CMI (Seraing) : bilan de 22 jours de grève pour l’emploi
Par Denis Horman le Jeudi, 26 Novembre 2009 PDF Imprimer Envoyer

L’entreprise CMI à Seraing (Cockerill Maintenance et Ingéniérie ) est, depuis 2002, détenue par deux actionnaires majoritaires (80% des actions) provenant des staffs directionnels de Usinor-Arcelor et de Cockerill-Sambre. Les cadres de l’entreprise et la Région wallonne se partagent le reste des actions. Deux anciens permanents syndicaux, Jean Potier (FGTB) et Louis Smal (CSC) siègent aux Conseil d’Administration de l’usine. Chez les ouvriers, la FGTB est majoritaire à 80%.

En croissance continue depuis 2002, le groupe CMI, avec ses 3600 collaborateurs à travers le monde, est implanté non seulement en Europe, mais aussi dans la zone BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Fin 2008, il déclarait un bénéfice net de 80 millions d’euros.

L’usine de Seraing s’est axée sur la maintenance (entretien de laminoirs, Hauts-Fourneaux, centrales nucléaires…) et la recherche.

La lutte pour l’emploi

Le 29 octobre dernier, la direction de CMI fait savoir au Conseil d’entreprise qu’elle décide de se séparer de 55 ouvriers de la division Maintenance, leur proposant une « délocalisation » vers la France (Provence, Vallée du Rhône, de la Loire…) ou une réaffectation ailleurs dans la région, sans précision.

A l’assemblée générale des ouvriers, les délégations syndicales en front commun décrètent une grève à durée indéterminée, refusant le fait accompli et mettant en avant une revendication : la prépension à 56 ans et 40 ans de carrière (mesure prévue jusque fin 2009).

« C’est vrai que cette proposition est une des solutions pour empêcher cette « délocalisation », constate Frans Maggio, un des ouvriers de longue date dans l’entreprise. « Sur les quelque 350 ouvriers qui restent à l’usine, 80 ont dépassé l’âge de 55ans. Il faut savoir que nous étions encore 1300, il y a une vingtaine d’années d’ici. Alors, pendant la grève, nous sommes intervenus à plusieurs, y compris au moyen de tracts, pour dire : « stop aux pertes d’emplois, pas de délocalisation de travailleurs ». Nous avons mis l’accent sur la réduction du temps de travail à 32 heures sans perte de salaire, sur l’exigence d’investissements ici pour le développement de nouveaux produits et favorables à l’environnement. Sans oublier l’emploi des jeunes, l’ouverture de l’embauche en remplacement de ceux qui partent en prépension ».

Le coup de bambou des astreintes

La première semaine de grève, la consigne syndicale aux ouvriers fut : « restez chez vous ».

Début de la 2ème semaine, durcissement de la grève : blocage de l’entreprise aux employés et cadres. La réaction patronale n’a pas tardé. S’appuyant sur une pétition signée par 34 employés et cadres demandant le droit au travail, la direction convoquait un huissier de justice qui allait imposer aux organisations syndicales une astreinte (amende) de 500 euros par jour et pour chaque employé et cadre empêché de travailler.

« Alors, la peur s’est installée, relate Frans Maggio. « Il aurait fallu au moins un débat et une décision collective devant cette situation. On aurait du placer les délégations SETCa et CNE devant leurs responsabilités. Il y a quand même une forte syndicalisation chez les employés. Et puis il y va de la préservation du droit de grève et ça concerne l’ensemble des travailleurs ».

A ce propos, on peut saluer l’exemple de la FN à Herstal où les ouvriers faisaient grève en même temps que ceux de CMI, là, pour les salaires. Là, les employés et cadres ont marqué en quelque sorte leur solidarité en ne venant pas travailler et en exigeant que la direction paie leurs journées de travail.

« A CMI, constate Frans Maggio, les délégations ont bien veillé à contrôler le mouvement en le confinant à une présence ( des piquets) devant l’usine, avec l’occupation ponctuelle et limitée de lieux de circulation à Seraing. Pendant ce temps, il y eu certainement des tractations discrètes « au sommet » entre les syndicats et la direction. Il y eu aussi deux lettres envoyées par la direction de CMI à chaque ouvrier, à leur domicile. Lettres dans lesquelles, elle laissait entendre que les délégations syndicales n’avait pas bien expliqué la portée des propositions patronales ».

Un projet d’accord cadre à négocier !

Le mardi 24 novembre : assemblée des ouvriers. Les délégués présentent oralement (il n’y a pas de texte distribué aux grévistes) un projet d’accord cadre qui devra encore faire l’objet de négociations.

« Nous allons mettre en place avec la direction un calendrier de négociation pour la quarantaine de travailleurs concernés, au cas par cas », a expliqué le délégué principal FGTB, Serge Furnémont.

Mais tout sera négocié dans le cadre du double volontariat, avec l’accord de la direction et des ouvriers concernés. Ainsi, les 40 ouvriers de la maintenance ne seront pas transférés en France, sauf ceux qui le souhaitent. Les ouvriers qui souhaitent s’en aller recevront une prime de départ. La prépension , à partir de 56 ans et 40 ans de carrière, sera mise en place. « Cela veut dire, précise le délégué de la CSC, Francis Lukowski, que des emplois pourraient se libérer ailleurs au sein de l’entreprise pour les travailleurs dont le travail est menacé ».

« Grâce à la grève, reconnaît Frans Maggio, ouvrier à CMI et qui milite dans le Parti "Riposte", les travailleurs de CMI ont gagné une bataille. La grève est suspendue. La lutte doit continuer pour la concrétisation de cet accord-cadre et surtout pour le maintien de l’emploi sur place, pour l’ouverture de l’embauche aux jeunes ».

Voir ci-dessus