L'humanité face à la crise climatique
Par Michaël Löwy le Lundi, 01 Octobre 2007 PDF Imprimer Envoyer
L'accumulation de gaz carbonique, la montée de la temperature, la fonte des glaciers polaires et des "neiges éternelles", les sécheresses, les innondations: tout se précipite, et les bilans des scientifiques, à peine l'encre des documents séchée, se révèlent trop optimistes. Sans compter les risques, encore peu étudiés, dus aux 400 milliards de tonnes de CO2 pour le moment emprisonnés dans le permafrost, cette toundra congelée qui s'étend du Canada à la Sibérie. Si les glaciers commencent à fondre, pourquoi le permafrost ne fondrait-il pas, lui aussi?
La liste des catastrophes envisageables est longue. À partir de quelle température la Terre ne sera-t-elle plus habitable par notre espèce? Malheureusement, nous ne disposons pas d'une planète de rechange, dans l'univers connu des astronomes...

Quel est le responsable de cette situation, inédite dans l'histoire de l'humanité? Cest l'Homme, nous disent les scientifiques. Cette réponse est juste, mais elle est un peu courte: l'Homme habite sur Terre depuis des millénaires et la concentration de CO2 a commencé à devenir un danger depuis seulement quelques décennies. En réalité, la faute revient au système capitaliste, à sa logique absurde et myope d'expansion et d'accumulation à l'infini, à son productivisme tout entier dévoué au profit.

Quelles sont donc les propositions, les solutions ou les alternatives proposées par les élites capitalistes dirigeantes? C'est peu dire qu'elles ne sont pas à la hauteur du défi. Parfois, elles frisent le ridicule: à la dernière réunion du G8, à Heiligendamm (Allemagne), cette pompeuse rencontre des puissants de ce monde, il a été solennellement décidé, avec l'accord de George Bush, de l'Union européenne, du Japon et du Canada - grands pollueurs de la planète -, qu'il fallait "prendre sérieusement en considération" la proposition de réduction des émissions de CO2. N'est-ce pas formidable? D'ailleurs, Nicolas Sarkozy s'est bruyamment félicité d'avoir convaincu Bush d'inclure, in extremis, l'adverbe "sérieusement" dans la résolution...

Que dire également des accords de Kyoto, expression des gouvernements (bourgeois) les plus "éclairés" du point de vue écologique? Son dispositif central, le "marché des droits d'émissions" de CO2 s'est révélé une operation tragi-comique: les quotas d'émissions distribués par les "responsables" étaient tellement généreux, que tous les pays ont fini l'année 2006 avec de grands excédents de "droits d'émissions". Résultat: le prix de la tonne de CO2 s'est effondré, passant de vingt euros en 2006 à moins d'un euro actuellement...

Mentionnons aussi le dernier remède miracle, parrainé par Bush et le président brésilien, Luia, mais qui intéresse aussi l'Europe: remplacer le pétrole - de toute façon destiné à s'épuiser - par les biocarburants. Les céréales ou le maïs, plutôt que de nourrir les peuples affamés du tiers monde, rempliront les réservoirs des voitures des pays riches.

Faillite d'un système

Pour affronter les enjeux du changement climatique - et, plus généralement, de la crise écologique -, il faut un changement radical et structurel, qui touche aux fondements du système capitaliste: une transformation, non seulement des rapports de production (la propriété privée des moyens de production), mais aussi des forces productives. Cela implique, tout d'abord, une véritable révolution du système énergétique - remplacement des énergies fossiles (charbon ou pétrole) par des énergies renouvelables, transports publics gratuits, réduction drastique du trafic routier - et des modes de consommation actuels, fondes sur le gaspillage et ta consommation ostentatoire induite par la publicité.

Bref, il s'agit d'un changement de modèle de civilisation, et de la transition vers une nouvelle société, écosocialiste, dans laquelle la production sera démpcratiguement planifiée par la population c'est-à-dire que les grandes décisions sur les priorités de production et de consommation ne seront plus prises par une poignée d'exploiteurs, ou par les forces aveugles du marché, ou encore par une oligarchie de bureaucrates et d'experts, mais par les travailleurs et les consommateurs, bref, par la population, après un débat démocra-tique et contradictoire entre différentes propositions.

Oui, nous répondra-t-on, elle est sympathique cette utopie mais, en attendant, faut-il rester les bras croisés? Certainement pas! Il faut mener bataille pour chaque avancée, chaque mesure de réglementation, chaqueaction de défense de l'environnement. Chaque kilomètre d'autoroute bloqué, chaque mesure en faveur des transports collectifs sont importants, non seulement parce qu'ils ralentissent la course vers l'abîme, mais parce qu'ils permettent aux populations, aux travailleurs, de s'organiser, de lutter, de prendre conscience des enjeux du combat, et de comprendre, par leur expérience collective, la faillite du système capitaliste et la nécessité d'un changement de civilisation.

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