ! Comme le rappelle le Syndicat de la Magistrature : « Il n’y a ni armes, ni contacts avec ETA, ni apologie de la violence, rien ». Bien au contraire, Aurore Martin a prôné dans ces réunions et cet article la solution d’une paix négociée, en Pays basque. Tout comme son parti, Batasuna, depuis deux ans, tout comme l’immense majorité de la population basque qui aspire à la paix enfin. Et aujourd’hui en Iparralde, Aurore est une militante active au sein de Bake Bidea, en faveur de la résolution politique, démocratique et pacifique du conflit basque.

Cette extradition est donc une provocation policière qui vise la liberté d’expression de ceux qui, de part et d’autre des Pyrénées, considèrent que la solution à 40 années de guerre est enfin à portée de main. C’est l’acte odieux de deux gouvernements qui veulent donc attiser la violence, poursuivre la guerre et continuer à verser le sang. Manuel Valls est un pyromane dirigé par un irresponsable, Hollande, qui, aussitôt élu, tourne le dos à ses promesses (déclaration de juillet 2011). Le gouvernement Hollande, avec en fer de lance son ministre de l’intérieur Valls en lien étroit avec le gouvernement Rajoy, tente de saboter le processus de résolution du conflit.

Les comités NPA du Pays basque sont inconditionnellement aux côtés de toutes celles et tous ceux qui exigent la liberté pour Aurore Martin !

Nous appelons aux rassemblements et initiatives qui seront organisés pour demander la libération d’Aurore et son retour en Euskal Herri, entre autres celle du lundi 5 novembre à 13h00 devant la sous-préfecture de Bayonne.

NPA Pays basque, 2 novembre 2012


Communiqué de l’Union syndicale Solidaires

Aurore Martin livrée par l’Etat français à ceux qui veulent l’emprisonner

Le cas d’Aurore Martin est symbolique du scandale de l’utilisation par les Etats du Mandat d’Arrêt Européen. Citoyenne française, elle est poursuivie par l’Etat espagnol et risque 12 ans d’incarcération dans les prisons espagnoles pour s’être exprimée politiquement (dans des réunions, conférences de presse, médias) en tant que membre de Batasuna, organisation légale en France.

Nous le rappelions en juin 2011, sous l’ère de Sarkozy/Guéant : « L’Union syndicale Solidaires est attachée au respect des droits humains fondamentaux, et notamment au respect des libertés individuelles, à l’expression politique, et au respect des droits de la défense. Accepter cette demande d’extradition serait admettre qu’une personne soit poursuivie par les autorités d’un pays européen pour des faits que ses propres autorités ne considèrent pas comme illégaux ». C’était quelques jours après qu’une mobilisation populaire ait mis en échec les forces de police de l’Etat français qui voulaient arrêter Aurore, soutenue par de nombreuses organisations associatives, syndicales, politiques refusant la dérive liberticide.

Le Ministre de l’Intérieur Guéant affirmait qu’il mettrait tout en œuvre pour exécuter ce Mandat d’Arrêt Européen. Le Ministre de l’Intérieur Valls a exaucé le voeu de Guéant !

Tandis que la gauche syndicale, associative, politique indépendantiste basque s’exprime et agit depuis des années en faveur d’une résolution démocratique, politique et pacifique du conflit au Pays Basque, le gouvernement socialiste français s’allie au gouvernement espagnol pour accentuer la répression … rendant d’autant plus difficile cette solution pacifique !

Ainsi utilisé, le mandat d’arrêt européen est un instrument liberticide aux mains des Etats. Il s’applique aujourd’hui à Aurore Martin. Demain, il pourrait s’appliquer à n’importe quel militant-e politique ou syndical de l’espace européen. L’Union syndicale Solidaires condamne le transfert d’Aurore Martin vers l’Espagne (d’autant que les témoignages sur les violences exercées à l’encontre des militant-es basques par les forces répressives de l’Etat espagnol sont nombreuses). L’Union syndicale Solidaires participera aux initiatives unitaires de soutien et de solidarité, en lien avec les forces syndicales, associatives, politiques qui refusent cette dérive liberticide.

Solidaires, le 2 novembre 2012

Voir ci-dessus