Vraiment trop méchantes
Par Céline Caudron le Mercredi, 06 Avril 2005 PDF Imprimer Envoyer

La société laisse-t-elle encore une place à l'homme, le vrai? Cette question lancinante ne cesse de tourmenter l'esprit de quelques spécimens qui se font appeler "masculinistes". La réponse qu'ils y apportent est simple: les féministes sont allées trop loin. Stop à l'hécatombe ! Petit détour éberluant du côté des thèses de ces mâles en mal de virilité, victimes des attaques hargneuses des brûleuses de soutifs.

Depuis la fin des années 80, d'étranges regroupements d'hommes se sont lentement propagés à travers le monde occidentalisé, déversant sans grandes difficultés leurs élucubrations sur internet et dans la presse. Ces visionnaires ont tout compris: l'égalité entre hommes et femmes est acquise depuis belle lurette. Les femmes sont même parvenues à supplanter les hommes dans certains domaines qui leur étaient réservés, comme l'autorité parentale. Nous sommes bel et bien à l'ère du post-féminisme. La Gauche -toujours du côté des opprimés- devrait-elle penser à changer le titre de sa rubrique ? pourquoi pas vir'ILS ?

Si des groupes masculins se disent pro-féministes et anti-sexistes en tâchant de faire changer les comportements machos et violents, la majorité des masculinistes élabore ses analyses en opposition aux féministes, reniant complètement l'existence du patriarcat et du rapport de pouvoir entre les genres. Les masculinistes conservateurs sont ouvertement défenseurs de la famille et des rôles traditionnels, ils s'évertuent à chanter les louages du bon père de famille, bien ferme et autoritaire, et de la gentille épouse, serviable et soumise. Pour eux, les droits conquis par les "vaginocrates" sont à bannir d'urgence si on veut éviter l'anéantissement total de la société. Parmi ces illuminés, on retrouve bien sûr les mouvements fondamentalistes chrétiens du Canada et des Etats-Unis, ainsi que les "on n'est pas des tapettes" virils et plein de poils du lobby des armes...

Le discours masculiniste est multiple. Mais on y retrouve des thèmes communs, comme surtout celui de la réhabilitation de l'image et du rôle du père. Avec un discours sur la victimisation des pères, les masculinistes ont trouvé un paravent bien médiatisé pour remettre tranquillement en cause les acquis féministes concernant l'avortement, la violence conjugale ou le divorce et ses corollaires. Par exemple, derrière la revendication, d'apparence bien légitime, d'obtenir la garde partagée des enfants après un divorce, les anti-féministes en profitent aussi pour continuer à nier l'existence de la violence conjugale.

Comme les hommes et les femmes sont aujourd'hui égaux (on en apprend décidément tous les jours), les mesures de prévention et de répression contre la violence envers les femmes sont complètement déplacées, il s'agit d'une discrimination sexiste en faveur des femmes. D'ailleurs, les femmes confondent souvent la vraie violence avec la force "naturelle" des hommes. Dans cette logique, les gardes des enfants confiées exclusivement à la mère à cause de la violence du père perdent tout leur sens; la seule solution censée est la garde partagée. Joli, non?

Les masculinistes réactionnaires ont bien saisi toute l'ampleur du "complot féministe" qui consiste à imposer la domination des femmes sur les hommes. En effet, les "fémi-nazies" ne se sont pas contentées de priver les pères de leur avantageux statut au sein de la famille pour s'en saisir. Elles ont récidivé dans le domaine de la vie publique; en désintégrant les familles et en piétinant toutes les valeurs patriarcales, les "féminocentristes" en se sont rendues responsables de l'accroissement du taux de suicide chez les hommes, de la société de consommation, de la surpopulation des prisons, des accidents de la route et, bien sûr, de l'homosexualité ! Pour faire un peu plus crédible -mais est-ce bien nécessaire ?-, les masculinistes ont tendance à élaborer et à diffuser des théories pseudo-scientifiques visant à prouver que la proportion d'hommes battus est équivalente à celle des femmes battues ou que la faible proportion d'hommes dans l'environnement scolaire et familial des petits garçons créerait pour ceux-ci un grand vide psychologique qui expliquerait leur manque de performances futures, etc. Relayées par des intellectuels et les médias, ces fines analyses aboutissent comme par miracle dans les sphères parlementaires. Les masculinistes maîtrisent plutôt bien la pratique du lobbyisme.

Pour le plaisir, voici une petite perle des pensées profondes des anti-féministes. En manipulant les gouvernements, les horribles démons à mamelles ont provoqué des mesures facilitant l'accès des filles aux options masculines et aux études supérieures. De ce fait, les garçons ont été négligés des politiques scolaires. Cette négligence, programmée par les hystériques détestées, ont provoqué ou accentué la démotivation scolaire du sexe fort, ce qui explique que les filles obtiennent aujourd'hui de meilleurs résultats, décrochent de bons diplômes et deviennent de féroces concurrentes sur le marché de l'emploi. La féminisation du système scolaire est donc bel et bien responsable du chômage. Cqfd.

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