TECTEO Liège: Une attaque en règle contre les travailleurs du secteur public
Par Denis Horman le Jeudi, 17 Septembre 2009 PDF Imprimer Envoyer

L’intercommunale TECTEO regroupe aujourd’hui l’ancienne Association liégeoise d’électricité (ALE) et d’autres intercommunales en Wallonie. L’entreprise emploie près de 2000 travailleurs répartis sur 4 pôles dont les deux principaux sont RESA, le gestionnaire de réseau de distribution d’électricité dans 55 communes (en fait l’ex-ALE) et VOO, le fournisseur d’accès multimédia (internet, téléphonie, télédistribution…) qui compte 1,2 million de « clients ».

Les actionnaires de TECTEO sont la Province de Liège (70%) et les communes pour le reste. Le conseil d’administration de l’intercommunale est donc composé de mandataires publics du Parti socialiste essentiellement, mais également des trois autres partis (MR, CDH, Ecolo). Le président de TECTEO, André Gilles, député provincial, et le directeur général, Stéphane Moreau, bourgmestre faisant fonction d’Ans, sont des multi-mandataires du PS. Stéphane Moreau a 28 mandats dont 10 sont rémunérés.

Un plan d’économies de 22 millions d’euros

Dans le réseau de distribution d’électricité, le chiffre d’affaire et les bénéfices ont chuté en 2008. La ristourne annuelle de TECTEO aux communes a diminué de moitié, passant de 26 millions d’euros à 13 millions, un coup dur pour les finances communales.

« Auparavant, la distribution et la vente d’électricité étaient concentrées dans le même secteur, l’ex-ALE », précise Jean-Marie Kaddes, délégué principal de la CSC, services publis-Tecteo-Groupe. « Aujourd’hui, l’ex-ALE s’occupe seulement de la distribution de l’électricité, la branche qui rapporte le moins, mais qui reste un service indispensable à la population ».

Alors, pour récupérer au minimum 13 millions d’euros pour les communes, la direction de TECTEO a placé le secteur distribution dans le collimateur.

Elle a d’abord commandé un audit au bureau McKinsay, bien connu des travailleurs de la sidérurgie et ailleurs, pour ses recommandations musclées. En juin dernier, sortait le rapport, prônant une économie annuelle de 20 millions d’euros et le dégagement de 229 travailleurs « excédentaires » sur les quelque 950 agents du secteur distribution d’électricité.

Le rapport soulignait toutefois que 18 à 19 millions pourraient être récupérés grâce à une bonne gestion de l’intercommunale et un financement adéquat de celle-ci. Le rapport laissait même entendre, selon Jean-Marie Kaddes, que les travailleurs étaient productifs. Par contre le management marquait pas mal de déficiences.

Qu’à cela ne tienne ! La direction socialiste de l’entreprise veut aller plus loin encore dans les coupes sombres, en marquant sa volonté de récupérer 4,4 millions d’euros sur les acquis sociaux des travailleurs de l’ex-ALE.

Dans la foulée du rapport Mac Kinsay, la direction de TECTEO impose alors aux organisations syndicales un texte repris sous le vocable de « règlement de travail ». C’est une remise en cause totale du statut ALE-Télédis pour les 950 agents en place, un outil pour imposr les rationalisations et les économies sur le dos du personnel. Suite aux actions syndicales, la direction accepte finalement, début juillet, de négocier avec le front commun syndical de Tecteo. Elle lâche un peu du lest sur quelques points et un préaccord est signé par les syndicats. Toutefois, il est prévu dans le préaccord que les travailleurs pourront donner leur avis par un vote consultatif !

Le 11 août, les assemblées de la CSC et du SLFP (syndicat libéral) refusent à l’unanimité le règlement de travail. Ce qui force la délégation CGSP à rejeter à son tour ce règlement, avant la tenue d’une assemblée de ses affiliés. Malgré le rejet des trois organisations syndicales, le 13 août, le Conseil d’administration, à l’unanimité (PS, MR, CDH, Ecolo) approuve le règlement de travail.

Une attaque en règle contre les travailleurs et leur statut d’agents d’un service public

Ce règlement de travail est une attaque en règle du statut des agents de service public, avec des coups très durs portés au pouvoir d’achat et à la sécurité d’emploi des travailleurs de l’intercommunale.

Passage de 36H à 38h (payées 36h), soit une économie estimée à 2,8 millions d’euros ; suppression ou diminution de différents sortes de primes (prime participative, prime barémique, prime de mobilité, prime du 3ème âge pour les agents pensionnés, etc (économie estimée à 1,4 million d’euros) ; prépension à 58 ans supprimée dès 2010 ; le 13ème mois conditionné au résultat d’une évaluation.

L’introduction de nouveaux systèmes d’évaluation ouvre la possibilité pour la direction de licencier tout travailleur, y compris les statutaires nommés, si ceux-ci reçoivent deux évaluations insuffisantes. Et cela sans tenir compte de l’ancienneté de l’agent ni de sa carrière. De plus, aucun recours externe n’est inscrit dans le règlement à propos de ces évaluations. C’est donc l’ouverture à l’arbitraire ; l’incertitude sur le sort réservé aux 229 travailleurs « excédentaires» ; fermeture quasiment décrétée de deux centres d’exploitation : Sprimont et Vinalmont.

Sur le plan salarial, les différentes mesures imposées par la direction vont entraîner une perte de plus ou moins 1200 euros par an et par agent, sans compter les 12 jours de travail non rémunérés (passage de 36h à 38, payées 36h).

Le banc d’essai à TECTEO

« Si ces mesures sans précédent passent pour le secteur de la distribution d’électricité (ex-ALE), il ne fait aucun doute qu’elles s’appliqueront par la suite aux autres agents de TECTEO, aux autres intercommunales, et pourquoi pas à ce qui nous reste de services publics » tient à préciser Jean-Marie Quaddes. On en a déjà un aperçu depuis quelques temps déjà à la Pose, avec le fameux plan Georoute. Et puis, quel précieux signal de la part de « responsables » socialistes pour des patrons du privé qui veulent en découdre avec les travailleurs !

Le 31 août dernier, les trois organisations syndicales de TECTEO, en front commun (CGSP-ADMI, CSC-SP et SLFP), adressaient une lettre au Directeur général de l’intercommunale, Stéphane Moreau. Cette lettre rappelait le rejet unanime du règlement de travail et exigeait la réouverture des négociations sur le plan d’économies imposé au personnel. Elle précisait :« sans réouverture des négociations, le personnel réuni en assemblée à partir du 1er septembre décidera d’actions prenant effet dès ce jour et ce à durée illimitée ».

Il faut bien constater que la mobilisation syndicale n’est pas à la hauteur de l’enjeu de ce conflit. La direction socialiste de l’intercommunale a les coudées franches (pour combien de temps encore !), soutenue par le Conseil d’administration (PS, MR, CDH, ECOLO) et l’aval tacite du PS. Elle n’hésite pas à jouer l’intimidation sur les affiliés de la CGSP. Le front commun syndical est lézardé : la CGSP-ADMI se contentant jusqu’à présent d’actions « symboliques », tandis que la CSC-SP-Tecteo, plus libre de ses mouvements par rapport au « politique », a mis en place un plan d’actions de grève reconductible.

La CSC-SP (accompagnée également d’affiliés de la CGSP) a entamé des actions de sensibilisation auprès des communes affiliées à TECTEO. « Ce n’est facile », constate Jean-Marie Kaddes ; « les communes voient leur ristourne annuelle de TECTEO diminuer de façon drastique. Et de là à accepter que ce soient les travailleurs de l’entreprise qui paient cash de nouvelles rentrées financières… ! »

Austérité budgétaire, coupes sombres dans les dépenses publiques, au niveau fédéral, régional, communal… « On épargnerait ceux qui ont été responsables de la crise et on ferait payer les gens ? Je suis clair, déclarait dernièrement dans un grand quotidien francophone, le président du PS, Elio Di Ruppo : « avec moi, c’est non ! On ne va pas me faire chanter Ramona deux fois ». Les agents de TECTEO attendent la concrétisation de ces propos musclés.

Ils attendent aussi, avant tout, la solidarité dans l’action des travailleurs/euses des autres intercommunales, des Services publics, des usagers. « Les pertes d’emploi avec les démantèlement du secteur de distribution de l’électricité à TECTEO vont à coup sûr affecter la qualité du service rendu aux usagers », souligne Jean-Marie Kaddes. « Et ce n’est certainement pas la décision du Conseil d’administration de créer une filiale opérationnelle énergie avec la mise en œuvre de partenariats publics/privés qui va arranger les choses ».

La direction socialiste de TECTEO, avec l’aval du Conseil d’Administration, a fait le forcing : le règlement de travail, fer de lance pour les rationalisations et économies sur le dos du personnel est entré en vigueur le 7 septembre 2009.

Sur le terrain, ce coup de force n’est pas pour autant entériné : la mobilisation continue ; un recours à la Tutelle de l’Intercommunale (Région wallonne –voir à Région flamande pour les travailleurs des Fourons-) et au Conseil d’Etat est prévu.

Contre cette attaque en règle contre les travailleurs et leur statut de service public, la LCR marque son entière solidarité avec les travailleurs de TECTEO

Voir ci-dessus