Elections législatives vues de Flandre : 10 questions sur le 10 juin
Par David Dessers le Mercredi, 16 Mai 2007 PDF Imprimer Envoyer

Guy Verhofstadt a enfin fait connaître la date des prochaines élections fédérales. Ce sera le dimanche 10 juin. Dans les trois prochains numéros de La Gauche, nous approfondirons la situation des différents courants politiques de notre pays. Commençons avec cinq questions sur le dix juin, vu de Flandre.

Verhofstadt ou Leterme. Quelle différence?

Pour Yves Leterme et le CD&V, l'enjeu du 10 juin est de briser la coalition violette. Avec les ultra-conservateurs de la NV-A ils pensent pouvoir damer le pion au SP.A et au VLD. On peut se poser la question de savoir ce que cela va fondamentalement changer. Dans un schéma classique, on pourrait dire que le pouvoir du mouvement ouvrier organisé augmenterait dans le cas d'une coalition chrétiens-socialistes. Mais, d'abord, il est tout a fait évident que le SP.A - une fois  au gouvernement- se soucie comme d'une guigne des revendications du mouvement ouvrier et se comporte chaque fois, maintenant depuis près de vingt ans, comme un fidèle partisan des politiques néolibérales européennes. À cela s'ajoute que le CD&V en alliance avec la NV-A joue à fond la carte de la droite et du conservatisme.

Pour les militants du mouvement ouvrier, choisir entre une coalition violette ou une coalition chrétiens-socialistes c'est choisir la peste ou le choléra. Aucun des deux n'apportera un changement fondamental de politique, aucun des deux ne stoppera, même au niveau le plus élémentaire, la course à la libéralisation. La différence la plus importante entre les deux est que le CD&V et la NV-A donneront surtout la priorité à une nouvelle réforme de l'État  et  lui accorderont le plus gros de l'attention politique. Et, bien que l'unité de la Belgique n'ait pas de valeur en soi pour nous, nous savons aussi que le nationalisme des partis bourgeois va dans le sens du néolibéralisme. En d'autres termes: entre une coalition violette et une coalition rouge-romaine, c'est de Charybde en Scylla.

Naturellement il y a aussi la possibilité d'une coalition chrétiens-libéraux. Aujourd'hui cette option n'a pas l'air évidente vu la rivalité entre le CD&V et le VLD, mais on a souvent vu par le passé qu'une dispute peut vite être aplanie. Une coalition chrétiens-libéraux pourrait en tout cas signifier un réel durcissement de la politique néolibérale et pourrait rejeter pour la première fois depuis 19 ans la social-démocratie dans les bancs de l'opposition.

Éclatement à droite ?

Fondamentalement, le néolibéralisme fait le lit de l'extrême-droite. Cela signifie que l'acceptation de l'austérité néolibérale par tout le centre politique, la politique destructive et la commercialisation générale de la société font le jeu de l'extrême-droite tant qu'il n'y a pas de force de gauche crédible qui s'oppose à la politique dominante d'une façon aussi radicale que l'extrême-droite. Après la victoire de Patrick Janssens à Anvers, le grands médias et partis croient que la tendance s'est inversée. Il est vrai que le VB a subi un choc psychologique -et ça ne peut qu'être bon- mais nous ne partageons pas cet enthousiasme sur Janssens. Janssens a gagné au détriment de ses partenaires de coalition et il n'y a pas eu de changement fondamental dans la proportion entre la coalition et le VB.

Tant que le néolibéralisme reste incontesté à gauche il n'y aura d'ailleurs pas de changement rapide. Le seul affaiblissement politique possible à court terme est un éparpillement et une division de la droite extrême et radicale. Des éditorialistes soutiennent cette version. Jean-Marie De Decker devient l'espoir des jours de peur… Celui qui dit la vérité en face doit lutter contre ce qui est encore plus à droite. La division peut mener à l'affaiblissement, mais même si De Deckeer prend des voix au Vlaams Belang, les deux ensemble représentent un danger aussi grand que le VB aujourd'hui. Plus encore l'homme qui est présenté ici ou là comme le plus grand challenger du VB pourrait peut-être devenir le tapis rouge déroulé devant le VB pour arriver au pouvoir.

Écologistes: in ou out ?

Groen! a vécu il y a quatre ans un  sérieux tremblement de terre et a disparu du parlement fédéral. Ce n'était pas le cas pour Écolo, qui a quand même perdu beaucoup de plumes. Groen! a gardé une fraction au parlement flamand et se trouve devant le défi de retourner au parlement fédéral. Là-dedans, il y a une question centrale: est-ce que Groen! fait la différence ? C'est seulement si Groen! peut de nouveau se présenter comme acteur politique autonome, qui propose une autre politique que la social-démocratie d'une manière audacieuse, que le courant vert aura une chance de survivre. Si la question est de savoir qui gère le mieux l'État bourgeois, les Vande Lanotte et Vandenbroecke seront toujours gagnants. Le parti vert formait déjà fondamentalement un courant peu clair sur l'axe gauche-droite. Ce n'est pas important si le secteur économique est géré par le privé ou la collectivité si c'est fait d'une manière écologique. Maintenant cette position, dans la période de globalisation néolibérale et d'altermondialisme anti-libéral, devient intenable.

Est-ce que la gauche radicale monte?

Avec les élections communales du 8 octobre, la gauche radicale a fait mieux qu'avant partout en Belgique. Le PTB  a grimpé et a obtenu au total 15 élus communaux. Le PC a obtenu une dizaine d'élus communaux en Wallonie. Dans une ville comme La Louvièr,e la gauche radicale a obtenu presque 10% des voix. Etc. La question est de savoir si la gauche anti-néolibérale et anticapitaliste sera capable de poursuivre sur cette tendance aux élections du 10 juin 2007. Pour cela il y a deux candidats en Flandre: le PTB et CAP. Pourquoi pas une liste commune ? Malgré toutes les différences essentielles et parfaitement explicables, la division joue. Le PTB a jeté la politique d'unité à la poubelle. Et le nouveau style du parti n’y change visiblement rien. Après les élections communales du 8 octobre, le PTB a redémarré avec la position la plus forte: une bonne implantation dans quelques bastions et une plus grande présence dans les médias de masse. Mais un vrai lancement est peu probable. D'abord parce que les résultats d'octobre 2006 sont liés aux maisons médicales de Médecine pour le Peuple, ce qui jouera moins en juin pour les arrondissements électoraux où le travail local pèse moins. Ensuite parce qu’on est en Belgique, pays où -grâce à la coalition arc-en-ciel- on a le fameux seuil des 5%. Il faut se rappeler que le SP aux Pays-Bas obtenait en 1994 2 parlementaires avec seulement 2,3%, ce qui les mettait en position d’obtenir leur percée. Ce n'est pas le cas en Belgique et ça va influencer la gauche radicale.

Néanmoins, le 8 octobre a montré un changement. Le PTB, qui a des maisons médicales depuis 25 ans, a obtenu un résultat visiblement meilleur que par le passé. Il est donc possible que le mécontentement dans la classe ouvrière et le mouvement ouvrier organisé soit important après le pacte entre les générations, et que la gauche alternative ait une place. Mais, si rien ne change dans les circonstances dans lesquelles CAP va aux élections (voir l’article dans ce numéro), nous considérons que ce mouvement n'est pas prêt pour le test électoral.

Une plus forte américanisation de nos élections ?

Hélas, c'est la seule question à laquelle nous avons une réponse. Durant les dernières élections parlementaires aux Pays-Bas nous avons vu comment les intentions de vote de la population ont été sondées chaque jour. C'est une tendance négative qui joue aussi en Belgique. Avec la combinaison de différentes méthodes discutables, les résultats de ces enquêtes divergent énormément. Une enquête dit que la NV-A aura 15% des votes, une autre qu'elle aura moins de 5%. Malheureusement, ces enquêtes influencent le vote des gens. Pourquoi ne pas interdire carrément ce genre de sondages sur les intentions de vote ?

Il y a aussi un impact énorme des bureaux de marketing. Par exemple le VLD met le futur de son parti aux mains de l'homme de publicité Noël Slangen. Tout cela vide le débat politique. Ce n'est plus le contenu mais l'emballage qui compte. Cela entraîne encore plus d'incompréhension et de dégoût de la politique dans la population. Au lieu d'un cadre de discussion sur des idées, la politique devient de plus en plus une affaire personnelle, où les lunettes de Verhofstadt et les lentilles de Leterme deviennent des préoccupations du journalisme politique. En plus, la diminution de l'importance du vote pour une liste accroît cette évolution. Les médias mènent souvent le débat d'une manière dépolitisante, qui sort du débat politique.

Voir ci-dessus