Lénine : « Petit manuel pour rompre avec le capitalisme»
Par François Sabado le Dimanche, 25 Septembre 2011 PDF Imprimer Envoyer

A l’heure où l’anticapitalisme doit plus que jamais retrouver ses « lettres de noblesse », nous reproduisons ci-dessous la préface écrite par notre camarade François Sabado au texte de Lénine « La Maladie infantile du communisme », ouvrage récemment réédité sous le titre : "Lénine, Petit Manuel pour rompre avec le capitalisme", éditions Démopolis, 2011, 208 pages). (LCR-Web)

Préface : Un manuel de stratégie et de tactique

La crise du capitalisme, conséquence désastreuse des politiques, de droite comme de gauche, menées depuis les années 1980, amène un nombre croissant de gens à s’intéresser à nouveau aux idées de Karl Marx et en particulier à sa critique de l’économie politique.

Des doutes sur le bien-fondé du capitalisme à la critique du néo-libéralisme puis à la volonté de rompre avec le capitalisme, une foule de questions se posent : que faire ? Comment faire ? Par où commencer et avec qui ? Comment passer de la dénonciation et du rejet à la rupture avec le capitalisme ? Quels rôles peuvent et doivent jouer dans les associations, les syndicats, les partis politiques, les militants, les femmes et les hommes de gauche qui souhaitent rompre avec le capitalisme ?

C’est à eux, à nous que s’adresse Lénine. Populaire au bon sens du terme, il veut être lu par le plus grand nombre. Écrit dans un langage simple et clair, chaque idée est illustrée par des exemples. Simple mais pas simpliste, Lénine accomplit ici un véritable tour de force. Le sous-titre de l’ouvrage : « Essai de causerie populaire sur la stratégie et la tactique marxistes » indique clairement l’héritage assumé et revendiqué.

Il est encore de bon ton aujourd’hui de rejeter Lénine dans le fatras de ce qu’il faut bien appeler « la contre-révolution stalinienne ». Ainsi, l’équation Lénine = Staline = Goulag sert souvent pour beaucoup de gens à discréditer définitivement Lénine. Nous ne sommes pas de ceux-là. Il y a bien au contraire aujourd’hui l’urgente nécessité de revisiter, de façon critique, l’œuvre et l’action de Lénine (1870-1924) avant, pendant et après la révolution russe. On ne saurait en aucun cas mettre un trait d’égalité entre Lénine, même avec ses faiblesses, ses erreurs, ses fautes et Staline (1879-1953) qui liquide la révolution russe, élimine ses principaux dirigeants à partir de 1927 puis fait régner une dictature personnelle fondée sur la terreur de masse.

Lénine, la révolution d’Octobre et les pays européens

Lénine est avant tout un homme qui, depuis sa jeunesse, est obsédé par l’idée de renverser l’ordre établi. Conscient de la nécessité de combiner tactiques et stratégie pour renverser l’ordre capitaliste, il est le premier à mettre en œuvre des tactiques audacieuses et variées.

Pour Lénine, à partir d’octobre 1917, la ligne de partage dans le mouvement ouvrier mondial, c’est la solidarité, le soutien, l’identification avec la révolution russe. Les camps se délimitent : pour ou contre la révolution russe, il faut choisir. D’un côté, la social-démocratie qui s’oppose à la révolution bolchévik et trahit la révolution allemande de 1918 ; de l’autre, le rassemblement des révolutionnaires de toutes les tendances : communistes, conseillistes, syndicalistes révolutionnaires, socialistes de gauches, sans-parti.

Le mouvement ouvrier, d’alors sous le double effet de la guerre et de la révolution russe, connaît des processus de réorganisation gigantesques : ruptures, fractures, différenciations, rapprochements, fusions marquent le quotidien de millions d’hommes et de femmes. Les vies, les consciences, les engagements sont bouleversés. L’enthousiasme révolutionnaire pousse des centaines de milliers de militants à abandonner les vieilles maisons réformistes pour les nouveaux partis communistes. Ces processus de recomposition sont sans précédents. Ils sont à la mesure de l’onde de choc de la révolution russe. La délimitation d’avec la social-démocratie est capitale. C’est l’acte fondateur d’un nouveau mouvement ouvrier avec la fondation de la IIIe Internationale.

Mais très vite, les enjeux politiques dans chaque pays exigent des réponses plus complexes. Le soutien à la révolution russe doit s’accompagner de tactiques politiques nouvelles, des évènements et des tâches, de contenus qui donnent corps ici et maintenant à une stratégie de conquête du pouvoir. Rédigées dans le fer et le feu de la poussée révolutionnaire des années 1920, Lénine nous livre les leçons tirées de son expérience personnelle et de celle du principal courant marxiste de la social-démocratie russe : les bolchéviks avant, pendant et après le révolution russe de 1917.

Lénine hier et aujourd’hui

Lénine et les révolutionnaires russes sont confrontés, au développement de gauches communistes ou d’« ultragauches », dans les centres du mouvement ouvrier européen, en Allemagne, en Angleterre et en Italie. Emportés par leur enthousiasme, ces communistes de gauche ou « conseillistes » veulent sauter les étapes. Ils rejettent la participation aux élections bourgeoises et décrètent les vieilles formes politiques des partis et syndicats dépassées pour de nouvelles unions ouvrières.

Pour Lénine, ce sont des gauchistes. Ils ont sa sympathie parce qu’ils soutiennent la révolution russe mais leurs positions politiques conduisent droit à l’impasse lorsque ce n’est pas à la catastrophe politique, en isolant les révolutionnaires de la masse des travailleurs et des classes populaires. Ce combat contre le gauchisme prendra encore plus de force en 1921 au 3e congrès de l’Internationale communiste contre l’aventurisme de certains secteurs du Parti communiste allemand et le sectarisme des communistes italiens emmenés par Bordiga.

Cette dimension conjoncturelle et polémique va donner le titre original du livre : « La maladie infantile du communisme, le gauchisme » mais en réalité, ce texte va bien au-delà. C’est aussi, et surtout, une formidable leçon sur la nécessité d’une réflexion originale et non dogmatique sur les questions tactiques et stratégiques de celles et ceux qui veulent rompre avec le capitalisme. Nombre de questions y sont traitées : les problèmes du réformisme, les rapports entre le parlementarisme et la politique, le rôle des syndicats, la nécessité des compromis, le rôle du parti et de sa direction, le caractère de la révolution. D’autres y sont absentes, comme celle des rapports entre la démocratie et le socialisme.

Pourquoi lire, relire et discuter ce texte de Lénine ? N’est ce pas obsolète quelques cent ans plus tard ? Les questions posées ne sont-elles pas plutôt celles du siècle dernier – le court XXe siècle de 1914 à 1991. Ne sont-elles pas marquées par la force propulsive de la révolution russe d’octobre 1917 ? Certains mots et certaines formules sont historiquement connotés, dépassés, voire parfois erronés – avec le recul historique. Mais les questions posées par Lénine sont et restent au cœur des tactiques et de la stratégie qu’il faut actualiser et redéfinir aujourd’hui pour rompre avec le capitalisme.

Qu’est-ce qu’une révolution ?

La révolution russe reste aujourd’hui un marqueur politique. Elle incarne la première révolution socialiste à l’échelle mondiale, dans le sens où les bolchéviks, sont selon Rosa Luxembourg ceux qui « ont osé », osé abattre le tsarisme, osé renverser le pouvoir des classes dominantes, rompre avec le capitalisme et conquérir le pouvoir. Elle garde cette signification.

Mais ce ne fut pas un grand soir, encore moins un coup d’État. La révolution russe, comme toute révolution, est l’irruption des masses sur la scène sociale et politique, et aussi le résultat de tout un processus qui s’est déployé tout au long des années préparatoires à la révolution russe. Lénine l’évoque dans ces termes :

« Aucun pays durant ces quinze années (1902-1917) – quinze années je souligne – n’a connu, même approximativement, une vie aussi intense quand à l’expérience révolutionnaire, la rapidité avec laquelle se sont succédées les formes diverses du mouvement, légal ou illégal, pacifique ou orageux, clandestin ou officiel, cercles ou mouvement de masse, parlementaire ou terroriste. Il n’y a jamais eu une aussi riche concentration de formes, de nuances, de méthodes dans la lutte de toutes les classes de la société contemporaine. »

Il souligne que les crises révolutionnaires sont des « crises nationales » qui ne résultent pas seulement de l’activité de la classe ouvrière mais aussi d’« une crise d’ensemble de la société et de ses classes ». Il le précise même en expliquant qu’une situation révolutionnaire éclate lorsque «  ceux d’en bas ne veulent plus », «  ceux d’en haut ne peuvent plus », et « ceux du milieu bascule avec ceux d’en bas » sans négliger l’importance de la conscience et des partis révolutionnaires.

Loin de tout dogmatisme, il dit que l’étincelle peut jaillir de la gerbe d’étincelles que le capitalisme génère par les bouleversements incessants qu’il entraîne. Loin de toute vision purement économique, il cite l’affaire Dreyfus qui en France a mené le pays au bord de la guerre civile. L’événement révolutionnaire doit être préparé, non parce qu’il s’oppose à la réforme mais parce que l’histoire l’a prouvé. Lorsque des réformes conséquentes défendent une répartition égalitaire des richesses et remettent en cause la propriété du capital, les classes dominantes n’acceptent pas la volonté du plus grand nombre. Elles déchaînent leur violence contre les opprimés, y compris en bafouant leur propre légalité comme par exemple au Chili en 1973 ; il faut donc préparer et se préparer à la confrontation, à l’affrontement.

Au-delà des caractères généraux de la révolution russe, il insiste sur les spécificités de chaque situation politique particulière, de chaque révolution. Il revient à plusieurs reprises sur le fait qu’il « a été facile à la Russie de commencer la révolution socialiste, tandis qu’il lui sera plus difficile qu’aux pays d’Europe de la continuer et de la mener à son terme ». Il souligne en creux la plus grande difficulté de conquérir le pouvoir à l’Ouest : « Créer dans les parlements d’Europe une fraction parlementaire authentiquement révolutionnaire est infiniment plus malaisé qu’en Russie ». Lénine, à sa manière, saisit les différences entre l’Est et l’Ouest, même si ce débat n’a pas encore toutes les dimensions qu’il prendra par la suite, en particulier avec Gramsci.

Ce dernier met l’accent sur les « phases préparatoires à la révolution », sur la nécessité d’une « conquête de l’hégémonie » – sociale, politique et culturelle – par les classes dominées où celles ci montrent la supériorité de la « gestion ouvrière ou sociale » et de leur « démocratie et autogestionsocialiste » sur la domination de l’économie capitaliste et celle de l’État bourgeois. Ce processus culmine lors de crises révolutionnaires ou de phases de double pouvoir qui se dénouent par une confrontation où face à la violence de ceux d’en haut, ceux d’en bas doivent détruire la vieille machine d’État.

Trotsky reprend cette réflexion dans le programme de transition en 1938 :

« Il faut aider les masses dans les processus de sa lutte quotidienne à trouver le pont entre ses revendications actuelles et le programme de la révolution sociale. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat. »

Les questions de Lénine rebondissent tout au long du siècle au travers des expériences révolutionnaires européennes, comme celles des pays dits du « tiers-monde », dans les révolutions allemandes et italiennes des années 1920, avec la grève générale de juin 1936 en France, la révolution espagnole de juillet 1936, lors des poussées révolutionnaires de l’après seconde guerre mondiale et des révolutions dans les pays coloniaux et semi coloniaux, enfin au travers des expériences révolutionnaires de la fin des années 1960, en France et dans l’Europe du Sud. Certaines de ses révolutions ont été impitoyablement réprimées par la police et l’armée au service de la bourgeoisie. D’autres ont été dévorées par le cancer bureaucratique ou nationaliste. La contre-révolution stalinienne a même massacré la belle idée du communisme.

Dans cette confrontation historique, le capitalisme a montré que jusque-là, il est encore le plus fort. Même lors de ses crises historiques, il a pu rebondir, trouver une issue à la crise et repartir, souvent aidé par les bureaucraties réformistes qui choisissent la défense de leurs intérêts propres et de ceux des capitalistes plutôt que ceux des classes populaires. Pourquoi, alors, près d’un siècle après la révolution russe, reprendre ces débats ?

Nous sommes dans une nouvelle période historique. Certes, il n’y a pas, aujourd’hui, une « actualité de la révolution » comme dans les années 1920 ou une situation comme en 1968 en Europe du Sud. Il y a même un énorme décalage ente la profondeur de la crise du système capitalise mondial et la faiblesse du mouvement anticapitaliste international, même si le système est ébranlé par le développement de luttes ou de mouvement sociaux comme le mouvement altermondialiste.

En Chine, aux États-Unis et en Russie, on ne peut, pour des raisons diverses, qu’enregistrer l’insigne faiblesse des mouvements révolutionnaires ! Bref, les contestataires, les révolutionnaires d’aujourd’hui, dans des rapports de forces défavorables, sont des révolutionnaires sans révolutions. Mais si nous ne vivons pas une conjoncture révolutionnaire, la crise de civilisation que connaît le monde capitaliste, dans toutes ses dimensions : économique, sociale, écologique et politique montre que l’époque pourrait bien être celle de la de la rupture avec le capitalisme. Si l’acuité de la crise actuelle du système capitaliste pose à nouveau la question de rompre avec le capitalisme, c’est explicitement la manière dont Marx pose le problème dans les Grundrisse :

« À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. Des formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports deviennent des entraves. Alors s’ouvre une période de révolution sociale. »

L’obstacle du réformisme

Pour Lénine, l’éclatement national et le basculement de la social-démocratie européenne dans l’Union sacrée avec chaque bourgeoisie nationale, lors de la guerre de 19141918, marque un tournant historique. « La social-démocratie passe du côté de l’ordre bourgeois ». Mais, en même temps, malgré les pertes de centaines de milliers de militants, les partis sociaux-démocrates gardent une base de masse dans les classes populaires. Comment expliquer cette situation ?

Il reprend la notion, déjà développée par Marx et Engels, d’« aristocratie ouvrière » :

« L’impérialisme moderne a créé dans quelques pays avancés une situation exceptionnellement privilégiée, et c’est sur ce terrain qu’on a vu partout dans la IIe Internationale se dessiner ce type de chefs traîtres opportunistes, social-chauvins, défendant les intérêts de leur corporation, de leur mince couche sociale : l’aristocratie ouvrière. Les partis opportunistes se sont détachés des masses, c’est-à-dire des plus larges couches de travailleurs, de leur majorité, les ouvriers les plus mal payés. »

C’est dans ce processus que les sociaux-démocrates deviennent les « agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier » ou les « lieutenants ouvriers de la classe capitaliste ».

Lénine a raison de chercher les causes de l’évolution de la social-démocratie dans sa composition sociale, ses bases d’existence matérielle. C’est la défense de certains intérêts particuliers qui expliquent la politique de la social-démocratie. Mais cibler l’aristocratie ouvrière comme base sociale du réformisme n’est qu’une réponse partielle et conjoncturelle au problème posé. Des couches supérieures de la classe ouvrière peuvent bénéficier des miettes de la domination capitaliste et se ranger dans le camp des classes dominantes. Mais des ouvriers qualifiés de cette aristocratie ouvrière vont, aussi, diriger des grèves ou des luttes révolutionnaires, notamment en Allemagne, au travers de ce que l’on a appelé les « hommes de confiance », lors des insurrections de Berlin dans les années 1920.

La notion de bureaucratie explique et décrit ce processus d’intégration de certains secteurs issus du mouvement ouvrier et du mouvement social dans les structures de l’État et de l’économie capitaliste et son basculement du côté des intérêts fondamentaux des classes dominantes. La gauche de la social-démocratie allemande, et en particulier Rosa Luxembourg analysera l’émergence de la bureaucratie dans les syndicats et le parti social-démocrate. Lénine, lui, décrit plutôt précisément, notamment dans le cas des situations anglaise et allemande, comment les dirigeants réformistes défendent la politique de la bourgeoisie… « mais à leur manière »… ce qui les conduit, sous un certain angle à s’opposer aux partis de droite, ou pour la bureaucratie syndicale à se battre contre le patronat…

Trotsky reprend, plus tard, cette analyse avec la notion de double fonction de la bureaucratie. Pour lui, la bureaucratie tend à défendre les intérêts de la bourgeoisie mais elle doit garder une certaine influence dans le mouvement de masse, condition pour préserver son existence, d’où la nécessité de mener certaines mobilisations ou certaines luttes. Selon la situation, les marges de manœuvre des bureaucraties des partis ou syndicats réformistes pour gérer cette double fonction sont plus ou moins grandes : plus importantes dans les années 1945-1970, plus réduites à l’heure de la crise du capitalisme où les contre-réformes et les programmes d’austérité aggravent les conditions de vie de millions de salariés. Ceci conduit à une intégration croissante des dirigeants de la gauche traditionnelle dans les sommets de l’Etat et de l’économie capitaliste tels que Dominique Strauss-Kahn à la direction du Fonds monétaire international (FMI) et Pascal Lamy à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Mais si Lénine insiste sur le caractère contre-révolutionnaire de la social-démocratie surtout dans les années 1920, il ne réduit pas son analyse du réformisme à celle des appareils et des sommets des partis sociaux-démocrates et des syndicats. Le réformisme procède aussi de la domination idéologique de la bourgeoisie sur le mouvement ouvrier et le mouvement social, qui individualise, fragmente, divise les travailleurs, et présente le système socio-économique capitaliste comme « normal », « naturel ». Du coup, il n’y aurait place, que pour des améliorations partielles, des réformes et donc du « syndicalisme » ou du « trade-unionisme » comme dit Lénine.

Sur le plan politique, il n’y aurait pas d’autres horizons que le parlement pour opérer des changements politiques. Le réformisme propose alors de passer au socialisme par la conquête d’une majorité électorale : quelle illusion !

Les institutions actuelles sont au service des classes dominantes et corsètent, limitent la véritable démocratie. Ceci est aggravé par les limites et les échecs des politiques de droite comme de gauche entre 1981 et 2002 pour déboucher sur la crise actuelle de la représentation politique et la montée de l’abstention.

Le syndicalisme

Dans la continuité de son analyse du réformisme, Lénine ferraille contre les gauchistes qui considèrent le syndicalisme classique dépassé.

Non moins enfantines et ridicules doivent nous paraître les graves dissertations tout à fait savantes et terriblement révolutionnaires des « gauches » allemands qui prétendent que les communistes ne peuvent et ne doivent pas militer dans les syndicats, mêmes les plus réactionnaires – qu’il est permis de renoncer à ce travail, qu’il faut sortir des syndicats et organiser, une « union ouvrière », toute neuve, toute proprette inventée par des communistes bien gentils. Et il ajoute :

« Ne pas travailler dans les syndicats réactionnaires, c’est abandonner les masses ouvrières insuffisamment développées ou arriérées à l’influence des leaders réactionnaires, des agents de la bourgeoisie, des aristocrates ouvriers ou des ouvriers embourgeoisés. »

Pour Lénine, au-delà des structures des organisations il y a un principe : « travailler absolument où est la masse ». Cette politique de masse conduit effectivement à rejeter tout sectarisme, tout abandon des organisations de masse.

Tout en visant une réorganisation de masse du mouvement ouvrier, il refuse toute conception qui vise à substituer aux vieilles organisations syndicales de nouvelles unions ouvrières qui dépasseraient les séparations entre syndicats, conseils et partis… Sa vision est une réorganisation d’ensemble, ou les réformistes soient écartés par une lutte politique de la direction d’un mouvement ouvrier qui s’oriente vers des positions révolutionnaires.

Quelques mois plus tard, il faudra pourtant souligner des contradictions chez Lénine et les dirigeants de l’Internationale communiste de l’époque. Peut-on viser en même temps des syndicats de masse et une éventuelle subordination des syndicats au parti révolutionnaire ? Sur le plan international, la constitution d’une « Internationale syndicale rouge » en 1921 est liée organiquement à l’Internationale communiste. Cette relation de subordination du syndicat au parti puise ses origines dans les débats sur les rapports entre parti et syndicats en Allemagne en 1905/1906. Elle a conduit dans bien des cas, à séparer les syndicats communistes des syndicats réformistes… ce qui est contradictoire avec la visée d’une intervention des révolutionnaires communistes dans des syndicats de masse, y compris à direction réformiste ou réactionnaire.

Les différences historiques entre le mouvement ouvrier anglo-saxon et celui de l’Europe du Sud continuent encore à exister aujourd’hui, mais l’expérience historique a conduit les marxistes à une vision plus équilibrée. Il n’y a pas à faire de hiérarchie entre les divers niveaux d’organisation du mouvement ouvrier. Les différences entre syndicats et partis sont des différences de fonction : aux syndicats, l’organisation de masse des travailleurs d’une entreprise, d’une corporation, d’un secteur, d’une branche ; au parti, les tactiques et les stratégies de conquête du pouvoir politique.

Syndicalisme de masse et de défense des intérêts de classe, indépendance syndicale, mais pas de séparation étanche des compétences entre syndicats et partis. Les syndicats et les partis s’occupent des mêmes choses : la vie quotidienne des femmes et des hommes mais dans une perspective différente.

Les élections, le parlement et la démocratie

Le rapport à la tactique électorale parlementaire est un bon exemple de politique léniniste. Celui-ci commence par la stratégie : « l’action de masse est toujours plus importante que l’action parlementaire ». C’est la combinaison des formes d’action – « légales, illégales, grèves économiques, politiques, action parlementaire, insurrection » – et la conquête du pouvoir politique par un processus révolutionnaire qui détruit « la vieille machine d’État » et crée les conditions d’une nouvelle démocratie socialiste.

Cette conception écarte les illusions réformistes de la social-démocratie sur le passage au socialisme par une transformation progressive de l’État, des institutions et de l’économie capitaliste. Il rappelle la nécessité de la rupture avec le capitalisme.

Une fois balisé le terrain stratégique, il faut aussi des médiations tactiques – luttes, syndicats, élections – articulées à la stratégie. Dans ce sens, cet ouvrage constitue un extraordinaire manuel de tactique politique.

Lénine s’oppose aux gauchistes pour qui « le parlementarisme a fait historiquement son temps ». « Ce qui a fait son temps pour nous révolutionnaires ne l’a pas fait pour la classe, la masse. Il ne faut pas prendre ses désirs pour la réalité ». Au contraire, leur dit-il « des millions et des millions de travailleurs votent », il faut donc « participer aux élections » et il s’adresse à eux dans ces termes :

« Il est plus difficile à l’Europe occidentale qu’à nous de commencer la révolution socialiste. Essayer de tourner cette difficulté en sautant par-dessus le problème ardu de l’utilisation des parlements réactionnaires à des fins révolutionnaires est pur enfantillage. »

Ainsi, tout en indiquant que « l’action de masse est plus importante que l’action parlementaire », Lénine n’oppose pas luttes, grèves et participation aux élections. Les positions institutionnelles conquises par les élections, sont autant de points d’appui pour l’action de masse dans une stratégie de conquête du pouvoir. Il revient aussi dans ce texte sur les conditions d’un boycott possible des élections : dans les cas où la révolution frappe à la porte et ouvre une autre perspective que la participation à des élections, par exemple aux élections de 1905 au parlement russe.

Mais en général, Lénine se prononce pour la participation aux élections : « Tant que vous n’avez pas la force de dissoudre le parlement bourgeois et toutes les autres institutions réactionnaires, vous êtes tenus de travailler dans ces institutions »… Ce n’est donc que lorsqu’apparait un nouveau pouvoir des classes populaires, et plus exactement un nouveau pouvoir centralisé, affirmé, qu’on peut se débarrasser des vieilles institutions parlementaires. Il revient sur la question des rapports entre les bolchéviks et l’assemblée constituante dans les termes suivants :

La conclusion de tout ce qui précède est absolument indiscutable : il est prouvé que même quelques semaines avant la victoire de la république soviétique, et même après cette victoire – nous soulignons « après » – la participation à un parlement démocratique bourgeois, loin de nuire au prolétariat révolutionnaire lui permet de démontrer plus facilement aux masses retardataires pourquoi ces parlements méritent d’être dissous, facilite le succès de leur dissolution, facilite l’élimination politique du parlementarisme bourgeois.

C’est ce que firent les bolchéviks avec l’Assemblée constituante convoquée et dissoute en janvier 1918. Si la priorité stratégique est bien la destruction de la vieille machine d’État et la construction d’un nouveau pouvoir, il rappelle que l’on ne peut dépasser la vieille démocratie bourgeoise que lorsque des millions de gens ont fait l’expérience de sa faillite et de la supériorité des nouvelles formes de démocratie socialiste.

Après la conquête du pouvoir en Russie, Lénine dissout l’Assemblée constituante, et supprime du coup, cette institution politique représentative des citoyens de la nouvelle république sociale. Sur cette question, nous partageons plutôt le point de vue de Rosa Luxembourg. Elle comprend la décision des bolchéviks de dissoudre une Constituante convoquée sur un registre électoral dépassé, mais demande la convocation d’une nouvelle assemblée. Elle soulève même une nouvelle question clé dans la transition au socialisme :

Sans élections générales, sans une liberté de la presse et de réunion illimitée, sans une lutte d’opinion libre, la vie s’étiole dans toutes les institutions publiques, végète et la bureaucratie demeure le seul élément actif.

Plus, on est frappé, lorsqu’on relit ce texte, de voir combien Lénine veille à utiliser jusqu’au bout les parlements bourgeois mais n’aborde pas les problèmes de démocratie politique dans la Russie de 1918-1920, tant d’un point de vue général que dans le fonctionnement des conseils et des organisations de masses. Nous pouvons considérer qu’il y a là, une situation liée à l’absence de traditions démocratiques même bourgeoises dans la Russie tsariste doublée d’une conjoncture exceptionnelle marquée par la guerre civile qui frappe l’URSS, à l’époque, guerre civile, qui limite les libertés et l’exercice de la démocratie. Pourtant toute l’histoire du parti bolchévik est marquée par des débats, des luttes de tendances et de fractions, y compris dans le feu de l’épreuve révolutionnaire de 1917. Il y a un changement dans les mois et années suivant la conquête du pouvoir.

Car au-delà des circonstances, tant les documents – sauf le fulgurant « L’État et la révolution » de Lénine – que la pratique de la direction bolchévik après quelques années d’exercice du pouvoir, de la crise de Cronstadt à la dévitalisation de la vie des soviets – montrent qu’il y a là une faiblesse fondamentale qui aura des conséquences terribles sur le cours de la révolution, et désarmera les bolchéviks face à Staline devenu secrétaire général du parti communiste en 1922 et au stalinisme.

Parti, front unique et alliances politiques

Chacune des questions posées dans ce petit livre dessine la « realpolitik » léniniste : analyse non dogmatique des rapports de forces, des luttes de classes, combinaison d’une délimitation « partidaire » et de tactiques politiques audacieuses.

Délimitation à partir d’octobre 1917 dans le rassemblement et l’organisation de tous les courants qui soutiennent la révolution russe et participent activement aux processus d’auto-organisation ouvrière et populaire au travers des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats. À partir de là, Lénine va rechercher la fusion au sein des nouveaux partis communistes des socialistes indépendants, des syndicalistes révolutionnaires, des anarchistes, bref des courants à sa gauche et à sa droite. Surtout dans ce moment historique, et une fois la base politique délimitée, Lénine ne comptera pas ses forces pour rassembler, convaincre, gagner toutes les forces qui souhaitaient participer au tourbillon révolutionnaire de l’époque. Il ne s’agit pas construire des organisations aux strictes délimitations sectaires – d’où les polémiques traitées par ces textes – et encore moins des sectes, ce dont il accuse les « gauches de l’Internationale communiste ».

Ses critères pour réunir les militants dans ces partis révolutionnaires de masse n’étaient pas idéologiques mais pratiques : qui soutient la révolution russe ? qui s’engage dans la lutte contre le pouvoir en place ? qui participe à la lutte réelle ? qui défend une politique indépendante de la social-démocratie ? Bien des divergences pouvaient exister, mais il recherchait toujours « une vision commune des évènements et des tâches ». Car dans toutes les démonstrations de Lénine, il y a toujours un objectif, une volonté, celle d’accumuler des forces pour construire l’outil de la conquête du pouvoir. Ses formes et ses tactiques peuvent être diverses, mais la forme « parti » est la seule forme adéquate pour rompre avec le capitalisme.

Tactiques d’alliances politiques audacieuses pour mobiliser et faire basculer des millions d’hommes et de femmes dans la résistance aux attaques capitalistes. Aux gauchistes qui l’exhortent de « ne plus faire de compromis », Lénine leur répond que c’est précisément le rôle du parti d’accumuler l’expérience, le flair permettant de choisir quels compromis sont indispensables à des moments précis. Lénine expose les multiples tactiques d’unité d’action, ce qui sera dénommé dans l’Internationale communiste : tactiques de front unique. Unité d’action dans les luttes, unité d’action électorale ou parlementaire comme lorsqu’il propose que les communistes anglais passent des accords temporaires avec les travaillistes en votant pour eux ou lorsqu’il appuie, contre le putsch Kapp-Lüttwitz, une opposition loyale à un gouvernement social-démocrate et socialiste indépendant sans ministres bourgeois.

Tactiques d’alliances politiques mais sans illusions et surtout menées sans discontinuer la critique de son ou de ses alliés et l’agitation et la propagande pour ses idées. Ainsi, lorsque les communistes allemands parlent à propos du gouvernement social-démocrate de gouvernement socialiste, il les tance en leur demandant de ne pas appeler « socialiste » un gouvernement social-démocrate qui reste un gouvernement bourgeois. Il leur conseille d’accompagner cette opposition loyale d’une dénonciation de leur politique de collaboration de classe. Cela montre une fois de plus qu’il faut avoir une tactique appropriée pour chaque gouvernement de gauche en fonction de sa politique, mais qu’il ne faut surtout pas confondre accords et compromis tactiques et temporaires d’un côté et stratégie de l’autre.

Car Lénine refuse toujours de participer à des gouvernements de collaboration de classes avec la bourgeoisie. Il soutient la perspective de gouvernement ouvrier, c’est à-dire de gouvernement de coalition avec des socialistes révolutionnaires de gauche en Russie ou des socialistes indépendants en Allemagne qui s’appuient sur des conseils d’ouvriers, de paysans, de soldats et qui commencent à appliquer un programme de transition au socialisme : contrôle ouvrier, expropriation des banques, la terre aux paysans, etc. Ces gouvernements de transition vers le pouvoir des travailleurs et des classes populaires peuvent avoir un début parlementaire mais durant un moment de la crise révolutionnaire. Ils doivent au contraire ne pas s’accrocher aux formes parlementaires et stimuler, construire, généraliser les nouvelles formes de pouvoir d’une démocratie socialiste.

Trotski reprend les leçons de la tactique unitaire léniniste dans la politique de front unique contre le fascisme en Allemagne :

« Le prolétariat accède à la prise de conscience révolutionnaire non par une démarche scolaire mais à travers la lutte de classes qui ne souffre pas d’interruptions. Pour lutter, le prolétariat a besoin de l’unité de ses rangs. Cela est vrai aussi bien pour les conflits économiques partiels, dans les murs d’une entreprise que pour des combats politiques »nationaux« tels que la lutte contre le fascisme. Par conséquent, la tactique de front unique n’est pas quelque chose d’occasionnel et d’artificiel, ni une manœuvre habile, non elle découle complètement et entièrement des conditions objectives du développement du prolétariat ». (La Révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, 1932).

Il précisera même le terrain le plus favorable pour l’unité entre révolutionnaires et réformistes:

« Les accords électoraux, les marchandages parlementaires conclus par le parti révolutionnaire avec la social-démocratie, servent, en règle générale, la social-démocratie. Un accord pratique pour des actions de masse, pour des buts militants se fait toujours au profit du parti révolutionnaire […] Marcher séparément, frapper ensemble ! Se mettre d’accord uniquement sur la manière de frapper, sur qui et quand frapper ! On peut se mettre d’accord sur ce point avec le diable. »

En effet, comme l’explique, Daniel Bensaid :

« Le front unique a toujours un aspect tactique. Les organisations réformistes ne le sont pas par confusion, inconséquence ou manque de volonté. Elles expriment des cristallisations sociales et matérielles… Les directions réformistes peuvent donc être des alliés politiques tactiques pour contribuer à unifier la classe. Mais elles demeurent stratégiquement des ennemis en puissance. Le front unique vise donc à créer les conditions permettant de rompre dans le meilleur rapport de forces possible avec ces directions, au moment de choix décisifs, et d’en détacher les plus larges masses possibles. » (Crise et stratégie, 1986).

Ainsi, tactiques et stratégie ne visent pas à opposer unité, compromis et rupture, réformes et révolution mais à les lier pour préparer les conditions d’une « irruption des masses sur la scène politique et sociale » et rompre avec le système capitaliste.

Certes, la situation actuelle est bien différente de celle à laquelle Lénine était confronté. Il y a bien longtemps que nous n’avons pas vécu de situations révolutionnaires en Europe occidentale. La gauche d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec la social-démocratie des années 1920 voire même celle qui a vécu jusque dans les années 1970. La globalisation capitaliste et le social libéralisme ont largement sapé la base sociale et populaire classique de la social-démocratie. Au-delà des résultats électoraux, les partis socialistes ont perdu des centaines de milliers d’adhérents dans toute l’Europe, leurs liens avec les organisations syndicales et les mouvements sociaux se sont qualitativement affaiblis.

Certes la droite et la gauche, ce n’est pas « blanc bonnet » et « bonnet blanc », parce qu’elles n’ont pas la même histoire, la même place et fonctionnalité politique dans les systèmes d’alternance et les mêmes rapports aux classes populaires. Dans les mobilisations quotidiennes contre le patronat ou le gouvernement, les anticapitalistes, côtoient les électeurs ou militants socialistes, mais on voit mal, par exemple, ces anticapitalistes d’aujourd’hui, proposer une politique d’opposition loyale à un gouvernement Strauss-Kahn. Tout en faisant l’analyse concrète de la politique concrète de chaque gouvernement, ce sera plutôt une opposition tout court !

Trotski a toujours été circonspect sur les fronts uniques électoraux avec les partis réformistes, mais à l’heure de l’évolution social-libérale de la gauche traditionnelle, l’indépendance, vis-à-vis de cette dernière est d’autant plus une question décisive.

Le gauchisme

Il peut y avoir dans chaque lutte, mouvement ou organisation des positions ou réactions gauchistes spontanées ou semi-spontanées face à la terrible injustice sociale que vit tel ou tel secteur des classes populaires – gauchisme qui se manifeste par des actions isolées et incomprises de la très grande majorité. Si ces actions représentent une certaine réalité, les anticapitalistes peuvent les soutenir. Dans d’autres cas, il faut s’y opposer.

Mais il y a aussi des idées et des projets politiques gauchistes qu’il faut combattre. Dans un contexte d’affaiblissement de l’idée révolutionnaire, nous sommes confrontés, par exemple, à des mouvances ou des positions comme celle de l’autonomie, qui d’un côté rejette, les élections, les syndicats – manifestation typiquement gauchiste – mais de l’autre, ne se situe plus dans une perspective de changement révolutionnaire, à l’instar d’un John Holloway, qui propose de « changer le monde sans prendre le pouvoir ». Une position à des années lumière de Lénine.

Il reste, aussi, des organisations ou sectes qui se revendiquent de positions ou courants historiques ultragauches du mouvement ouvrier. Là, un vieux débat continue.

Stratégie et tactiques politiques d’aujourd’hui

En prenant en compte, les changements historiques majeurs que connaissent le capitalisme et les mouvements sociaux, il faut garder de Lénine ses capacités à prendre le pouls de l’histoire, à faire l’analyse marxiste concrète d’une situation concrète, à élever sans cesse le niveau de la combativité et de la conscience populaire par de nouvelles initiatives politiques. Il faut revisiter les moments où une proposition politique ou un mot d’ordre concentre toute une situation politique et crée les conditions du mouvement le plus large. De ce point de vue, Lénine est toujours actuel.

Là où le bât blesse, c’est comme nous l’avons indiqué plus haut, dans le fonctionnement démocratique des conseils, des assemblées et du parti dans la Russie d’après la révolution. Les anticapitalistes d’aujourd’hui, avec le recul historique et surtout en tirant les leçons du siècle dernier critiquent, complètent, enrichissent, intègrent et dépassent la conception léniniste de la démocratie. Il s’agit de renouer avec les traditions révolutionnaires qui donnent toute leur place aux processus d’auto-organisation et d’auto-émancipation démocratique et populaire.

Un nombre croissant de gens évoluent vers un rejet du capitalisme et recherchent une alternative. Ils se dégagent partiellement de l’emprise de l’idéologie bourgeoise qui pèse sur les consciences et limite l’horizon des mouvements d’émancipation au seul réformisme. Pour battre en brèche toutes les tentatives faites, à droite comme à gauche, pour consolider l’idéologie bourgeoise, l’idéologie des classes dominantes, il est indispensable de lire, diffuser et discuter largement la pensée et l’action de Marx et de Lénine. Non comme un catéchisme mais pour en extraire une compréhension nouvelle des défis d’hier et d’aujourd’hui.

Marx, par sa critique de l’économie politique a découvert la théorie de la valeur qui explique la dynamique et les crises du capitalisme. Il a aussi créé avec d’autres, la Ligue des communistes puis l’Association internationale des travailleurs et engagé le processus de mobilisation populaire pour rompre avec le capitalisme. Lénine a créé la notion de parti révolutionnaire de masse. Il a expérimenté avec succès la stratégie et les tactiques de conquête du pouvoir politique fondées sur la critique du réformisme, de l’opportunisme et, sur un autre plan, celle du gauchisme.

Avec un recul critique, les leçons léninistes restent des plus utiles pour s’orienter et construire les partis anticapitalistes d’aujourd’hui et de demain. Pour rompre avec le capitalisme, « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et ce petit livre de Lénine est indispensable pour comprendre les tactiques et stratégies politiques d’hier et imaginer celles aujourd’hui et de demain.

François Sabado est l’un des dirigeants historiques de la LCR (France). Membre de la IVe Internationale, il est un des fondateurs du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

Voir ci-dessus