Les jeunes contrôlés dès le stage d’insertion : « un détail de l’histoire »
Par Freddy Bouchez* le Mercredi, 28 Août 2013

Dans le premier plan d’austérité du gouvernement Di Rupo, les jeunes et les travailleurs sans emploi avaient été particulièrement ciblés : dégressivité accrue des allocations de chômage ; stage d’insertion de 12 mois pour les jeunes qui sortent de l’école avant de pouvoir toucher des allocations d’insertion ; transformation de toutes les allocations d’attente en allocations d’insertion limitées dans le temps ; contrôle sur les recherches emploi renforcé pour tous les allocataires d’insertion. Ces mesures sont déjà draconiennes puisque, selon la FGTB, la dégressivité peut faire perdre jusqu’à 200 EUROS/mois à un chômeur et que la limitation dans le temps des allocations d’insertion pourrait aboutir à 35 mille exclusions au premier janvier 2015.

Alors que la croissance est à zéro et que les jeunes qui sortent de l’école auront beaucoup de difficulutés pour avoir éventuellement la chance de mettre un « orteil » sur le marché de l’emploi sans doute dans un contrat précaire ou carrément intérimaire, le gouvernement n’hésite pas à durcir les conditions du stage d’insertion pour toutes celles et ceux qui ont terminé leurs études en juin 2013. Ces nouvelles conditions sont effectives pour les jeunes travailleurs qui ont débuté leur stage au premier août 2013. 

Deux contrôles dispo pendant le stage d’insertion :

Le contrôle de la disponibilité sur le marché de l’emploi (contrôle dispo) a été introduit en juillet 2004. Depuis cette date,  pour garder leur droit, les travailleurs sans emploi en allocations de chômage doivent prouver qu’ils recherchent activement du travail sous peine de devoir signer des contrats avec l’ONEM. Si ceux-ci ne sont pas respectés, il y a perte temporaire ou définitive du droit.

Depuis quelques mois, ce contrôle dispo a été renforcé pour tous les allocataires d’insertion puisque ces derniers sont contrôlés maintenant de six mois en six mois avec risque de perdre directement (sans passer par un contrat) leur droit pendant six mois. S’ils ne demandent pas eux-mêmes un nouveau contrôle au bout de ces six mois de sanction, ils ne récupèrent pas leurs allocations.

Alors que le jeune en stage d’insertion doit déjà respecter les conditions fixées par le service public régional de l’emploi (FOREM-ACTIRIS-VDAB) sous peine de sanctions sur ses futures allocations, le gouvernement introduit au septième mois du stage et au onzième mois, un contrôle dispo de l’ONEM (donc deux au minimum) qu’il devra absolument « réussir » s’il veut pouvoir accéder aux allocations d’insertion. Si l’un des deux contrôles est raté, l’accès aux allocations est retardé jusqu’au moment où deux évaluations seront réussies. Autrement dit, il faudra absolument obtenir deux évaluations positives  à l’ONEM avant de pouvoir percevoir ces fameuses allocations d’insertion.

Contrôlés avant même d’être syndiqués :

La plupart des jeunes se syndiquent au bout du stage, quand ils perçoivent leurs premières allocations. Il faut donc craindre que beaucoup d’entre eux subissent ces contrôles dispo de l’ONEM pendant le stage sans être préparés et défendus par des accompagnateurs syndicaux. Il parait que l’ONEM « informera les jeunes qu’ils peuvent se syndiquer » dans un courrier. Les organisations syndicales prévoient des initiatives particulières pour les contacter directement, notamment à partir de différentes sensibilisations, mais dans un premier temps, elles partent avec un handicap évident par rapport aux institutions chargées d’activer les « stagiaires d’insertion ». A travers toutes les mesures prises depuis 2004 sur l’accompagnement et le suivi des sans emploi, la volonté politique de mettre sur la touche les organisations syndicales paraît évidente. Tout est fait pour que l’ONEM et le FOREM puissent activer les jeunes et les travailleurs sans emploi avec le moins d’opposition possible et de la façon la plus directe.

Du fatalisme dans les rangs des directions syndicales ?

Le 30 janvier 2012, les travailleurs étaient en grève générale répondant ainsi à l’appel de leurs organisations syndicales. L’objet de cette grève était de s’opposer au premier plan d’austérité du gouvernement Di Rupo. Dans ce plan se trouvaient notamment l’instauration du stage d’insertion de 12 mois, la limitation dans le temps des allocations d’insertion, le durcissement du contrôle dispo pour tous les allocataires d’insertion et la dégressivité accrue des allocations de chômage. On y parlait déjà d’évaluations à réussir obligatoirement pour les jeunes en stage d’insertion. Tout avait été décidé sans concertation et la volonté du gouvernement était d’imposer toutes ces mesures en passant au-dessus de la tête des syndicats. Alors que ceux-ci avaient dénoncé cette politique du fait accompli, ils ont quand même négocié les modalités d’application de toutes ces mesures prises à l’encontre des jeunes et des travailleurs sans emploi. Incompréhensible quand on sait les dégâts sociaux que vont occasionner notamment la dégressivité des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion. Pas étonnant qu’aujourd’hui, ces mêmes dirigeants syndicaux n’aient pas la volonté de s’opposer à la mise en place de contrôles sur la disponibilité dès le stage d’insertion. Les directions syndicales seraient-elles persuadées que l’état social actif est une évolution inéluctable contre laquelle il n’y aurait rien d’autre à faire que de négocier des petits aménagements à la marge ?

Les allocations de chômage doivent retrouver leur caractère assurantiel ! Il faut se battre résolument pour le retour à une Sécurité Sociale qui soit une barrière contre l’appauvrissement. Pour que les jeunes puissent s’insérer dans le monde du travail, faire des projets positifs pour leur avenir, il faudrait d’abord créer des emplois de qualité. Cette volonté n’existe pas de la part des pouvoirs économiques, financiers et politiques. Leur projet, c’est affaiblir le droit aux allocations de chômage pour forcer les jeunes et tous les travailleurs à accepter de travailler dans des CDD, du temps partiel ou du travail intérimaire. Les patrons veulent une main d’œuvre flexible, la moins chère possible et la plus facile à virer en situation de soi disant « mauvaise conjoncture ». Le gouvernement modifie la législation sociale pour que tous les travailleurs, y compris les plus jeunes, soient obligés de se plier à cette précarisation du marché de l’emploi. Le rôle des organisations syndicales n’est pas d’organiser des mobilisations pour seulement obtenir des petites améliorations à la marge en collant ainsi à la stratégie des amis politiques socialistes, démocrates chrétiens ou écologistes. Au contraire, en toute indépendance, leur rôle doit être de lutter sans concession pour que les allocations de chômage retrouvent leur caractère assurantiel. 

Refusons le cadre fixé par le gouvernement. Imposons le retour à une véritable protection sociale !

Il faut revendiquer carrément des retours en arrière comme :

-       la suppression des contrôles sur la disponibilité, la suppression des concepts de stage d’insertion et d’allocations d’insertion et le retour à des allocations de chômage d’attente non limitées dans le temps

-       le retour à un accompagnement des travailleurs sans emploi sur base volontaire et sans sanction,

-       la suppression de toute forme de contractualisation du droit aux allocations de chômage à l’ONEM et au service public régional de l’emploi (ACTIRIS-FOREM-VDAB)

-       le retrait du caractère systématique des transmissions du service public régional de l’emploi vers l’ONEM (transmissions qui ont provoqué une forte augmentation des sanctions depuis 2004 et cela particulièrement en Wallonie)

Evidemment, cette lutte résolue doit aussi globalement revendiquer le retrait de toutes les autres mesures qui depuis 2012-2013 :

-       activent les prépensionnés victimes de licenciements collectifs

-       modifient la notion d’emploi convenable et obligent les TSE à répondre à une offre même si celle-ci se trouve à 60 kms du domicile

-       obligent les TSE à accepter un travail dit convenable jusqu’à l’âge de 60 ans

-       imposent aux TSE de plus de 50 ans à se présenter au contrôle de l’ONEM sur les recherches emploi

-       Obligent le travailleur à temps partiel avec « complément chômage » à subir le contrôle sur la disponibilité organisé par l’ONEM

-       Obligent les travailleurs en incapacité d’au moins 33% à subir le contrôle sur la disponibilité

Assez de cette pseudo concertation sociale/assez de se faire avoir

Oui, on s’est bien fait avoir par cette pseudo concertation sociale qui a en fait contribué à l’aggravation du démantèlement du droit aux allocations de chômage et à la suppression des pré pensions devenues chômage avec complément de l’employeur. La grève générale du 30 janvier 2012 et ses prolongements nous laissent un goût amer. Il faut repasser à l’offensive pour imposer des alternatives qui garantissent à l’ensemble de la population des droits sociaux et économiques fondamentaux de qualité.  Pour cela, une répartition équitable des richesses est nécessaire. Mais, cet objectif de redistribution au profit de la collectivité ne se réalisera pas sans mettre en cause la stratégie de lutte des directions syndicales, trop calquées sur celle des partis soi disant « progressistes » qui occupent le pouvoir. Pour ne plus se faire avoir, il faut d’une part établir une réelle indépendance syndicale et d’autre part, s’investir en tant que militants dans la création d’un nouveau parti de gauche capable d’être le relais politique de nos luttes et de porter des revendications qui mettent en cause le système capitaliste.

*Freddy Bouchez (militant syndical)

Sympathisant de l’appel du premier mai 2012 de la FGTB/Charleroi.

Voir ci-dessus