Code Rouge : "Résistance !" Interview et clips-vidéos
Par LCR-Web, Najib Chairi le Vendredi, 17 Décembre 2010 PDF Imprimer Envoyer

Najib Chairi est le chanteur/compositeur du groupe rap bruxellois Code Rouge. Il vient de réaliser, avec Amel Mathlouthi, un superbe morceau et clip pour Génération-Palestine, intitulé « Horizon ». Code Rouge, c'est une fulgurante association du son, de la parole et de l'image au service de la résistance contre le racisme, le colonialisme et le capitalisme. Militant aux Jeunes anticapitalistes (JAC), la musique permet à Najib de partager ses idées et de faire passer un message, pour « relever la tête face aux oppresseurs » Nous publions ci-dessous une interview de Najib, publiée dans « La Gauche », ainsi que quelques clips-vidéos de Code Rouge: « Horizon », réalisé en collaboration avec les JAC et le Mouvement Citoyen Palestine (MCP), est dédié aux victimes de la Flottille pour Gaza. « 2008 » évoque la crise du capitalisme, autour du slogan « Nos vies valent plus que leurs profits! ». « Parce que ça fait 30 ans », c'est la révolte des enfants et petits-enfants de l'immigration ouvrière face aux discriminations sociales et racistes, tandis qu'« On finira par aboyer » dénonce les guerres impérialistes et la montée de l'islamophobie. À découvrir et faire découvrir absolument! (LCR-Web)

« Horizon »

« 2008 »

« Parce que ça fait 30 ans »

« On finira par aboyer »

Entretien avec Najib Chairi: « La culture a un rôle à jouer dans un mouvement révolutionnaire »

La Gauche : D’où vient le nom du groupe, "Code Rouge" ?

Najib : J’ai trouvé ce nom quand j’avais quinze ans. "Code Rouge", c’est un code d’urgence ; ça exprime le sentiment qu’il y a quelque chose de dangereux qui va arriver, un sentiment d’alerte constante. C’est aussi la sensation qu’on est toujours en état de siège, et qu’on n’arrive pas à voir l’avenir de manière sereine...

LG : Comment est né ton groupe ?

Najib : J’ai commencé à rapper quand j’étais gamin, sur des "faces B" (des instrumentaux de groupes connus comme IAM). Je rappais tout le temps dans ma chambre. Puis j’ai eu envie de voir ce que ça donnait, et j’ai fait ma première session studio quand j’avais 17 ans, dans une petite ASBL sympa qui ne demandait pas grand-chose. J’ai fait écouter le résultat à un ami, Joël, et on a eu l’idée de créer notre propre studio d’enregistrement, dans une cave, avec les moyens du bord. Et on a créé notre groupe : Joël s’occupe du son, des mixages et des arrangements, et moi j’écris les textes et je rappe. Et aujourd’hui ça continue toujours.

LG : Les textes de Code Rouge sont engagés : comment as-tu commencé à militer ?

Najib : Je pense que mon engagement est né en grande partie de mes discussions avec Joël quand on était ados. Il avait une fibre communiste, et on a exercé une influence mutuelle l’un sur l’autre... Il me passait des bouquins, on échangeait nos idées sur le monde. J’ai commencé par lire Amin Maalouf, puis des bouquins sur le féminisme,... Petit à petit ma conscience politique s’est éveillée. Je suis aussi un petit-fils d’immigrés : mon grand-père est arrivé en Belgique de Tanger. Au début, on ressent les choses : on sait que ce n’est pas juste, qu’il y a des trucs mal foutus. J’avais une sensibilité à gauche mais sans savoir expliquer pourquoi... Joël était déjà plus politisé.

Le militantisme, pour moi, c’est aussi ma musique : elle ne change pas les choses mais elle y contribue en faisant passer des messages. Je pense qu’un mouvement révolutionnaire, c’est une coordination de plusieurs facettes, et la culture a un rôle à jouer. Même si les mots, sans les actes, ne servent à rien parce qu’ils n’effrayent pas le système. Il faut agir à côté.

Les Jeunes anticapitalistes (JAC), ça m’a permis d’inscrire ça dans le concret. Quand j’ai participé à la création des JAC, c’est venu du constat que tu ne peux pas rester les bras croisés : tu dois faire quelque chose et prendre position. Ne fût-ce qu’en tant que cible première de la droite, en tant qu’immigré, on ne peut pas rester passif : être passif, c’est dangereux. Aujourd’hui, on est face à une extrême-droite qui renait de ses cendres comme un phœnix. Beaucoup de propos de droite sont acceptés par l’opinion publique, sont relayés dans les médias ; on ne peut pas laisser faire ça.

LG : Tu penses notamment aux attaques islamophobes ?

Najib : L’islamophobie, c’est un déguisement : hier on était des arabes, aujourd’hui on est des musulmans ! Pour moi, il y a eu deux moments "déclencheurs" : le premier c’est le 11 septembre, qui a été un prétexte pour faire des amalgames entre arabes, musulmans et terroristes. Le deuxième moment, c’est la crise actuelle, dont on est les premières victimes. Et si on ne bouge pas notre cul, on risque de servir de chair à canon.

LG : Que penses-tu du projet de loi pour interdire le port du foulard à l’école ?

Najib : C’est une interdiction qui intervient dans une série d’attaques face aux musulmans. On parle de laïcité, mais pour moi ça signifie la séparation de l’Eglise et de l’Etat, or on ne peut pas parler de la Belgique comme d’un Etat laïc comme la France et les écoles catholiques financées par l’Etat sont nombreuses ! Je suis évidemment contre l’interdiction du foulard à l’école car c’est une atteinte à la liberté d’expression, et qu’on ne sait pas où ça s’arrêtera. Le projet de loi vise à interdire le foulard, mais aussi tout signe politique... Il y a aussi un discours occidental pseudo-féministe qui exprime que "le sexisme n’existe que chez les autres". On entend des discours soi-disant libérateurs des femmes, alors qu’on constate des retours en arrière !

LG : Comment perçois-tu les "émeutes" qui ont eu lieu dans certains quartiers de Bruxelles, comme à Molenbeek l’année passée?

Najib : D’un côté ça peut paraître con : pourquoi brûler la voiture de son voisin ? Et en même temps les jeunes qui ont participé à ces émeutes sont enfermés, et c’est une manière de brûler sa réalité. Parfois, la gauche est un peu timide quand on parle de ça : elle a peur de prendre le risque qu’on lui reproche de cautionner les émeutes, et aussi de s’associer aux musulmans à cause de la religion. Mais la religion, ça fait partie de l’identité, on ne peut pas nier ça. Le refuser, c’est un frein pour la gauche dans les quartiers. Ce qui manque dans les émeutes ou révoltes, c’est un vecteur politique. On voit des mouvements de révolte spontanés, mais qui n’aboutissent pas. Il manque une réflexion politique. Ces révoltes ont une raison d’être : une précarité constante, un chômage massif chez les jeunes, et on ne voit aucune volonté politique de changer ça au gouvernement. Il y a un ras-le-cul, et on ne sait pas comment l’exprimer.

LG : Quels sont tes projets pour le futur ?

Najib : Depuis que j’ai terminé mes études, je travaille dans des maisons de quartier (comme animateur vidéo) tout en travaillant sur mes albums à côté. C’est très dur de participer à des concerts et de se faire une place dans l’événementiel, du coup c’est plutôt grâce aux CD, et surtout grâce à internet et aux clips qui circulent que je me fais connaître. On a déjà sorti deux albums ; le dernier est sorti en 2009 et s’appelle "Pour la couleur de nos yeux". On devrait en sortir un autre dans le courant de cette année. Il y aura des textes engagés, mais pas seulement. Il faut trouver un équilibre, parce que trop se répéter peut aussi tuer le message. Les textes engagés abordent des angles différents, et je fais aussi des trucs plus cool pour décompresser. On n’a pas envie que les gens se tirent une balle après avoir écouté l’album (rires). Le but c’est de motiver.

LG : Un message que tu voudrais faire passer ?

Najib : Résistance ! Les choses ne changeront pas toutes seules, il faut se bouger. Les mots ne suffisent pas.

Interview publiée dans « La Gauche » n°49, septembre-octobre 2010.

Retrouvez toutes les chansons, clips et paroles de Code Rouge sur

www.coderouge1.skyblog.com

www.myspace.com/coderouge

Le site des JAC:

www.anticapitalisme.be

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