Modrikamen… Un parti si peu populaire
Par Thierry Pierret le Mercredi, 27 Janvier 2010 PDF Imprimer Envoyer

Un nouveau parti a vu le jour à la fin du mois de novembre. Le Parti populaire (PP) prétend vouloir donner un grand coup de pied dans la fourmilière de la politique traditionnelle. En réalité, il se positionne résolument à droite et ses propositions sont autant de déclarations de guerre aux salariés, aux allocataires sociaux ainsi qu’aux agents et usagers de la fonction publique.

Le fondateur du PP, Michaël Modrikamen, incarne le programme à lui tout seul. Modrikamen a été l’avocat d’actionnaires de Fortis après la déroute financière de ce holding qui a obligé l’Etat belge à intervenir pour le renflouer à coups de milliards d’argent public avant de le revendre à BNP-Paribas. Les actionnaires de Fortis y trouvaient largement leur compte, car ils ont été sauvés de la débâcle totale par l’Etat qui leur a garanti un prix minimum pour leurs actions. Mais les plus gourmands d’entre eux n’ont pas accepté de voir leurs plantureux bénéfices d’antan fondre comme neige au soleil. Ils ont exigé que l’Etat leur paye un prix supérieur pour leurs actions avec l’argent des contribuables. Ils ont trouvé en Modrikamen leur avocat et leur héraut.

Un programme populiste de droite

Modrikamen a donc croisé le fer avec un gouvernement bourgeois qui, prétendument en défense de l’intérêt général, s’efforçait en fait de protéger les capitalistes de leur propre voracité. L’avocat des nantis a acquis un profil anti-establishment grâce à son "duel" médiatisé avec Yves Leterme et Didier Reynders. La démarche de Modrikamen fait écho celle de Jean-Marie Dedecker et de Bart De Wever en Flandre. Ils ont acquis leur profil anti-establishment en rompant bruyamment avec la politique traditionnelle. Mais leur programme, comme celui du PP, n’est qu’un ramassis de propositions néolibérales et sécuritaires qui vont de la baisse drastique des impôts et du nombre des fonctionnaires à la suppression des allocations de chômage dans le temps en passant par la stigmatisation à outrance des populations d’origine immigrée et une approche purement répressive de la criminalité. Ce sont les ingrédients du populisme de droite. Modrikamen fait flèche de tout bois dans son apologie du capitalisme, quitte à nier la réalité du changement climatique.

Dans une interview (1), il déclare à propos des réunions sur le changement climatique que "Le véritable problème est que l’on sent poindre derrière toutes ces réunions un discours terriblement anticapitaliste". Plus loin, il ajoute sur le même thème : "Je crains qu’on ne soit en train d’organiser la désertification économique de l’Europe par des craintes qui sont en partie infondées ou en tout cas des suppositions". Comme si la désertification économique de l’Europe n’avait pas lieu depuis longtemps! Elle est le fait des capitalistes qui, confrontés à des taux de profits de plus en plus bas, ont tenté de les restaurer en délocalisant des unités de production entières dans les pays à bas salaires ou en fermant carrément des unités de production pour investir leurs capitaux dans la spéculation tellement plus lucrative. Avec les conséquences pour l’économie mondiale que l’on connaît aujourd’hui…

Vers un grand parti de la droite francophone ?

Modrikamen ne cache pas son ambition de créer une large formation de droite qui engloberait le MR et la droite du CDH afin de pouvoir gouverner sans le PS. Mais la majorité de la bourgeoisie n’est pas prête aujourd’hui à appliquer la thérapie de choc d’un Modrikamen. Elle préfère s’appuyer sur la concertation sociale pour restaurer son taux de profit. Or la politique d’un Modrikamen implique d’en finir avec celle-ci et de rompre avec la bureaucratie syndicale qui ne pourrait plus, voire ne voudrait plus, empêcher les travailleurs de se lancer dans une confrontation de grande ampleur à l’issue imprévisible. Mais si la crise du capitalisme devait s’approfondir, par exemple suite à une réplique encore plus dévastatrice de la récente crise, des pans entiers de la bourgeoisie pourraient opter pour la confrontation faute de marge disponible pour la concertation.

En attendant, un sondage Ipsos (2) a crédité le PP de 3,1% en Wallonie et de 3,5% à Bruxelles. Si ce frémissement devait s’amplifier et se confirmer aux prochaines élections, cela n’exprimerait pas une droitisation de la société, encore moins une adhésion au capitalisme. Mais faute d’alternative crédible de la gauche politique et syndicale, il y aura toujours un espace pour le populisme de droite.

(1) La Libre Belgique du 18/12/2009

(2) La Libre Belgique du 21/12/2009

Voir ci-dessus