Coopération au développement: la Belgique s’éloigne de ses engagements
Par Sébastien Brulez le Mardi, 21 Février 2012

L'accord du gouvernement Papillon sabre aussi dans l'aide accordée aux populations du Sud. Le budget affecté à la coopération au développement sera gelé en 2012 et 2013. Plus qu'un statu quo, c’est un pas de plus vers le non-respect des engagements de la Belgique.

« En matière de financement, le gouvernement gèlera en 2012 et 2013, la croissance des crédits de la coopération au développement » : c'est textuellement ce qu'annonce le projet de déclaration de politique générale du gouvernement Di Rupo. Le texte précise cependant que le gouvernement « ne renonce pas pour autant à atteindre l’objectif quantitatif de 0,7% du RNB (1) pour l’aide publique au développement, mais se voit hélas dans l’obligation de le limiter temporairement en raison de circonstances budgétaires exceptionnelles ».

Cet objectif de 0,7% du RNB correspond à l'engagement pris par la Belgique en 2002, par une modification de l'article 10 des lois de 1991 sur la comptabilité de l'Etat. Cette modification impliquait des mesures « en vue d'atteindre, selon un calendrier de croissance maintenue et annuelle, au plus tard à partir de 2010, 0,7% du revenu national brut pour les moyens affectés à l'aide au développement officielle belge (…) ».

Si l'aide publique belge au développement a constamment augmenté sur la dernière décennie (de 0,36% du RNB en 2000 à 0,64% en 2010), les 0,7% prévus par la loi n'ont jamais été atteints. Et le gel de l'augmentation du financement sur les deux années à venir éloigne encore un peu plus cet objectif. Sur la scène internationale, seuls la Suède, le Danemark, la Norvège, le Luxembourg et les Pays-Bas s'en sont jusqu’à présent donné les moyens. Les Etats membres de l’Union européenne se sont engagés à l’atteindre en 2015. Mais de l’aveu même de la note de politique générale de la Chambre : « L’Union européenne n’atteindra pas non plus son objectif. »

Remise de dette ou jeu d’écriture ?

Le gel de la croissance des crédits en 2012 et 2013 implique en fait un retour à un pourcentage de financement inférieur à celui de 2009 (0,55%). « Comme il n’y aura, pour la période 2012-2013, que peu de remises de dette, le rapport ODA/PNB (aide publique au développement/produit national brut, ndlr) continuera à baisser jusqu’à environ à 0,50% en 2013 », affirme la note de politique générale.

En effet, les chiffres record de 2010 étaient dus partiellement à l’annulation d’une partie de la dette de la République démocratique du Congo (RDC). « Sans cette opération, le rapport ODA/BNP aurait atteint en 2010 0,53 % », précise le document précité. Victor Nzuzi, du réseau CADTM en RDC, estime qu'en réalité cette opération n'était rien de plus qu'un « simple jeu d’écriture qui profite surtout à la Belgique qui comptabilise la valeur nominale de cette créance (et non la valeur réelle qui est largement inférieure) dans son aide publique au développement pour la gonfler artificiellement » (2).

Finalement, le gouvernement se propose d’améliorer la « cohérence politique » de l’aide au développement. La Belgique consacrera donc « une attention particulière à des initiatives européennes relatives à la cohérence ». A titre d’exemple, la note de politique générale mentionne un avis approuvé en octobre 2011 par la Commission européenne. Cet avis trace les lignes forces de la politique de développement européenne pour les prochaines années : « La commission propose de se concentrer sur deux objectifs: les droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance, d’une part, et la croissance inclusive et durable, d’autre part. En ce qui concerne cette dernière, la commission distingue trois dimensions: (1) la protection sociale, la santé, l’enseignement, la dignité du travail; (2) le climat des entreprises et le secteur privé; (3) l’agriculture durable et énergie. » Autrement dit, en route vers la deuxième dimension : tout un programme !


Notes:

(1) Le revenu national brut (RNB) est une valeur assez proche du produit national brut (PNB). Il est la somme des revenus (salaires et revenus financiers) perçus, pendant une période donnée, par les agents économiques résidant sur le territoire. Le RNB est la somme du PIB et du solde des flux de revenus primaires avec le reste du monde. (www.cncd.be)

(2) V. Nzuzi, « Annulation de la dette de la République démocratique du Congo? Une mascarade! », http://www.cadtm.org/Annulation-de-la-dette-de-la

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