Grève chez les postiers en Province de Liège : Un vrai ras-le-bol qui explose !
Par Denis Horman le Mercredi, 25 Mai 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le mouvement de grève, parti du bureau d’Ans, le vendredi 13 mai, s’est très vite étendu à d’autres bureaux en province de Liège : Liège Rive gauche, Grivegnée, Chênée, Angleur, Seraing, Flémalle, Visé, Verviers… Le blocage par les grévistes du centre de tri d’Awans et des camions transporteurs du courrier provoque des perturbations jusqu’en province du Luxembourg. La grève continue. Une nouvelle rencontre avec la direction de Bpost (nouvelle appellation du secteur postal en Belgique) est prévue pour le jeudi 26 mai. Une direction qui, visiblement, table sur un « pourrissement » du mouvement.

Le détonateur

La grève est partie du bureau d’Ans. C’est dans ce bureau postal que la direction a voulu tester  la nouvelle méthode de tri du courrier. Une nouvelle organisation qui ne permet plus aux facteurs de vérifier le courrier trié mécaniquement avant de commencer leur tournée, et ce faute de temps. De plus, la machine est tombée plusieurs fois en panne. Ce tri automatique, qui peut aller jusqu’à absorber 30% du travail effectué par les facteurs, n’entraîne pas pour autant un allègement du temps et de la pénibilité du travail.

Au contraire, moins de temps au tri du courrier, c’est plus de temps sur les routes, par tous les temps, pour la distribution du courrier, et avec une compression de personnel. Une fois testée à Ans, cette nouvelle méthode de travail est prévue dans tous les bureaux postaux. D’où la solidarité dans la grève des postiers d’autres bureaux de poste.

Le charme musclé de la libéralisation du marché postal

Le déclanchement de la grève et son extension expriment un véritable ras-le-bol des postier-ère-s. Depuis le 1er janvier 2011, le marché postal en Belgique est complètement ouvert à la concurrence. Fin 2008, le gouvernement Leterme II  fixait les règles de cette libéralisation et, dans la foulée, les parlementaires votaient, le 18 novembre, le projet de loi. Pour les chantres de cette libéralisation totale, celle-ci devrait permettre un fonctionnement plus efficace du marché au bénéfice des travailleurs du secteur et des consommateurs, à travers des services moins chers et de meilleure qualité.

Balivernes ! Déjà à l’époque, c’est une toute autre réalité qui sautait aux yeux. La fermeture de bureaux de poste allait déjà bon train - plus de 600 dans le pays  depuis 2007 ! - remplacés partiellement par la création de « points postes » dans les grande surfaces et les commerces ! 30% des « boîtes rouges » étaient aussi supprimées. Conception assez particulière d’un meilleur service à la population, d’autant plus que les tarifs postaux n’ont fait qu’augmenter.

Quant au personnel du secteur postal, il subit lui aussi la saignée ! Fin des années 1980, la poste belge était encore le premier employeur du pays, avec plus de 50.000 agents. Aujourd’hui, on en compte encore à peine 30.000. Et le nouveau plan stratégique de Bpost 2011-2015 prévoit une nouvelle perte de 5.400 emplois. Certes, il n’y a pas de licenciement, mais il n’y a pas de remplacement des départs. Cela fait des années que la Poste n’a plus engagé de statutaires.

On a assisté à une arrivée importante de contractuels, les uns à durée déterminée, d’autres à durée indéterminée (CDI). En 2009, dans tout le pays, plusieurs milliers de contrats à durée déterminée, temps partiels et intérimaires, sont passé en CDI, mais avec une diminution de salaire allant jusqu’à 200 euros/mois et l’abandon de chèques repas pendant deux ans. Déjà qu’un facteur débutant arrive à peine à 1.150 euros nets/mois !

Automatisation, flexibilité, pénibilité, un plan « Géoroute » qui en est à sa 5e mouture pour pousser à toujours plus de productivité (plus de 30% ces dernières années !), tout cela avec un personnel en constante diminution et des salaires quasiment bloqués : faut pas chercher plus loin pour constater le ras-le-bol et les « explosions » fréquentes dans le secteur.

S’il y en a un qui se frotte les mains, c’est bien le fonds d’investissement privé, CVC Capital Partners, le plus important fonds de capital à risque européen, basé au Royaume Uni et qui détient 49,9% des parts dans Bpost, l’Etat belge en détenant encore 50,1%.

En 2010,  Bpost a réalisé un  bénéfice d’exploitation de 319,2 millions  d’euros (plus que les 240 millions de l’année précédente). L’Etat belge et CVC Capital Partners se partagent  quelque 216 millions de dividendes. Le personnel, lui, bénéficiera en quelque sorte d’une participation aux bénéfices plafonnée à seulement 5% du bénéfice global. 5% pour les quelque 30.000 portiers et 95% aux actionnaires, et cela grâce à une surexploitation du personnel de Bpost ! Ajoutons que la rémunération  de l’administrateur délégué de Bpost, Johnny Thijs a atteint 1,069 millions d’euros en 2010.

Une nouvelle convention collective pour Bpost

Des discussions sont en cours pour le renouvellement de la convention collective dans le secteur postal, une convention pour une durée de deux ans (2012-2014).

Du côté syndical, les revendications qui sont mises en avant portent sur une augmentation du pouvoir d’achat, sans précision et sous différentes formes (barémique ou sous forme de prime), une amélioration des conditions de travail, le départ en pré-retraite à 58 ans pour l’ensemble du personnel de Bpost et plus seulement pour les distributeurs du courrier (ce qui est le cas jusqu’à présent).

Le gouvernement fédéral, appuyé par le parlement, a limité à 0,3%, et en 2012 seulement, les augmentations salariales dans le secteur privé, décrétant ainsi de fait un blocage des salaires. Pendant ce temps, les grandes multinationales enregistrent des bénéfices plus que confortables et s’acquittent d’un impôt riquiqui. Nos « responsables » politiques sont bien décidés à appliquer également la rigueur et l’austérité dans les services publics et les entreprises publiques « autonomes ».

Le « Tous ensemble » ne peut en rester à un slogan dans les manifestations. C’est dans les luttes ensemble et les grèves qu’il pourrait prendre aujourd’hui tout son sens.

Voir ci-dessus