Baisse de la TVA dans l'Horeca : à la bonne santé des arnaqués !
Par Guy Van Sinoy le Jeudi, 21 Juillet 2011 PDF Imprimer Envoyer

Devinette : dans votre bistrot préféré, au Mc Do du centre commercial ou dans le petit resto sympa dans les Ardennes, la TVA n’a cessé de baisser ces dernières années. Pourtant les prix, eux, n’ont pas baissé. Où est passée la différence : A. dans votre poche, mais vous n’avez rien remarqué ; B. dans le ventre du chat du patron ; C. dans la poche du patron ? 

En Belgique, dans le secteur Horeca, une TVA de 21% a été appliquée pendant des années sur les boissons et nourritures consommées sur place, et une TVA de 6% sur les consommations à emporter. Ainsi, au Mc Do et au Quick, quand à la caisse on vous demandait si c’était pour consommer sur place ou pour emporter, ce n’était pas seulement pour savoir s’il fallait un plateau ou un sachet pour emballer le hamburger et la boisson. C’était aussi pour savoir s’il fallait appliquer une TVA de 21% ou de 6%. « Mais le prix était pareil! », me direz-vous. Exact ! SI vous l’emportiez la marchandise, Mc Do ou Quick empochaient les 15% de TVA de différence…

A partir du 1er avril 2004 (ce n’est pas un poisson !), la TVA est passée de 21% à 6% sur les boissons non alcoolisées consommées sur place. Est-ce que vous avez vu le prix du café, du cola, des eaux gazeuses diminuer dans les bistrots ? Nenni m’fi ! Les prix sont restés pareils car les patrons de l’Horeca ont tout simplement empoché les 15% de TVA qui auraient normalement être déduits du prix des consommations sans alcool.

En 2010, à l’initiative de Didier Reynders, la TVA sur les repas consommés sur place est passée elle aussi de 21 à 12%. Ainsi, si vous commandiez une pizza avec un verre de vin rouge et un café, la TVA était de 12% sur la pizza, de 21% sur le verre de rouge et de 6% sur le café ! Bref, de quoi embrouiller les cartes et rendre le contrôle TVA plus complexe. Les plus naïfs espéraient que les prix allaient baisser dans les restaurants. Et même s’il en avait été ainsi, on ne voit vraiment pas pourquoi les couches les plus pauvres de la population, qui n’ont pas les moyens d’aller au restaurant, auraient dû financer indirectement les repas des clients des restos. Car, selon les estimations de l’époque, il était  prévu que la mesure coûte 156 millions d’euros aux caisses de l’Etat. Et, le budget de l’Etat n’étant pas élastique, il fallait combler cette mesure par de nouvelles rentrées fiscales. 

En noir ou en Black ?

Les patrons de l’Horeca avaient tout de suite avancé que les prix ne baisseraient pas, mais que cela permettrait de « créer 6.000 emplois » dans le secteur. En fait, si les prix ne baissaient pas, cela n’attirerait pas de nouveaux clients. Les patrons de l’Horeca voulaient seulement dire, de façon pudique, que 6.000 emplois en noir dans le secteur seraient désormais déclarés. Bref, un aveu que dans le secteur, un grand nombre de travailleurs n’étaient pas déclarés. A l’époque, Reynders avait même déclaré que « si la moitié des emplois annoncés étaient créés, il était prêt à faire passer la TVA à 6% sur les repas ». Une façon hypocrite de donner son absolution à 3.000 emplois non déclarés.

En mars 2011, la députée Ecolo Zoé Genot a interrogé la ministre de l’Emploi pour savoir combien d’emplois avaient été réellement « créés » avec cette mesure qui a coûté non pas 156 millions mais 212 millions d’euros. Réponse : 2.000 emplois. Mais en même temps l’Inspection du travail estime  que le travail en noir dans le secteur a augmenté (de 73.5% à 75%) !

Cerise sur le gâteau, en juin 2011, la fédération flamande de l’Horeca a décidé de saisir la Cour constitutionnelle contre l’obligation de caisses enregistreuses intelligentes équipées d’une boîte noire et d’une pointeuse qui enregistrent les transactions financières et les mouvements de personnel. Selon cette fédération, « certains restaurateurs sont obligés de faire une petite partie de noir pour maintenir une rentabilité ». C’est un nouvel aveu de fraude fiscale et sociale dans le secteur.

Car il ne faut pas perdre de vue que, dans une activité commerciale, toute recette en noir signifie automatiquement des dépenses en noir (achat de marchandises sans facture, personnel non déclaré). 

Les travailleurs de l’Horeca ne sont pas des sous-travailleurs. Comme tous les travailleurs, ils ont droit à une sécurité sociale, à des cotisations sociales pour leur pension, à une prime de fin d’année, à un pécule de vacances. Aussi, si vous allez de temps à autre au resto, n’oubliez pas de réclamer la souche TVA que le restaurateur est obligé de vous présenter spontanément. C’est un acte militant.

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