L'offensive anti-syndicale bat son plein!
Par Alain Van Praet le Dimanche, 29 Janvier 2012 PDF Imprimer Envoyer

Depuis quelques jours, la «grande presse» est à nouveau à l’offensive contre le mouvement syndical, accusé de faire preuve d’irresponsabilité («vu la situation du pays, les syndicats se tirent une balle dans le pieds»), d’inconséquence (« la grève ne sert à rien car le gouvernement a déjà décidé »), voire même de terrorisme (la victime étant ici la population belge «prise en otage») !

Devant nos yeux ébahis se multiplient aussi des «sondages» destinés à démontrer que la population rejette massivement les actions syndicales. Certains, emportés par leur zèle destructeur, affirment même que les syndicats sont aujourd’hui «marginalisés» ! Mais si c’était le cas, pourquoi s’inquiètent-ils donc du débrayage interprofessionnel généralisé de ce lundi 30 janvier ? Décidément, la perte de tout sens de la mesure ne favorise pas la lucidité de ces « observateurs avisés » !

Le but de cette campagne vise naturellement à discréditer le syndicalisme qui reste, malgré ses difficultés, un obstacle à l’offensive du «gouvernement papillon», gagné par une frénésie «austéritaire» qui ne semble plus connaître de limites…

Face à ce rouleau compresseur médiatique, il est important d’allumer des contre-feux idéologiques, et de rappeler inlassablement un certain nombre d’arguments et d’éléments de réflexion :

1. Il aura fallu 541 jours de palabres pour former un exécutif fédéral, mais quelques jours auront suffi à la nouvelle coalition pour trancher dans le vif et imposer une volée de mesures d’austérité ! Sans la moindre concertation avec les organisations représentatives des travailleurs avec ou sans emploi, et au mépris de toutes les traditions en la matière. Un coup de force (bien dans la ligne des tendances autoritaires qui se développent au niveau de l’Union Européenne) qui représente une véritable remise en cause de la démocratie sociale, et une régression démocratique loin d’être anodine !

2. Ce sont les banques qui portent une lourde responsabilité dans la crise financière actuelle, mais ce sont les premières victimes de cette crise qui sont priées de régler la note. Indécent et indéfendable, d’un point de vue éthique comme sur le plan de la «simple» équité !

3. Cette volonté rageuse de vouloir frapper le plus grand nombre tout en ménageant les possédants et les nantis, est dénuée de pertinence sur le plan économique. Le recul social provoquera de nouvelles récessions qui serviront à leur tour de prétexte pour amplifier les politiques d’austérité. Entretenant ainsi une spirale régressive sans fin. Inacceptable !

4. «Les syndicats abusent» tempêtent les faiseurs d’opinion. Heureusement que les syndicats ont «exagéré» au cours des 150 dernières années, car sans le combat ininterrompu des salariés et de leurs organisations, pas de suffrage universel, pas de Sécurité Sociale, pas de congés payés, pas de journée de 8 heures, pas de droit du travail, pas de conventions collectives, pas d’indexation des salaires,…. Ce sont ces conquêtes sociales arrachées de haute lutte qui nous garantissent un (relatif) bien-être, et ce sont celles-ci qui sont inlassablement contestées par les possédants, depuis plus de 30 déjà !

5. «La grève pénalise les citoyens» ajoutent les mêmes propagandistes du capital. La grève entraîne surtout des difficultés pour les grévistes eux-mêmes, qui sacrifient une partie de leur salaire et qui, dans beaucoup d’entreprises, subissent des pressions et des menaces patronales ! Et elle est rendue quasiment impossible dans les PME, «légalement» privées de représentation syndicale. Elle n’est donc jamais une partie de plaisir, et présenter les travailleurs qui débrayent comme des fêtards en quête d’une journée de congé supplémentaire est une mystification qui doit être dénoncée avec force !

6. Celles et ceux qui critiquent les organisations syndicales profitent de leurs combats, car chaque avancée sociale bénéficie à l’ensemble des travailleurs, syndiqués ou non syndiqués. On a rarement vu un détracteur du syndicalisme (journalistes y compris) refuser une augmentation salariale, un avantage financier ou un aménagement favorable des conditions de travail, obtenus par les syndicats ! Il est d’ailleurs piquant de constater que le ministre du budget (Olivier Chastel, MR) a, récemment, justifié la stabilité de son traitement et de celui de ses pairs au nom du… système d’indexation !

Au-delà de la stigmatisation pure et simple de l’action syndicale, la campagne orchestrée actuellement vise aussi à s’en prendre directement aux syndicats, à commencer par une remise en question du droit de grève. Ainsi, les articles de presse, les témoignages et autres «micro-trottoirs» qui passent en boucle sur les chaines de télévision, ont également pour objectif de justifier ce qui va se passer lundi. Car des entreprises ont déjà annoncé qu’elles saisiraient les tribunaux, en utilisant la procédure «des référés» (une procédure ici non contradictoire), pour obtenir l’interdiction de piquets de grève !

Et du coté gouvernemental, le premier ministre a indiqué que les autorités des différents niveaux de pouvoir prendraient leurs responsabilités, en d’autres termes que des recours à la police («pour faire respecter l’ordre») sont envisageables et envisagés.

Il est temps pour le mouvement syndical dans son ensemble de prendre conscience de tous les défis qui lui sont lancés : nous ne sommes pas confrontés uniquement à un débat académique sur le choix de la meilleure politique à suivre pour sortir de la crise, nous sommes également menacés par des attaques concrètes et multiformes contre les syndicats, qui s’inscrivent dans une véritable guerre engagée au niveau européen (et au-delà) contre les travailleurs salariés et les allocataires sociaux, dans le but d’imposer au monde du travail une régression sociale de plusieurs décennies !

Alain Van Praet, délégué CSC-Transcom

Le 29 janvier 2012

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