France: Après la candidature d’Ilhem Moussaïd (NPA): le bal des hypocrites
Par Dossier le Jeudi, 11 Février 2010 PDF Imprimer Envoyer

La polémique qui a fait suite à l'annonce de la candidature de notre jeune camarade française Ilhem Moussaïd sur une liste du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) n'a pas cessé d'enfler, jusqu'à prendre une tournure proprement surréaliste. On est abasourdi, étourdi par le flot de bêtises, d'ignorance crasse et de mauvaise foi qui se déverse dans les médias et dans les déclarations des politiciens bourgeois sur notre camarade. Comme bien d'autres, la LCR belge a tenu à exprimer toute sa solidarité à la camarade Ilhem.

Dernière péripétie en date de la chasse aux sorcières contre cette dernière, l'association Ni pute, ni soumise, dont la fondatrice et ex-président a intégré l'UMP et le gouvernement de Sarkozy, qui a déclaré dans un communiqué ubuesque sa volonté de porter plainte contre la liste du NPA. Rien que ça! Nous le reproduisons ci dessous tel quel tant il est symptômatique et anthologique. Nous reproduisons également un récent article du Monde, qui contrairement à bien d'autres publiés dans ce même journal ou ailleurs, exprime un certain recadrage. Signe que l'offensive contre le NPA est allée trop loin et risque d'avoir l'effet inverse voulu?

L'hystérie anti-NPA de l'establishment, des médias et des véritables «idiots utiles» qui ont hurlé avec les loups est en tous les cas le résultat direct de la campagne islamophobe permanente et du climat raciste installé par la droite depuis plusieurs années. Une offensive qui a gagné en intensité depuis l'interdiction du port du foulard dans les écoles, jusqu'aux «débats» actuels sur «l'identité nationale» et la burqa. A l'heure où certains en Belgique, en premier lieu le MR, s'engagent également sur cette voie, la situation française à de quoi nous alterter; de l'égratignure au danger de gangrène, il n'y a qu'un pas. (LCR-Web)


Après la candidature d’Ilhem Moussaïd : le bal des hypocrites

L’annonce de la candidature d’Ilhem Moussaïd a précipité une tourmente médiatique. Il ne s’agit pas évidemment ici de confondre, de quelque façon que ce soit, les charges violentes d’une grande partie de la classe politique avec les arguments qu’échangent militantes et militants du NPA, du mouvement social et féministe.

Sans surprise, l’affaire autour d’Ilhem a révélé les incompétences ou le manque d’objectivité de certains médias. Quand une radio de grande audience annonce que le NPA a fait le choix de présenter aux élections une «intégriste musulmane portant la burqa», on n’est plus dans l’info mais bien dans l’intox. Quoique l’on pense de sa candidature, il vaut mieux partir de la réalité. Ilhem porte un foulard et pas une burqa. Elle marque sa croyance religieuse, mais elle proclame son accord avec les principes fondateurs du NPA basés sur l’anticapitalisme, l’antiracisme, le féministe et la laïcité. Rien à voir avec l’intégrisme. Les mêmes savent faire preuve de plus de nuance en faisant la différence entre Gaillot et Benoît XVI quand il s’agit des cathos.

Relayée par exemple par un Mélenchon mal inspiré, la thèse du «coup politique» a connu un certain succès. En réalité, la direction du NPA a été obligée de gérer dans l’urgence le contre-coup d’une secousse dont l’épicentre est localisé dans le Vaucluse. C’est le Figaro, relayé par tous les médias, qui a fait le choix de braquer les projecteurs sur une de nos 2000 candidat-e-s.

Les porte flingue de Sarkozy n’y sont pas allés de main morte. Ne concevant la communication politique que comme de la manipulation, Xavier Bertrand y a logiquement vu... la manip chez Olivier Besancenot. Nadine Morano a dénoncé «un coup médiatique contre les valeurs de la République». Valeurs de la République auxquelles elle attribue tout de même un sens particulier quand tout récemment elle exhortait les «musulmans à enlever leur casquette», participant d’un climat islamophobe et raciste détestable. Le gouvernement est un expert en manipulations de toutes sortes. Le débat nauséabond sur l’identité nationale dont l’un des buts est de faire oublier le chômage, les licenciements, la crise écologique en est un exemple.

Pas de problème en revanche quand le chef de la meute, à la fois président de la République et chanoine de Latran, reçoit le Pape en grande pompe et lui tombe dans les bras ou quand il se signe en public dans le cadre d’un voyage officiel. Pas de problème non plus quand la très bigote et homophobe Boutin brandit la Bible à l’Assemblée nationale.

PS et PCF ne sont pas en reste. La socialiste Aurélie Filipetti nous invite à relire Marx. Ce ne serait pas mal qu’elle ne se contente pas de le feuilleter mais qu’elle le lise entièrement, ce qui lui permettrait de comprendre à la fois les causes profondes de la crise majeure du capitalisme et l’insipidité des réponses du PS. Il faut par ailleurs rendre à Marx, ce qui est à Marx. Très utilisée, la citation «la religion est l’opium du peuple» est tronquée. En réalité, celui-ci disait: «La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. (...) L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu’il renonce aux illusions sur sa situation c’est exiger qu’il renonce à une situation qui a besoin d’illusions». On voit que l’idée est un brin plus sophistiquée.

Mais sur la question de la laïcité, on croit rêver! N’est-ce pas le Parti socialiste qui a subventionné main dans la main avec le droite à coups de millions d’euros les écoles privées confessionnelles, notamment catholiques?

Faussement désintéressé, Pierre Laurent, le futur numéro 1 du PCF a déclaré ne pas vouloir se «mêler des affaires internes du NPA », mais pour ajouter immédiatement que les féministes de notre parti « ont sans doute dû être désarçonnées par ce type d’utilisation ». Peut être faut-il y voir la marque de l’expérience quand on sait qu’à Échirolles (Isère) siège, pour le compte du PCF, une élue portant le foulard. Quant à Martine Aubry, elle ferait bien elle aussi d’être plus prudente car à Échirolles, il s’agit d’une majorité municipale d’union de la gauche et à Creil (Oise), c’est une élue socialiste qui est concernée. Vont-il demander leur démission ?

Au bout du compte, nous prenons la mesure de l’ensemble de ces attaques sans toutefois nous vivre comme une citadelle assiégée. Le NPA y fait face ensemble, tout en assumant un débat approfondi, aussi nécessaire que public.

Fred Borras

Paru dans Hebdo TEAN # 42 (11/02/10).


Déclaration du comité exécutif national du NPA (sur la polémique ouverte par la candidature d’Ilham Moussaid dans le Vaucluse)

1/ En même temps que le gouvernement approfondit sa politique antisociale, multiplie les expulsions de sans papiers, le pouvoir cible le NPA dans le cadre du débat sur l’identité nationale.

Le NPA est confronté à une campagne médiatico-politique autour d’une de ses 2000 candidat-e-s aux régionales, Ilham Moussaid, qui porte un foulard, quatrième de la liste NPA - Alternatifs du Vaucluse (PACA) dont la tête de liste départementale est Jacques Hauyé.

Contrairement à ce que certains ont laissé entendre, il ne s’agit en rien d’un « coup politique et médiatique » orchestré par la direction du NPA mais bien une décision prise dans le Vaucluse. Une minorité de membres du NPA de ce département s’y est opposée. La décision prise par les camarades du Vaucluse ne peut faire office de position pour l’ensemble du NPA, puisqu’il n’a pu en discuter avant à quelque niveau que ce soit.

2/ Notre camarade Ilham Moussaid est membre du NPA et, à ce titre, peut postuler à la candidature au même titre que les autres membres de notre parti. Une majorité de camarades du Vaucluse a décidé d’acter cette candidature. Quoi que l’on pense de cette décision, celle-ci est statutaire. Nous assurons la liste NPA-Alternatifs, l’ensemble des ses candidates et candidats, de notre solidarité dans ce moment difficile.

3/ Ilham porte un foulard (et pas une burqa comme on a pu l’entendre ou le lire). Elle n’y voit pas de contradiction avec les principes fondateurs dont la dimension féministe et laïque constitue une des clés de voûte et affirme son attachement à ces valeurs ainsi qu’à l’ensemble des principes fondateurs du NPA.

Le foulard est non seulement un symbole religieux visible mais il est également un instrument de soumission des femmes utilisé sous diverses formes et à diverses époques par les trois monothéismes même si Ilham ne le vit pas comme tel et elle n’est pas la seule dans la société.

4/ L’annonce de la candidature d’Ilham Moussaid a suscité de nombreuses réactions. Toutes ne sont pas de la même nature. Les critiques et désaccords formulés, à l’intérieur du NPA ou par des mouvements ou des militante-s du mouvement social et du mouvement féministe sont autant d’arguments qui alimentent la discussion et le débat va continuer.

En revanche, nous dénonçons le flot haineux et hypocrite provenant de l’extrême droite, de l’UMP, ou du PS voire du PG et du PCF. On les entend moins quand le Président de la République se jette dans les bras du pape, se signe de la croix en public en voyage officiel, ou quand Boutin brandit la Bible à l’Assemblée. Les partis institutionnels financent par millions les lycées privés confessionnels, notamment catholiques. Quant au PCF, il ferait mieux d’être plus prudent, lui qui, aux côtés du PS, a accepté sur ses listes une candidate qui portait le foulard pendant la campagne et continue de le porter au sein du conseil municipal d’Echirolles (38) où elle siège.

5/ Au sein du NPA, le CE confirme que le débat sur « religion et émancipations », prévu avant cette campagne politico médiatique, aura lieu. Le débat interne qui nous traverse est un débat public. La décision prise dans le Vaucluse ne crée aucune « jurisprudence » en la matière. Le congrès du NPA est souverain.

6/ L’heure est d’abord et avant tout à la campagne derrière les listes que nous présentons ou soutenons, une campagne pour faire entendre notre véritable spécificité, celle d’une gauche anticapitaliste, antiraciste, écologiste, internationaliste, féministe, qui a toujours été solidaire des femmes qui résistent à ceux qui veulent leur imposer le voile.

Adopté à l’unanimité des présent-e-s, moins une abstention, le 8 février 2010


Ni putes ni soumises porte plainte contre le fichu d’Ilham:

UN PACTE ILLEGAL CONTRE LA LAICITE ET LE FEMINISME !

Ni Putes Ni Soumises dénonce les paroles du nouveau cheval de Troie de Besancenot. Non content de bafouer les principes fondateurs de notre République, le NPA cherche à retrouver une nouvelle virginité en portant le voile.

A l’heure où les filles et les garçons des quartiers luttent contre l’obscurantisme rampant et défendent l’égalité et la mixité, le NPA fait du voile, symbole de l’oppression des femmes, l’étendard de son projet de société :”On peut être féministe, laïque et voilé”.

Le NPA en choisissant le camp de la laïcité « ouverte », pervertit les valeurs de la République et en propose une nouvelle lecture, conforme aux visions rétrogrades de la femme.

Parce qu’il est inconcevable d’arborer une tenue qui affiche la ségrégation des sexes,

Parce que la soumission de la femme est interdite par la République,

Parce que les candidat-es amené-es à être élu-es de la République sont tenu-es à une obligation de neutralité et de réserve,

Ni Putes Ni Soumises s’insurge et ne peut qu’agir.

Sihem HABCHI, présidente, annonce : « Notre Mouvement portera plainte auprès de la juridiction compétente contre cette liste anti-laïque, anti-féministe et anti-républicaine ! »

Nous ne transigerons avec aucun parti politique dès lors qu’il tentera de vendre notre République ! Il en va de notre droit à l’émancipation à toutes !

mercredi 10 février 2010 (15h07)


Soutien large à la candidature de Ilham

Nous soutenons la candidature d'Ilham Moussaïd sur la liste NPA départementale du Vaucluse pour les élections régionales.

Ilham est une militante engagée avant tout contre un système économique menant aux plus grandes inégalités, contre un système politique qui favorise les intérêts particuliers d'une minorité, contre un système où l'intérêt général est réduit à une vague référence dans un texte constitutionnel.

Ilham trouve dans ses convictions personnelles des raisons de militer contre un système stigmatisant les opprimés qu'ils soient musulmans, femmes, privés d'emploi, habitants de quartiers populaires ou homosexuel-le-s.

Ilham est d’abord et avant tout une jeune militante anticapitaliste, écologiste, internationaliste et féministe.

Par son engagement et son courage, elle représente un modèle d'émancipation. Elle prouve que l'on peut être femme, immigrée, habitant un quartier populaire, croyante et en même temps se battre pour la liberté, la laïcité et la démocratie, pour l’émancipation. Elle a le courage de ne pas dissimuler ses convictions personnelles et de refuser une attitude hypocrite.

Une nouvelle fois, ses détracteurs nient les valeurs qu’ils prétendent défendre et en particulier le rejet de toute forme de discrimination. Stigmatiser la candidature d’Ilham, c’est pratiquer une quintuple discrimination :

- discrimination entre hommes et femmes: une candidature masculine d’un homme de confession musulmane ne poserait pas de problème puisqu’elle ne serait pas visible,

- discrimination entre croyants: une candidature de quelqu’un portant une croix ou une kippa ne fait jamais problème, pourquoi une candidate portant un foulard serait-elle inacceptable ?

- discrimination entre croyants et non croyants: pourquoi nier que les motivations des uns et des autres peuvent conduire à un même objectif: une alternative au capitalisme qui exploite les hommes et la planète ?

- discrimination entre ceux qui font état de leurs convictions philosophiques pour justifier leur engagement politique et ceux qui les passent sous silence,

- discrimination entre citoyens de France selon leurs origines, alors que tout au long des siècles, le peuple de France s’est enrichi de sa diversité, de sa pluralité.

Croire ou ne pas croire est une liberté individuelle fondamentale. Sauf à brimer la liberté de pensée, ce n’est pas la religion qu’il faut combattre, ce sont les institutions qui veulent l’imposer. Ce n’est pas l’opium qu’il faut combattre, c’est celui qui le vend.

L’émancipation ne signifie pas l’alignement des opinions personnelles sur un mode de pensée unique. “La liberté, c’est d’abord la liberté de celui qui pense autrement” (Rosa Luxemburg).

Nous nous réjouissons qu’un parti politique, en dehors de tout racolage électoraliste et au terme d’un débat intense et difficile, n’ait pas fait obstacle à une candidature qui intervient dans un climat malsain provoqué par un débat aux relents nauséabonds sur l’identité nationale.

Nous nous constituons en comité de soutien à la candidature d’Ilham Moussaïd.

Envoyez votre signature de soutien à : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Premières signatures :

Véronique MARCEL (NPA 84), Raoul Marc JENNAR (NPA 66 – CPN),Pierre JOURLIN(NPA 84), Gilbert GUEDON (NPA 84 – CPN), Yannick HERBERT (NPA 75 - CPN) , Daniele OBONO (NPA Aubervilliers, CPN et CE), Bruno GERARA (Conseiller Municipal à Simiane-Collongue, 13), Célia BAUDU (NPA comité Aix-ville, syndicaliste et militante LGBTI), Régis EYRAUD (Paris 5/13), Kevin VAY (NPA 13), Abdel ZAHIRI (NPA 84), Jocelyne DUPRE (NPA 84), Nora BENAMEUR (NPA 84), Michel REGNAUD (NPA 84), Jean-Baptiste MESCHI (NPA 13), Célia HUERTAS (NPA 13), Emre ONGUN (NPA 13), Jean Claude MEYER du BN de l'UJFP, Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, militant du comité de Nîmes du NPA (30), Julien SERGERE (Paris 20ème Centre), Pablo SEBAN (NPA 31), Nadia MAALEM comité PAF 34, Stefan BEKIER (NPA Cergy, 95), Liliane Cordova Kaczerginski, NPA Clichy 92, Cyril Leconte NPA59, Valérie Dernoncourt Sympathisante NPA...


Article du Monde: Ilhem Moussaid, la jeune femme voilée qui ébranle l’identité du NPA

GURREY Béatrice

Avignon, Envoyée spéciale

Ilhem Moussaid n’a que 21 ans. La jeune Avignonnaise voilée qui figure sur la liste du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) pour les élections régionales en PACA semble pourtant avoir supporté avec un grand sang-froid la tempête médiatique suscitée par sa candidature. Dimanche 7 février, elle a tout de même douté, confiant dans un courrier interne adressé aux militants : « J’ai beaucoup de tristesse de voir huit ans de ma vie réduits à mon foulard, j’ai beaucoup de tristesse d’entendre que ma croyance personnelle est un danger pour les autres alors que je prône l’amitié, le respect, la tolérance, la solidarité et l’égalité pour tous les êtres humains. » Son doute l’a même conduite à se demander si sa place pourrait durablement être au NPA.

Evidemment, dans un parti très laïque et féministe, la candidature d’Ilhem n’allait pas de soi. « La réaction des féministes, c’est cela le plus dur, relève la jeune fille, qui a clairement pris position pour la contraception et le droit à l’avortement. J’ai beau dire et expliquer que je ne suis pas opprimée, et je pense que cela se voit, il reste une incompréhension. »

L’histoire commence lorsque l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire (LCR), en voie de construire le NPA fin 2007-début 2008, accueille en son sein plusieurs membres d’une association de quartier d’Avignon, dont l’étudiante fait partie. L’Alliance de la jeunesse contre le racisme, l’exclusion et la violence (AJC-REV) dont l’acronyme laisse entendre une sympathique injonction qui fait sauter le pas à cette dizaine de jeunes, majoritairement musulmans. Car un parti, cela veut dire des moyens, une structure, un soutien. « La politique avait déserté le quartier, il ne restait plus que du sécuritaire. Avec une association on pouvait mettre des pansements par-ci par-là, c’est tout », témoigne Abdel Zahiri, 30 ans, toujours bénévole dans un club de foot. Ilhem, comme les autres, prodigue de l’aide aux devoirs. « A 10 ans, certains ne savent toujours pas lire, il y a quand même quelque chose qui cloche dans ce système, non?», glisse-t-elle.

Pourtant, avant l’exclusion scolaire ou sociale, ce sont les prises de position du NPA dans le conflit du Proche-Orient qui déclenchent chez Ilhem Moussaid l’envie de militantisme politique : défense de la Palestine et de Gaza contre Israël, Rwanda, Kosovo, elle est de toutes les manifestations. Nadia El Bouroumi, une avocate de 35 ans, amie de la famille Moussaid, rappelle aussi combien le contexte général a changé après le 11 septembre 2001. Le sentiment d’appartenance à la communauté musulmane se renforce devant ce qui est ressenti comme une montée de l’islamophobie.

«Je vais très bien!»

Jacques Hauyé, tête de liste NPA du Vaucluse, militant de longue date de la LCR, fait partie de ceux qui ont accueilli l’association des jeunes et Ilhem. Cet enseignant de 53 ans, professeur de physique, profondément laïque, a engagé un travail commun avec ces porteurs de traditions autres que la sienne. Les campagnes en faveur des Palestiniens ont scellé la confiance avec ces croyants musulmans.

Et puis, personne ne s’étant précipité sur cette tâche ingrate, Ilhem a proposé d’être la trésorière départementale du NPA, fonction qu’elle assure depuis un an.

Dès lors, et puisqu’il y avait accord sur les questions de fond - sauf sur ce « fichu foulard », comme disent certains militants -, pourquoi ne pas investir la jeune femme aux élections régionales ? En décembre 2009, elle s’était portée candidate : « C’est une décision difficile, qui nous a divisés. Chacun s’est déterminé en fonction de sa conscience, de son idéologie, de son histoire », raconte Jacques Hauyé.

La candidature provoque un vif débat au sein de la section locale. Le mélange de l’ancienne LCR et du nouveau NPA reste d’huile et d’eau. Certains tentent de convaincre Ilhem de retirer son foulard, en vain. Le débat est tranché par un vote majoritaire en faveur de sa candidature. Une « minorité » décide alors de se retirer de la campagne : « Les convictions religieuses doivent demeurer dans la sphère privée, expliquent les minoritaires dans un communiqué. Même si des camarades ont une interprétation progressiste de leur foi, que nous saluons, il n’empêche que les systèmes religieux demeurent de terribles instruments d’oppression. »

« C’était pratiquement un acte d’expérimentation sociale, ajoute Jacques Hauyé. Et c’est aussi un moment particulier. » La révélation, dans la presse, de la candidature d’Ilhem en plein débat sur l’identité nationale et la fin des travaux du Parlement sur la burqa, ont créé un mélange explosif.

Mais si une majorité s’est finalement dégagée pour soutenir sa candidate voilée, c’est aussi pour qu’une nouvelle génération accède à des responsabilités. Une génération où le voile n’a plus le même sens qu’il y a dix ans. Comme le souligne Nadia El Bouroumi, conseillère municipale (PS) d’opposition à Avignon, « les musulmanes de ma génération essaient à tout prix d’être comme les autres. La génération d’Ilhem n’a pas de complexes ». Elle la juge « militante, clairvoyante, cohérente ».

Pierre Godard, la tête de liste régionale, n’était pas si confiant voilà quelques jours. « Ilhem a bien tenu le choc jusque-là, mais ma grande trouille, c’est de la péter. Elle a été projetée dans un truc d’une violence inouïe », dit cet habitué des luttes syndicales.

« Je vais très bien ! Je comprends qu’on veuille me protéger », sourit Ilhem. « Les valeurs que mes parents m’ont transmises, c’est l’égalité, la justice, la solidarité », explique la jeune femme, née au Maroc, dernière d’une famille de sept enfants. Exactement ce qu’elle prône dans la politique et dans la société. « La base de mes combats... c’est tout ce militantisme qui me construit », dit la candidate, qui conduit de front ses études de BTS de gestion et la campagne. Si ses mentors ont du souci à se faire, ce n’est pas pour elle.

Article paru dans le Monde, édition du 11.02.10. LE MONDE

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