4 mars : journée nationale d’action contre l’accord interprofessionnel. Les chiens aboient, la caravane passe ?
Par Bert Inwoud le Mardi, 22 Février 2011 PDF Imprimer Envoyer

Nous l’avons déjà dit : par la lutte contre l’accord interprofessionnel (AIP), le mouvement ouvrier peut briser l’impasse politique dans ce pays et imposer à nouveau son propre agenda, au lieu de subir l’agenda patronal.

Hélas, nous constatons qu’il n’est pas question de l’unité d’action syndicale qui est une condition pour que cette possibilité se concrétise. Quand des actions sont menées, c’est avec le pied sur le frein et certains dirigeants syndicaux ne cachent pas leur manque d’enthousiasme. La pression de la base a permis que l’AIP soit rejeté par la FGTB et la CGSLB, mais tout est mis en œuvre pour que ce refus ne débouche pas sur une grande mobilisation, tous ensemble.

Plus grave : la direction de la CGSP n’appelle même pas aux mobilisations régionales, ni à la journée d’action du 4 mars. Elle se dit certe solidaire et les militants qui participeront aux actions seront couverts, mais ne donne aucun mot d’ordre. La direction de la CGSP prétexte que les revendications sur le statut ouvrier-employé ne sont pas assez claires, vu que le SETCa a une attitude différente de celle de la CMB. La direction CGSP déplore aussi qu’il n’y ait pas de prise de position claire sur la défense des services publics. Elle laisse entendre qu’elle préfère ménager ses forces pour les utiliser au moment où le secteur public sera sous le feu du gouvernement.

Où va la CGSP ?

La direction de la CGSP déploie une « logique » complètement incompréhensible. D’une part, elle affirme correctement que, dès qu’un gouvernement sera formé, une énorme attaque sera lancée contre les services publics et leur personnel, une attaque à laquelle seule une grève générale pourra faire barrage. D’autre part elle répète sur tous les tons que les syndicats du secteur public seront contraints de mener cette lutte seuls, et qu’ils ne pourront pas compter sur le soutien et la solidarité du secteur privé.          

La direction de la CGSP ne doute même pas du manque de solidarité du secteur privé. Pour elle, c’est un fait, point. À supposer même qu’il y ait là une part de vérité, la direction de la CGSP pourrait entreprendre quelque chose pour surmonter cette situation. Mais non, au lieu de cela, elle se permet de faire la leçon aux centrales du privé, en pointant les « contradictions » entre centrales du privé face à l’accord interprofessionnel !  Voilà une attitude vraiment remarquable de la part d’une centrale qui s’est elle-même profondément divisée sur ce même AIP : 33% pour, 33% contre, 33% d’abstentions. Bref, la direction de la CGSP ne fait rien d’autre qu’agir pour que se concrétise le scénario d’échec qu’elle a décidé de prophétiser. 

À moins que les choses ne soient encore plus graves ? À moins que la direction de la CGSP ne soit en train de préparer sa propre capitulation face aux attaques du prochain gouvernement ? Qui sait si son attitude ne s’explique pas par l’espoir cynique que les attaques violentes contre le secteur public seront remplacées par des attaques touchant l’ensemble du monde du travail ? La logique social-démocrate du moindre mal sera-t-elle transposée dans la sphère syndicale ?

D’autres voix se font entendre au sein de la CGSP.  C’est ainsi que le comité interministériel du secteur fédéral a proposé que la centrale plaide au sein de la FGTB en faveur de l’organisation d’une manifestation nationale, interprofessionnelle, autour de trois mots d’ordre : (1) la défense de la sécurité sociale fédérale, (2) la défense des services publics fédéraux et (3) la défense de tous les acquis sociaux. Dans la régionale d’Anvers du secteur CGSP-services publics cette proposition a été adoptée par une ovation debout. Hélas, à ce moment, la direction de la CGSP avait déjà arrêté sa décision (eh oui ! sans consultation de la base !).  

En agissant de la sorte, cette direction perd tout droit moral à en appeler demain au soutien des centrales du privé, alors que ce soutien sera décisif. Elle déclare même ne pas être disposée à soutenir ses centrales du privé lorsque celles-ci ont besoin de solidarité. L’histoire ne devra pas hésiter longtemps au moment de juger une telle « direction syndicale».

Pendant ce temps-là, chez les métallos, c’est la petite chanson habituelle : « En Wallonie il sera difficile de faire grève le 4 mars parce que les métallos flamands ne veulent pas vraiment mobiliser ». En Flandre, on tiendra un discours symétrique. Et c’est ainsi qu’on tourne en rond, qu’on s’enfonce de plus en plus profondément dans une impasse syndicale. 

La LBC (équivalent flamand de la CNE) a rejeté l’AIP, mais elle fait tout ce qu’elle peut pour ne pas agir en front commun avec la FGTB. Pour ne pas trop choquer ses militants, elle organise néanmoins une concentration le 28 février, histoire de lâcher un peu de pression sans doute. Même topo à la CNE : la centrale chrétienne des employés organise une concentration en solitaire devant le cabinet de la ministre Milquet, sur le thème « Milquet avec nous ». Et ses dirigeants crient victoire parce qu’ils sont reçus par la ministre…

Face à cette procession d’Echternach des organisateurs de défaites, la LCR-SAP diffuse un tract national qui appelle à la résistance sociale. En voici un passage important : 

« Syndicats: C'est dans la rue que ça se passe !

Tous les partis traditionnels se sont couchés devant les marchés, les banquiers et les patrons. Seuls les syndicats réunissent encore nationalement tous les travailleurs/euses et les allocataires sociaux pour défendre leurs droits. Deux millions et demi de syndiqués ont la force de dire non et d'imposer un programme pour faire payer la crise à ceux qui l'ont provoquée.

Mais, pour cela, il faut que les syndicats retournent à leur vraie place : dans la rue; en front commun FGTB-CSC; ouvriers et employés; avec ou sans emploi… Et avec un plan d'action déterminé, organisant des grèves tournantes qui permettront à tous les travailleurs de tenir pour faire plier les patrons et les partis à leur botte. Le combat contre l'Accord interprofessionnel doit être une première étape pour cette lutte d'ensemble! Si nécessaire, allons jusqu’à la grève générale reconductible. »

Pour finir, voici une réaction d’un délégué syndical qui exprime très clairement pourquoi il faut être contre l’accord interprofessionnel : « Avec cet AIP on est une fois de plus confronté au fait que la facture est renvoyée à nos enfants et petits-enfants. D’une part le démantèlement du statut des employés frappera surtout ceux et celles qui viendront après nous. D’autre part le surcoût des préavis ouvriers, qui est assumé par la collectivité, pèsera surtout sur les épaules de la prochaine génération. Il m’est éthiquement difficile de me soumettre à de telles décisions, pour ne pas parler de les soutenir. Cela m’est difficile non seulement en tant que délégué syndical mais aussi en tant que père ou que grand-père. 

Il est temps que nous conscientisions nos enfants mais aussi que nous commencions à être vraiment solidaires de ceux-ci  afin de leur construire un avenir viable. 

La sécurité sociale, nos conditions de salaire et de travail ont été imposées par nos parents et grands-parents. Il n’est pas concevable que nous laissions enterrer cet héritage. Les générations futures nous en voudront pour cela. Je trouve que cela n’est pas assez dit dans le débat actuel sur l’AIP. Je voudrais conclure en citant un vieux proverbe autrichien : “la génération actuelle construit le chemin sur lequel marchera la suivante” ».

Manifestation à Charleroi le 11 février








Manifestation à Nivelles le 18 février





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