Parité obligatoire sur les listes : à suivre
Par Barby le Mardi, 07 Novembre 2006 PDF Imprimer Envoyer

La Société n'est pas constituée d'hommes, mais d'êtres humains sexués dont une moitié sont des… femmes ! Ce n'est pas si évident que cette réalité soit prise en compte à 100%, même dans les partis révolutionnaires. Pour ces élections communales, la parité des candidatures hommes-femmes a été imposée par décret (8 décembre 2005). C'est déjà ça mais c'est insuffisant et ça pose des problèmes…

La parité des candidatures c'est déjà ça...

Ben oui, quand on sait d'où on vient: les femmes (moitié de l'humanité) n'avaient même pas le droit de voter, puis le vote féminin a été soumis à conditions etc…. Maintenant, il y a des femmes élues, et même des bourgmestres et cheffes de police… Mais bon, c'est un peu comme l'exemple de la femme pilote ou plombier que l'on sort à chaque émission traitant de l'égalité hommes-femmes… avant de rétorquer: " Bah, de toute manière, ça sert à quoi la parité chez les pilotes et les plombiers ? Il y a déjà assez d'hommes pour faire ça… ".

C'est vrai que l'obligation faite aux partis de présenter des listes paritaires (et pas seulement des quotas) force ceux-ci à trouver des candidates et/ou à pousser des hommes à céder leur place afin de ne pas être (trop) dominants -même s'il y a encore une majorité d'hommes en case de tête.

C'est vrai aussi que les élues pourront prouver leur compétence ou incompétence, voire leur différence d'approche (bien que celle-ci soit liée au genre et conditionnée par toute une série de facteurs qu'il est important d'analyser) et qu'en pénétrant les sphères du pouvoir, les femmes auront l'opportunité de porter au niveau politique les revendications des mouvements féministes.

Mais ça n'empêche pas des questions

On se retrouve face au problème qu'avait déjà pointé Eliane-Vogel Polsky, candidate de Gauches Unies (GU) lors des élections européennes de 1994 qui avait plaidé et argumenté pour la parité de fait dans tous les secteurs. Elle avait souligné les limites des législations visant à s'attaquer aux discriminations qui, tout au plus, parvenaient à assurer une "égalité partielle" des deux sexes dans la société. Elle avait aussi souligné les limites des textes juridiques où l'idéal de l'égalité n'était jamais reconnu comme principe fondamental mais bien comme question subsidiaire, ce qui résultait d'une construction sexuée, masculine, du droit. En effet si le décret oblige à reconnaître que la parité existe dans la société… il n'impose qu'une reconnaissance partielle et beaucoup de questions surgissent.

Est-ce que cette obligation ne risque pas de se transformer en piège aux candidates potiches, soumises ou encore aux mannequins ? En effet, pas de parité, pas de liste… La chasse aux femmes peut dans certains cas exister. Il faut les recruter, les séduire, les convaincre… au cas où elles ne seraient pas nombreuses au portillon...

Pour certain-es, la parité sur les listes est un bon prétexte pour ne pas réfléchir plus loin. En laissant des places aux femmes, on fait sa b.a. Au pire, on râle sur cette emmerdante obligation à laquelle on doit de toute façon se plier. Au moins pire, on s'en satisfait et ça donne bonne conscience. Ca peut risquer de clore le débat alors qu'il faut le poursuivre.

Et puis, la parité sur les listes ne doit pas renforcer l'idée que les discriminations de genre sont seulement le problème des femmes -alors qu'il s'agit d'un problème de société. Les élues risquent de se retrouver seules avec les sujets "femmes" si les hommes s'empressent de s'en débarrasser. Or, s'il est évident que les revendications des femmes doivent avant tout être portées par des femmes, il est tout aussi évident qu'elles doivent également être soutenues par des hommes.

La parité c'est pas l'égalité !

La parité sur les listes, c'est pas l'égalité des résultats et c'est même pas l'égalité des chances… (notion libérale, on le sait). Pour se présenter aux élections (et de plus être élue), il faut entre autres un surplus minimum de temps et d'argent. Or, ce surplus n'existe pas pour toutes et tous. En général, les femmes sont moins favorisées sur ce point que les hommes, et surtout les mères de familles monoparentales et de milieu modeste évidemment. La société n'est pas égalitaire et l'égalité des chances dans une société inégalitaire et libérale (basée sur la concurrence) ressemble à une course à pieds entre professionnels et amateurs. Lors des ateliers de GU à Borzée, le groupe de travail sur la parité avait pointé trois raisons majeures pour lesquelles les femmes étaient moins présentes: manque de confiance ("je ne suis pas une héroïne"), peur pour la vie familiale, peur de perdre son temps dans des discours (préférence pour l'investissement concret dans des associations). Pas évident non plus que toutes les femmes aient envie de devenir candidates des partis qui se présentent, qu'elles "s'y retrouvent" quelque part… En plus, les partis n'acceptent pas n'importe quelle femme, évidemment, ils choisissent aussi leurs candidates (tous les partis accepteront-ils les femmes qui portent le foulard par exemple ?)...

Nous sommes pour la parité totale car, comme l'indique E.V. Polsky, la non parité à tous les niveaux de pouvoirs est une injustice envers les femmes mais, vu que l'égalité des hommes et des femmes n'est pas considérée comme un droit fondamental en soi, le scandale de l'inégalité n'est pas dénoncé pour ce qu'il est.

Nous sommes aussi pour des mesures forçant la parité. En effet, comme elle le signale, si ces mesures peuvent apparaître comme autant de discriminations positives envers les femmes, elles n'apparaissent comme discriminatoires que par rapport à une égalité abstraite (un principe: un homme une voix) qui, dans la réalité, profite aux hommes. Ce qui est considéré comme "normal", "neutre" (un homme) est en fait sexué, masculin.

C'est mieux aussi que des quotas, car le sexe n'est pas une catégorie comme les autres; les femmes ne constituent pas une minorité, elles se retrouvent en plus dans toutes les catégories sociales discriminées et y sont même souvent majoritaires (bas salaires, etc). Imposer des quotas, c'est nier cette réalité. C'est aussi nier le fait qu'une démocratie paritaire pourrait être un apport collectif alors qu'actuellement hommes et femmes sont bien souvent en concurrence et/ou "complémentaires" (dans des rôles figés et traditionnels, transmis de génération en génération, au point d'apparaître normaux, inévitables, éternels et irremplaçables).

Avant l'obligation par décret de listes paritaires, les débats sur la parité ont fait couler pas mal d'encre. Maintenant, il faudra voir les résultats après les élections… ce que ça va changer - bilan qui peut être utile pour d'autres types d'élections, comme les élections sociales. On verra à quels postes les élues vont se retrouver... car les clichés sont encore fort répandus ("le social c'est l'affaire des femmes, l'économie celle des hommes").

Est-ce que les femmes porteront davantage au niveau politique les préoccupations féministes? Lesquelles ? Est-ce qu'elles continueront la lutte pour la parité ? A suivre donc.

Les luttes doivent continuer !

La lutte pour l'égalité des hommes et des femmes devra se poursuivre, et pas seulement au niveau électoral ou juridique. Au niveau juridique, il reste c'est vrai, énormément de discriminations, certaines clairement liées au sexe et d'autres qui le sont de manière moins ostensibles tant qu'il n'y a pas suffisamment d'analyses sexo-spécifiques. Mais il est important d'aller plus loin que la lutte juridique d'individus lésés contre individus profiteurs et de porter au niveau politique les revendications sociales des femmes en tant que groupe et notamment en tant que salariées (avec ou sans salaire d'ailleurs), de relayer des revendications féministes socialistes, anticapitalistes sans quoi les femmes -comme les hommes- restent opprimé-es par le capital...

L'extrême gauche doit absolument éviter d'être la lanterne rouge en ce domaine en limitant ses ambitions à l'atteinte ou l'approche de la parité dans ses organisations ou encore en considérant que s'occuper du "féminisme" c'est s'occuper de pacotilles bourgeoises et/ou risquer inévitablement la division des luttes et leur affaiblissement ! Les femmes participent aussi à la lutte entre la classe des capitalistes et la classe des salariés et salariées...

La lutte contre le capitalisme n'est pas non plus à perdre de vue par les féministes car, selon nous, les deux luttes sont nécessaires pour atteindre notre objectif: le socialisme. Pas de socialisme sans égalité des droits entre les hommes et les femmes !...

Voir ci-dessus