Stop Arming Israël !
Par Dominique Waroquiez le Mercredi, 12 Août 2009 PDF Imprimer Envoyer

Le commerce d’armes en Belgique est depuis plusieurs années une matière régionale qui implique une concertation avec le fédéral et, de plus, une concertation européenne. Après les récentes élections européennes et régionales, il est donc primordial de mettre en avant la question : allons-nous continuer sur la voie du « business as usual » en matière de commerce, de recherche et de coopération militaire avec Israël?

Depuis l’attaque de Gaza, la conscience s’est amplifiée de ce que l’armée d’Israël, largement renforcée par les USA, pouvait faire pour écraser la résistance palestinienne tout en devenant un « partenaire privilégié » de l’Union Européenne (1).

Dans plusieurs pays, des groupes militants et de larges coalitions se sont organisés pour répondre à l’Appel Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) et contrecarrer les politiques gouvernementales de soutien à Israël. En Grèce, important lieu de transit européen vers Israël (avec les Pays-Bas), une mobilisation a empêché le transit vers Israël d’un bateau chargé de containers de munitions en partance des USA une semaine avant l’attaque de Gaza (2). Au Royaume-Uni, la coalition Stop Arming Israël, mène campagne depuis plusieurs années pour un embargo sur le commerce d’armes avec Israël. La Suède, pourtant gros exportateur d’armes à l’échelle européenne (6ème place), refuse d’exporter vers Israël par crainte de ses opinions publiques et par volonté politique (3). Au Bourget, où Israël faisait la promotion de son « savoir- faire » militaire, une action militante a cassé le charme (en pleine visite de Sarkozy!).

Toujours selon le GRIP, Israël se situait en 2006 à la cinquième place mondiale des exportateurs d’armements (64 milliards de dollars de chiffre d’affaires et quatre sociétés situées dans le classement des 100 plus importantes sociétés d’armement à l’échelle mondiale). Mais en plus de disposer de sa propre industrie d’armement (IAI, Rafael, Elbit…), de l’arme nucléaire et d’un « centre de recherche biologique » à Nes Ziona dans la banlieue de Tel-Aviv, Israël importe de grandes quantités d’armes (sixième place au niveau mondial pour les importations d’armes conventionnelles). Les USA représentent 94% des exportations d’armes vers Israël, mais d’autres contrées exportent aussi vers Israël dont plusieurs pays européens. Parmi ces derniers, la Belgique, est en quatrième position (d’après la valeur des licences d’exportation accordées sur la période 2003-2007), derrière la France (longtemps premier fournisseur d’Israël à l’échelle mondiale), l’Allemagne, et le Royaume-Uni.

Belgique

Entre 2003 et 2007, la Belgique aurait octroyé pour environ 23 millions d’euros de licences à Israël (14,2 millions d’euros pour l’année 2005 et 5,4 millions d’euros en 2007).

Les rapports régionaux obligatoires sont rédigés après coup et insuffisants (notamment pour la Région Wallonne qui ne précise ni le type d’armes concerné ni la destination des exportations ni les noms des firmes et sont donc trop opaques) mais au niveau régional, Israël aurait surtout profité en 2007 de licences octroyées par la Région de Bruxelles Capitale (99,9% des licences d’exportations de la Région vers le Moyen-Orient et 66,5 % du total national en termes de licences vers Israël), la RBC n’ayant par ailleurs refusé aucune licence à Israël, contrairement aux autres régions.

Suite à une carte blanche du MIR-IRG et de Vredeactie, publiée le 15 janvier par le journal Le Soir, Rudy Demotte interrogé notamment sur le rôle de l’aéroport de Liège-Bierset comme plaque tournante du transit d’armes vers et en provenance d’Israël a déclaré le 28 janvier en séance publique de commission au parlement wallon, que le gouvernement wallon n’avait pas du se prononcer depuis deux ans sur une demande de transit. Le rapport du gouvernement wallon pour 2007 signale quant à lui que 49 licences de transit (plus de 9 millions d’euros) ont été octroyées pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et qu’aucune n’avait été refusée en 2007 et que l’augmentation remarquable des licences de transit accordées en 2007 par la Région Wallonne était principalement due à l’activité économique d’une entreprise wallonne, principal centre de distribution d’une entreprise américaine pour le marché européen.

Le 7 février, le Grip a indiqué dans une note d’analyse que plusieurs critères du Code de conduite européen (devenu contraignant le 8 décembre 2008) étaient clairement violés alors que les pays européens continuaient à exporter du matériel de défense vers Israël, « sans compter les exportations dans le cadre de la coopération à des programmes spatiaux et ou les armes et technologies militaires fournies par les filiales des sociétés européennes établies à l’étranger et pour lesquelles il ne faut pas de licences ».

Deux jours plus tard, le Ministre Karel De Gucht, responsable fédéral de la loi sur l’exportation et le transit des armes (qui reprend entre autres les huit critères du Code de conduite européen ) a annoncé, par communiqué de presse, qu’il avait été convenu avec les trois régions fédérées « de ne procurer aucune licence d’exportation d’armes qui renforcerait la capacité militaire des forces en présence » et il a insisté sur « la nécessité de la plus haute vigilance dans l’octroi des licences vers Israël et les territoires occupés » (ce qui n’est pas une décision formelle d’embargo). Il a ajouté vouloir s’entretenir avec ses partenaires dans le groupe COARM (le Conseil des Ministres de l’Union Européenne sur l’armement) (4).

Zones d’ombre

Le 29 mai 2008, à l’occasion de la semaine d’action sur les armes légères, Amnesty International a encore rappelé les problèmes que rencontraient les autorités douanières pour contrôler les milliers de conteneurs transitant chaque année dans les ports d’Anvers et de Zeebrugge ou par les aéroports de Zaventem et de Bierset, ce qui soulevait nombre de questions sur le contrôle effectif de l’importation, de l’exportation et du transit des armes sur notre territoire.

En dehors des transports de passagers, l’aéroport de Bierset (géré par la SAB, société dirigée par Luc Partoune et présidée par José Happart) est important surtout pour le transport de frêt et les activités aériennes nocturnes (de TNT et de la société israélienne Cargo Air Lines –CAL- qui est spécialisée dans le transport et la manutention de produits toxiques et dangereux, et qui gère le transport des fleurs et autres produits de la société israélienne Agrexco complice de l’apartheid imposé au peuple palestinien). Il est donc normal que les stocks présents à l’aéroport et le frêt des avions CAL, El Al et autres qui transitent ou font le plein de kérosène puissent être contrôlés et qu’il y ait moins d’opacité à leur sujet …

Pour rappel, la zone aéroportuaire de Liège, où on observerait aussi des avions militaires, a pris de l’ampleur surtout après le renforcement des normes de sécurité dans d’autres aéroports notamment à Schiphol (Amsterdam) après la catastrophe aérienne de Bijlmeer en 1992 : un avion cargo de El Al en provenance des USA et en direction de Tel-Aviv s’était écrasé la nuit du 4 octobre sur un immeuble à appartements provoquant un terrible incendie faisant sur le coup 39 morts en plus des 4 membres de l’équipage. Si au départ, la cargaison avait été présentée comme constituée surtout de fleurs et de parfums, il s’est avéré par la suite, après une très longue et difficile enquête que de l’uranium appauvri était présent dans le Boeing et que sa cargaison comportait entre autres des matières premières pour la fabrication de gaz sarin….

Boycott académique et universitaire!

La recherche en matière d’armement et de « technologies y afférentes » ne s’arrête pas aux portes des laboratoires. Elle joue un rôle fondamental dans la supériorité militaire d’Israël, pays qui n’a signé ni le traité de non prolifération nucléaire, ni les conventions relatives aux armes chimiques et bactériologiques, qui compte la plus forte densité au monde de personnel de recherche et consacre 4,5% de son PIB à la recherche. Plusieurs collaborations et programmes de R&D ont vu le jour au niveau régional, national et international au travers différentes instances comme l’Otan au sein duquel Israël renforce de plus en plus ses liens avec l’UE dans le but notamment d’accroître l’interopérabilité atlantiste. C’est le second pays méditerranéen a avoir intégré l’agence qui s’occupe de l’approvisionnement et de la maintenance des équipes et des armes des pays membres de l’Otan (NAMSA). En 2006, en Sardaigne, des pilotes belges avaient d’ailleurs participé à des opérations de l’Otan impliquant l’armée d’Israël (exercices de transport de produits bio-contaminés …).

Notes:

1) Le Moyen-Orient est une véritable poudrière- une « mine d’or » pour les usines d’armement et leurs actionnaires. De 1998 à 2007, selon le GRIP, les dépenses militaires de cette région ont augmenté de plus de 60%. En 2007, à la fin de son mandat Bush a fait passer un contrat de dix ans augmentant de 25% l’aide militaire US à Israël.

2) Le Wehr Elbe, cargo allemand, avait quitté les USA avec plus de 900 containers de munitions et finalement en mars, selon Amnesty International, il aurait livré plus de 300 containers de munitions à une base américaine située dans le port israélien de Ashod.

3) « Qui arme Israël et le Hamas ? » du GRIP, en collaboration avec Amnesty International, et l’Observatoire des armements (Lyon), disponible via Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

4) Lors de la conférence de presse organisée pour le lancement du livre « Qui arme Israël et le Hamas ? », Caroline Pailhe, auteure d’articles très précis a répondu à la question « Est-ce que puisque le code est devenu contraignant, l’UE va décider lors du COARM de respecter ce code en matière de commerce avec Israël? » en rappelant que l’UE c’était 27 pays membres et donc que son type de fonctionnement conditionnait ses décisions…

Voir ci-dessus