Non aux jouets mutilants et à la pérennisation de l’oppression de la femme
Par Bellamare Huguette Emmanuel le Samedi, 22 Décembre 2012 PDF Imprimer Envoyer

En choisissant des jouets pour nos chers petits, nous parents, et particulièrement nous les mères qui sommes le plus souvent chargées de l’acte d’achat, risquons fort, si nous n’y prenons garde, de contribuer, avec les meilleures intentions du monde, à la reproduction des inégalités sociales. Et plus précisément à la pérennisation de l’oppression de la femme.

En effet, on n’offre pas aux garçons et aux filles les mêmes cadeaux, car ceux-ci ont pour but de préparer chaque sexe au rôle que notre société capitaliste et patriarcale veut les voir assumer plus tard. Et les fabricants y aident, qui signalent les jouets des filles par la couleur rose et ceux des garçons par le bleu. Et aussi les marchands qui distinguent soigneusement, dans leur magasin, les rayons garçons et les rayons filles.

Aux filles, traditionnellement, les poupées et autres poupons, les dînettes (nous appelions cela quand j’étais petite d’un nom encore plus significatif : « les ménages » !), ou/et de façon plus modernes, les machines à laver, aspirateurs, fours, fers à repasser.... que sais-je ? Mais aussi les têtes à coiffer (le plus souvent des blondes aux cheveux lisses, pour renforcer ainsi l’oppression sexuelle par l’aliénation raciale !), les trousses de bijoux ou de maquillages et les tenues de princesses.

Pour le reste, les fabricants font quand même un effort : des ordinateurs, avec deux fois moins de fonctions que celui de leur frère... mais tout rose ! Des jeux de construction, mais pour réaliser des châteaux roses, habités par des princesses roses... munies de l’inévitable poupon rose !!

Tout cela a pour but de préparer les filles à tenir, une fois adulte, le rôle que leur assigne la société : principalement, exécuter gratuitement 80% des tâches ménagères, ce qui revient à consacrer, entre 19 et 65 ans, par rapport aux hommes, 10 heures de plus en moyenne aux tâches strictement ménagères par semaine, et près de 2 heures en plus aux soins aux enfants et à l’éducation.

Le second rôle prescrit aux filles, c’est de s’exercer, dès l’âge le plus tendre, à attendre le Prince Charmant et, dans ce but, de cultiver leurs charmes, leur séduction... Et de laisser ainsi la réussite sociale et le pouvoir aux hommes.

Malgré une scolarité meilleure, un niveau de formation plus élevé et des diplômes supérieurs, les femmes sont, encore aujourd’hui, moins payés que les hommes de 15% à niveau de carrière égal ; elles occupent en grande majorité des postes subalternes (70% des employé-e-s) et ont les statuts les plus précaires.

Pour ce qui est du pouvoir politique : en France, malgré les lois sur la parité, il y a 10% de femmes à l’Assemblée Nationale, 7% de mairesses. En Martinique... est-ce bien la peine de compter ?

Les élections de miss sont les seules où une femme a de fortes chances d’être élues !!! Mais cela a un coût : pour être la plus belle, beaucoup de filles souffrent, notamment d’anorexie dès l’âge le plus tendre. Et cependant des gens inconscients ou cyniques ont imaginé d’étendre ces concours aux « mini » misses !!!

Bref, les jouets que nous offrons à nos filles leur préparent (et les préparent à) une vie amoindrie, passive, refermée sur le foyer, le dévouement aux autres ou le culte narcissique de leur propre physique.

Bien sûr, de plus en plus, grâce aux luttes féministes, les femmes refusent un tel déterminisme et se battent pour leur libération. Bien sûr, il y a aujourd’hui des femmes ingénieures, pilotes... Mais justement, les jouets sont là pour contenir cette évolution et rappeler aux femmes leur « vraie vocation naturelle » !

Et les garçons ? A eux les voitures, les jouets de construction, les kits scientifiques ou techniques, des jouets qui font appel à la réflexion, à la technique et à la découverte scientifique du monde, qui favorisent la mobilité, la manipulation, l’invention et le goût de l’aventure... Comment s’étonner dès lors que les petits garçons puissent s’imaginer journalistes, pilotes de course, cosmonautes ou aviateurs ou savants ?

Mais pour les garçons aussi, les panoplies de super héros avec armes super sophistiquées et autres jeux de guerre : « Batman, Robocop, Spiderman, un produit chasse l’autre, mais toujours le héros est viril, fort, guerrier, belliqueux. (…). Ainsi se forge une image de la virilité où l’homme est synonyme de force et de muscles. » (Serge Chaumier, La production du petit homme) Comment s’étonner que plus tard les hommes croient pouvoir résoudre le plus souvent les conflits par la violence ?

Aujourd’hui, en France, une femme sur dix est battue par son conjoint… Des filles potiches et bonniches, des garçons aux perspectives plus ouvertes, mais brutes épaisses, le constat est désespérant pour les parents que nous sommes ! Que faire ? Comment choisir les jouets de nos enfants pour ne pas obérer, mutiler leur avenir ?

Des réactions salutaires existent déjà, même chez les marchands : cette année, les magasins U innovent avec un catalogue de jouets qui montre des petits garçons jouant avec des poupons et des petites fille avec des grues ! Voilà qui est positif quelles que soient leurs motivations et même si cela reste insuffisant. En attendant que la profession soit entièrement convertie, les spécialistes conseillent pèle mêle : d’offrir des jouets qui conviennent aux deux sexes et leur permettent de jouer ensemble (jouets scientifiques, sportifs, de construction, éducatifs...). D’élargir le choix des amusements possibles, des épanouissements futurs en emmenant les filles au rayon garçon, les garçons au rayon fille, sans critiquer et sans porter de jugement de valeur sur leurs choix : chaque enfant a besoin d’une multitude de modèles pour trouver ceux auxquels s’identifier.

Enfin, et surtout, un jeu ne pouvant être investi s’il n’est pas accompagné, de jouer avec elles et eux ! – Cette recommandation s’entendant, bien sûr, pour les deux parents !!!

En conclusion, cependant, seule la lutte des femmes pour l’égalité pourra imposer de façon durable d’autres rapports entre les sexes ainsi qu’une image plus respectueuse des femmes de tous âges.

Huguette Emmanuel Bellemare pour l’UFM

(Cet article s’inspire de travaux de nombreux mouvements féministes : Osez le féminisme, Mix-Cité, Les Furies, les Tumultueuses...)

* Paru sous le titre « Non aux jouets mutilants ». Publié sur www.europe-solidaire.org

* Union des femmes de la Martinique (UFM). 17 rue Lamartiine – 97200 FORT-DE-FRANCE 05.96.71.26.26 05.96.63.65.19 Web : www.uniionfemmesmartiiniique.com E-maiill : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

 

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