Non à l'entrée en bourse de La Poste. Qui perd? Qui gagne?
Par GERFA le Lundi, 19 Avril 2010 PDF Imprimer Envoyer

Il faut croire que la dernière crise économique et financière n’a vraiment rien appris aux dirigeants puisque La Poste continue ses démarches pour une éventuelle entrée en bourse! Notons que La Poste est globalement valorisée à 1,5 milliard, soit un peu plus de 60 milliards de francs belges, moitié pour l’Etat et moitié pour l’actionnaire privé, le fonds d’investissement CVC.

Notons que cette valeur est une valeur comptable et financière et ne prend pas en compte le rôle de La Poste dans la société en tant que prestataire de services et en tant qu’employeur. La valeur de la Poste est impossible à calculer. Elle s’inscrit dans le noyau dur du service public et contribue d’ailleurs à la stabilisation de l’économie. Il est en effet important qu’à côté des sociétés privées et commerciales,  subsiste un socle de services publics qui doivent jouer le rôle de stabilisation au moment des grandes crises économiques.

Le « tout au marché » est donc dangereux et d’autant plus dangereux quand il concerne l’ensemble de l’économie et qu’aucun amortisseur ne subsiste. L’entrée en bourse fait donc fi de la valeur réelle de La Poste, qui repose sur ses travailleurs, son activité de service public, les subsides de la collectivité,  au profit d’une valeur purement comptable et de marché.

Par ailleurs, même au prix de 1,5 milliard d’euros, l’entrée en bourse constitue un véritable marché de dupes. Car, si pour l’Etat, qui est actionnaire à 50%, rien ne change vraiment, par contre, l’actionnaire privé va pouvoir profiter de l’entrée en bourse pour vendre ses actions, vraisemblablement une première tranche en 2010 ou 2011 et une deuxième tranche en 2012. Le fonds CVC encaissera donc au minimum 750 millions d’euros et peut-être le double si l’action est introduite à un prix supérieur à sa valeur comptable, ce qui est possible compte tenu du fait que La Poste est connue du public, qu’elle constitue un placement de bon père de famille et qu’elle est considérée comme sûre. Bref, l’image de La Poste facilitera son entrée en bourse.

Il est donc assez probable que les actions vont valoir le double, ce qui permettrait au fonds CVC d’empocher 1,5 milliard d’euros pour une mise initiale de 150 millions d’euros en 2006 pour 25% des actions et une mise complémentaire de 375 millions d’euros en 2009 pour une deuxième tranche de 25% (1), soit en tout 525 millions d’euros, ce qui produit un  ratio de 3 en 5 ans (2) ! Comme rentabilité, c’est époustouflant!

Quand le fonds CVC aura réalisé sa  plus-value  sur le compte des souscripteurs, le capital  flottant (free float) de La Poste s’élèvera à 50% qui sera partagé entre les particuliers (pour une part réduite) et les nouveaux fonds d’investissement qui, à leur tour, réclameront un retour sur investissement et donc une réduction du service public « non productif » et la vente d’actifs dits non rentables.

A court terme, l’Etat pourra profiter de l’opération en voyant la valeur de ses actions augmenter mais cela restera temporaire, le temps qu’il faudra pour que les nouveaux investisseurs pompent les restes de la valeur  en exigeant le versement de dividendes de plus en plus élevés, donc en faisant réaliser des actifs et en diminuant les fonds propres.

Au terme de l’évolution, La Poste perdra de sa valeur et l’Etat devra la recapitaliser sous peine de faillite ou de revente dans de mauvaises conditions au plus offrant! Ce sera une nouvelle saga FORTIS!

L’entrée en bourse de La Poste est donc une très mauvaise idée sur le plan tant du service public que de la stabilité de l’économie, qui a besoin d’amortisseurs non soumis aux marchés financiers.

Alors que l’Etat et les décideurs publics se sont déjà brulé les ailes en bradant la C.G.E.R. ou le Crédit communal, ils remettent le couvert dans une nouvelle opération qui est vouée à un échec certain et qui ne bénéficiera à terme qu’aux fonds d’investissement prédateurs.

Le GERFA s’oppose donc fermement à l’entrée en bourse de La Poste et ne voit pas la plus-value que le service public, l’usager ou l’Etat peuvent en retirer.

Au contraire, La Poste doit rester un service public à part entière sur lequel l’autorité du pouvoir public doit s’exercer en prenant en compte l’ensemble des paramètres comme l’emploi, le service public ou encore le rôle de stabilisateur.

Il serait particulièrement grave qu’après la liquidation de la valeur de la C.G.E.R. et du Crédit communal par des apprentis sorciers et des gestionnaires incompétents, une nouvelle bévue soit commise.

Le Bureau du GERFA (Groupe d’étude et de réforme de la fonction administrative)

Publié dans « Diagnostic » n°277, avril 2010

http://www.gerfa.be/

(1) Ce montant correspond au rachat par CVC de la part de la Poste danoise (25%) qui, elle aussi, a fait une confortable plus-value de 225 millions d’euros.

(2) A ce montant, il faut évidemment ajouter les dividendes.

Voir ci-dessus