Dimanche 10 mars : manifestation internationale anti-nucléaire à Tihange : « L’argent et la folie de quelques-uns ne peuvent pas hypothéquer la vie de 14 millions de personnes » !
Par Leo Tubbax, Denis Horman le Mardi, 05 Mars 2013 PDF Imprimer Envoyer

Interview de Léo Tubbax, porte-parole de « Nucléaire Stop Kernenergie »

La Gauche : Quels sont les objectifs de cette manifestation anti-nucléaire, à Tihange ?

Leo Tubbax : Lors de la catastrophe de Fukushima nous avons immédiatement organisé une manifestation à Bruxelles. En septembre 2011, nous avons à nouveau organisé une manifestation, cette fois à Tihange. Nous étions près de 2000, devant la centrale, à crier : « non au nucléaire ».

Un an après la catastrophe, nous étions à nouveau à peu près de deux mille à Bruxelles, pour dire : « plus jamais ça ! »

Dimanche prochain, toujours à l’initiative du collectif belge « Nucléaire Stop Kernenergie », en alliance avec des organisations allemandes, néerlandaises et belges, dans le cadre de « Stop Tihange », nous manifesterons pour dire d’abord : Non au redémarrage des réacteurs nucléaires, Doel 3 et Tihange 2 ! Depuis l’été dernier, ces réacteurs sont à l’arrêt, suite à la révélation de milliers de fissures. Plusieurs experts ont émis un avis négatif  sur un redémarrage éventuel de ces deux réacteurs. L’ancien directeur de l’organe allemand de contrôle des installations nucléaires, M. Dieter Majer, a qualifié un redémarrage  éventuel de complètement irresponsable. L’étude, commandée par le groupe des Verts au parlement européen, sur la sécurité des cuves fissurées  de Doel 3 et Tihange 2, se conclut par : « Un agrandissement des fissures de ces deux réacteurs ne peut être exclu ; les conséquences seraient catastrophiques pour les populations autour de Tihange et Doel, et pour celles d’Anvers et de Liège ». Plus de quatorze millions de personnes vivent dans la zone à haut risque, dans un rayon de 75 km autour des centrales.

On attend toujours la décision gouvernementale, pour ces deux réacteurs nucléaires : Doel 3 et Tihange2.

Nous manifesterons également pour la fermeture immédiate des réacteurs  nucléaires les plus anciens. De nombreux experts s’accordent pour dire que la durée d’exploitation d’un réacteur ne doit pas dépasser une trentaine d’années, sous peine d’exposer des populations entières à des catastrophes.  Les trois plus anciens réacteurs, Doel 1 et 2 et Tihange1, reliés au réseau en 1975 avaient une durée d’exploitation prévue de 25 à 30 ans. En 2003, à l’initiative d’Olivier Deleuze, le parlement à voté la loi de sortie du nucléaire, prévoyant la fermeture des trois réacteurs en 2015. En juillet 2012, un comité ministériel restreint confirmait cette décision pour Doel 1 et 2 ; mais il a décidé de prolonger encore de 10 ans, jusqu’en 2025,  Tihange 1 (50 années de fonctionnement !). Pourtant,  ce réacteur a été construit en même temps que ceux de Doel 1 et 2, et selon les mêmes normes.

Cette décision a été prise pour « garantir la sécurité d’approvisionnement du pays ». N’est-ce pas plutôt pour permettre aux actionnaires d’Electrabel, qui facture une énergie électrique parmi les plus chères en Europe, de toucher le jackpot (les centrales étant, depuis belle lurette, amorties). L’argent et la folie de quelques-uns ne peuvent hypothéquer dangereusement la vie de quatorze millions de personnes.

Nous manifesterons aussi pour la sortie à terme, aussi vite que possible et au plus tard selon la loi Deleuze, de toute l’énergie nucléaire en Belgique : cela vise les deux derniers réacteurs, de fabrication plus récente : Doel 4 et Tihange 3.

En tenant compte de ces différentes échéances de fermetures revendiquées, comment vois-tu le problème de l’approvisionnement énergétique de la Belgique, sachant qu’actuellement la moitié l’électricité  provient des centrales nucléaires ?

Selon un sondage IPSOS, plus de 60% des Belges sont, sans équivoque, contre le nucléaire. D’où l’importance de montrer et prouver qu’on peut et doit sortir, à court terme, de cette industrie mortifère, tout en garantissant, en énergie,  les besoins réels de la population.

Il y a une étude très intéressante de Daniel Comblin, ingénieur Eco-conseiller, qui montre que la Belgique peut sortir du nucléaire sans menacer l’approvisionnement en énergie et en réduisant l’effet de serre.

Mais cela suppose, comme nous l’exigeons à « Nucléaire Stop Kernenergie », que les instances politiques élaborent  un « Plan de l’Energie ». Celui-ci comporte plusieurs éléments.

Une maîtrise et une réduction de la consommation d’énergie, avec,  par exemple, la mise en place d’un service public ou une régie d’isolation des bâtiments. Ce qui contribuerait également à une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Des politique volontaristes pour le développement de sources d’énergie soutenables et renouvelables,  comme l’éolien, le solaire, les petits barrages, la géothermie, l’utilisation de l’énergie excédentaire de l’industrie (cogénération), mais aussi le stockage d’énergie.

Une solution transitoire,  lors de l’arrêt des centrales nucléaires et fossiles, peut s’appuyer sur le fonctionnement de turbines gaz-vapeur, dont le rendement est plus élevé et l’émission des gaz à effets de serre,  moindre. Paradoxalement, ce sont les premières centrales qu’Electrabel met à l’arrêt, pour des raisons de moindre rentabilité.

Ces moyens techniques, ces sources d’énergie soutenable existent, mais sont trop peu exploités. Tout simplement, parce que nous sommes dans un système, où c’est la course au profit, par une poignée d’exploiteurs, qui fait loi.  C’est pourquoi, nous défendons la nécessité d’une maîtrise de la politique énergétique par les citoyen.ne.s organisé.e.s,  dans le cadre d’un fonctionnement démocratique  réel, avec une production, distribution et consommation d’énergie contrôlées, sous la forme de coopératives, régies communales, en combinaison avec un service public de l’énergie.

Nucléaire Stop ! Les organisations syndicales et les travailleurs des centrales nucléaires  ne partagent pas nécessairement cette revendication. Electrabel  veut procéder à des licenciements et les travailleurs s’y opposent…à juste titre ! Alors, comment abordes-tu ce cruel dilemme : fermeture des centrales et préservation de l’emploi ?

Effectivement, de même qu’on ne peut pas prendre à la légère les risques et les conséquences dramatiques d’une catastrophe nucléaire, de même on ne peut pas dire: « Tant pis pour l’emploi » !

Alors, deux choses qu’il est bon de rappeler.

D’abord, le démantèlement de centrales nucléaires, c’est une opération longue, qui va probablement s’étaler sur 3 décennies. Les prévisions pour le démantèlement des centrales allemandes indiquent que cette opération va  occuper, pendant 20 ans, plus de la moitié du nombre d’emplois en fonctionnement, dans celles-ci.  L’emploi dans le centre de pilotage du réseau, associé à la centrale, n’est pas touché.

Puis, il y a l’emploi dans les renouvelables. En Allemagne, l’industrie des énergies renouvelables employait environ vingt mille personnes en 2001. Aujourd’hui, le gouvernement de Merkel estime ce nombre d’emplois à 380 000.

On estime que la Wallonie a un potentiel de création de 15.000 emplois d’ici 2020, dans le secteur de l’énergie renouvelable. Et la mise en œuvre, par les pouvoirs publics, d’un « plan de l’Energie » pourrait en créer bien  davantage.

La manifestation de dimanche prochain à Tihange, comme la précédente, a une dimension internationale.

Effectivement. Le réseau « Stop Tihange » a une dimension internationale. Aux côtés de « Nucléaire Stop Kernenergie » et toute une série d’organisations dont des sections locales et la jeunesse d’ECOLO et des sections de Groen, en Belgique, il y a l’association  «Aachener Aktionbündnis gegen Atomenergie» et les collectifs allemands,  et un rassemblement autour du parti « Groenlinks » de Maastricht et de WISE, au Pays-Bas.

Les nuages radioactifs n’ont pas de frontières; notre résistance non plus. Et je répète: plus de quatorze million de personnes vivent dans les deux zones, où sont  installées les centrales nucléaires de Doel et Tihange ; elles doivent craindre pour leur sécurité, si on redémarre Doel 3 surtout et Tihange 2.

J’espère que nous serons nombreux à nous rassembler, dimanche 10 mars, sur l’Avenue Delchambre à Huy, à 14 heures, pour aller crier, aux abords de la centrale de Tihange : « Nucléaire, stop ! » Et d’abord pour dire : « Tihange 2 doit rester à l’arrêt, définitivement ! »

Plus d’informations se trouvent sur le site « stop-tihange.org » et sur la page facebook stop tihange.

Propos recueillis par D. Horman


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