Chipoter à l’index ? “Céder un peu c’est concéder beaucoup”
Par Bruno De Wit le Lundi, 21 Février 2011 PDF Imprimer Envoyer

L’encre du pré-accord intreprofessionnel n’était pas encore sèche que les premiers coups menaçants étaient tirés en direction de l’indexation des salaires et des allocations. Comme si la tépépathie s’en était mêlée, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont plaidé début février au cours d’un sommet européen, pour la suppression des systèmes d’indexation qui existent dans “certains pays”. Au sein de l’UE, ces pays ne sont que trois: la Belgique, le Grand Duché de Luxembourg et Chypre.

Le préaccord interprofessionnel qui a été défendu avec beaucoup de verve par les dirigeants de la CSC et de la FGTB prévoyait qu’une étude sur le mécanisme de l’indexation serait confiée au Conseil central de l’économie. Cette intention menaçante n’a pas empêché certains dirigeants syndicaux de raconter à leurs troupes que l’AIP “ne touchait pas à l’index”.

Le soutien ouvert de Sarkozy et de Merkel à une attaque contre l’index a été poliment écarté par le premier ministre en affaires courantes, Yves Leterme. Pourquoi? Parce que Leterme veut défendre l’index? Non, parce qu’une telle ingérence dans les affaires intérieures risquait de toute évidence de jeter de l’huile sur le feu, surtout dans un contexte où FGTB et CGSLB venaient de rejeter l’AIP.

Après Merkel et Sarkozy vint le tour de Guy Quaden. Dans le rapport annuel de la Banque Nationale, Quaden plaide pour des adaptations au mécènisme d’indexation. Pas question de le supprimer, dit-il faussement rassurant, mais bien de le repenser, de le redessiner, etc.

Pour Quaden, l’indexation entraîne la hausse des prix, l’inflation. C’est évidemment le contraire: c’est la hausse des prix qui entraîne l’indexation. L’adaptation des salaires retarde d’ailleurs sur la hausse du coût de la vie. Elle est imparfaite aussi, vu que l’index est lissé sur plusieurs mois et que certains produits en ont été retirés.

Chez les patrons flamands du VOKA dont De Wever reconnaît qu’ils sont son employeur, on tient un langage beaucoup plus militant. Selon eux, la déclaration de la Banque Nationale est claire et les syndicats “refusent de se rendre à l’évidence”. Avec le VOKA, les syndicats ne peuvent en tout cas pas se tromper d’adversaire. Luc Cortebeeck (CSC) et Rudy De Leeuw (FGTB) qui siègent tous deux au conseil de régence de la Banque Nationale ont refusé de signer le dernier rapport de celle-ci..

Toucher à l’index constitue une déclaration de guerre en règle contre le mouvement ouvrier. Outre qu’il s’agit d’une atteinte au niveau de vie du monde du travail, une attaque contre l’index représente aussi une menace sur la liberté de négociation des syndicats dans les secteurs. En effet, la liaison à l’index n’est pas ancrée dans la loi mais réglée via les conventions collectives.

Un âne ne butte jamais deux fois sur la même pierre, dit-on. Les dirigeants des deux organisations syndicales l’ont-ils compris? Ils semblent en tout cas vouloir limiter la casse de la période écoulée.

Dans le communiqué de presse de la FGTB du 16 février, Rudy De Leeuw dit à juste titre qu’il ne pouvait pas approuver le rapport de la Banque Nationale et que toute réforme du système d’indexation est pour lui inacceptable.

De Leeuw dénonce également le raisonnement purement monétariste de la Banque, pour qui les priorités sont celles de la Banque Centrale Européenne: stabilité des prix, discipline budgétaire et modération salariale. Pour la Banque Nationale, tels sont les concepts clés qui doivent être respectés depuis que les critères de Maastricht sont d’application. L’alternative, pour De Leeuw, résiderait dans une coordination des politiques économiques. Au sein de ce cadre monétariste? Une planification sociale et écologique durable nous semblerait plus indiquée...

Merkel veut imposer le modèle allemand au sein de l’UE, avec des procédures nouvelles pour l’élaboration de politiques budgétaires restrictives et une modération salariale, dit De Leeuw. C’est exact mais, encore une fois, ceci est dans le droit fil des normes de Maastricht, des accords de Lisbonne et tutti quanti… Bref, dans la ligne de cette Union Européenne que les “amis politiques socialistes” ont portée sur les fonds baptismaux.

La Banque nationale plaide pour une politique d’austérité sévère dans le but de diminuer la dette publique. Son rapport a été immédiatement soutenu par les économistes néolibéraux tels que Eric De Keuleneer, par exemple, de la Solvay Business School, qui plaide pour un “autre financement de la sécurité sociale”. Va-t-on voir resurgir le spectre de la Cotisation Sociale Généralisée, comme financement alternatif?

Les dirigeants syndicaux pensaient avoir maintenu l’index à l’abri de l’offensive d’austérité. De fait, le gouvernement en affaires courantes a retiré l’étude sur l’index de sa version remaniée de l’AIP. Mais cela semble une victoire à la Pyrrhus, tant les patrons sont agressifs et offensifs. Sortie par la porte de l’AIP, voilà que l’attaque contre l’index rentre par la fenêtre de la Banque nationale... à l’initiative du gouverneur de celle-ci, qui est étiqueté PS et proche d’Elio Di Rupo.

Les travailleurs ne peuvent se fier qu’à leur lutte. Ils doivent dire avec beaucoup de détermination qu’ils réagiront vigoureusement à toute attaque contre l’index. Mais attention: dans la division, come c’est le cas maintenant sur la question de l’AIP, le monde de du travail ne peut pas gagner, même pas maintenir un acquis tel que l’index!

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