Les sans-papiers occupent l'ancienne gare de Bressoux: "Liberté, Dignité, Egalité pour tous!"
Par Denis Horman le Mardi, 16 Juin 2009 PDF Imprimer Envoyer

Alors qu’ils occupent depuis deux mois, de jour, un bâtiment de l’Université de Liège (ULg), une 50aine de sans papiers de l’OSP (Organisation des Sans Papiers) se sont installés, début juin, dans l’ancienne gare de Bressoux, une des communes du grand Liège. En lien avec d’autres occupations de sans papiers dans le pays, ils exigent l’application de l’accord gouvernemental de mars 2008.

La Gauche –périodique de la Ligue Communiste révolutionnaire- accompagnée de France Arets – porte-parole du Collectif liégeois de résistance aux centres pour étrangers- a interviewé des membres de l’OSP en occupation.

Vous occupiez depuis le 15 avril un bâtiment de l’ULg, rue des Pitteurs à Liège et vous vous retrouvez maintenant ici dans cette gare désaffectée. Pourquoi ?

OSP : Le rectorat de l’ULg nous avait fait savoir qu’il lui serait quasi impossible d’assumer la responsabilité de cette occupation après le 30 juin, début des vacances scolaires. Il nous fallait donc trouver un autre lieu pour continuer la mobilisation. Nous avons trouvé cet endroit, une gare désaffectée, à l’abandon depuis quelques années. Cette occupation prend une double signification. Nous sommes ici ensemble pour exiger l’application de l’accord gouvernemental de mars 2008 et continuer la lutte obtenir notre régularisation et celles de tous les sans papiers. Mais aussi pour concrétiser un droit humain fondamental : le droit au logement. Il y a ici des sans-papiers qui n’ont pas de logement, qui dormaient dans la rue, alors qu’il y a des bâtiments vides, comme ce bâtiment de la SNCB, laissé à l’abandon depuis des années. Regardez, nous avons tout nettoyé, réinstallé l’eau, l’électricité. Nous dormons ici, nous mangeons ici, nous commençons à bien nous organiser. Les premiers qui nous ont aidés, c’est le groupe de jeunes de la Chauve-Souris qui occupent eux aussi à Liège un bâtiment désaffecté ; ce sont les habitants du quartier, des gens qui n’ont pas beaucoup de moyens, mais qui ont apporté de la nourriture, des couvertures, des matelas ; et bien sûr, le comité de soutien aux sans papiers de Liège, avec France et d’autres personnes, d’autres organisations comme les syndicats…

Votre premier objectif est l’application immédiate de l’accord gouvernemental de mars 2008.

OSP : On nous a fait tellement de promesses ! On attend, on attend ! Il y a ici des amis qui sont en Belgique depuis 10, 8, 5, 3 ans et qui attendent leurs papiers. On nous dit « il faut faire preuve d’intégration ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Il y a ici des gens de plusieurs nationalités africaines qui ont des diplômes, qui parlent plusieurs langues. Il y a, depuis un an et presque 3 mois, un accord gouvernemental qui pourrait déjà permettre d’importantes régularisations et empêcher des arrestations et des expulsions arbitraires. Mais rien n’est concrétisé. On tient bon, mais beaucoup d’entre nous sont déprimés, désespérés.

France Arets: L’accord gouvernemental de mars 2008, même s’il n’instaurait pas de commission de régularisation et maintenait donc le pouvoir arbitraire du ministre et de ses fonctionnaires, répondait en partie aux revendications des mouvements de « sans-papiers ». Il prévoit une régularisation pour « ancrage local durable », ainsi qu’une régularisation économique pour les personnes pouvant faire état d’une promesse de contrat de travail ou d’un projet d’indépendant. Beaucoup de « sans-papiers » peuvent être dans au moins un des critères établis dans l’accord, même si ce n’est qu’un premier pas par rapport à la revendication de régularisation de tous les sans papiers. Aujourd’hui, rien n’est concrétisé.

Avec l’OSP et le comité de soutien, vous avez été, avant les élections régionales, rendre visite aux quatre partis à Liège, le MR, le PS, le CDH et Ecolo. Quel en fut le résultat?

OSP et France Arets : le MR a souligné la priorité de ce dossier après les élections, tout en rappelant sa position de régularisation au cas par cas et rejetant la cause du gel de ce dossier sur la ministre de l’Asile et de la Migration, Annemie Turtelboom et le VLD.

Le PS et le CDH se sont engagés à remettre en chantier l’accord gouvernemental après les élections, à condition d’avoir un bon rapport de force politique. On peut déjà dire, après ces élections, que le MR n’a pas progressé et que le VLD y a perdu des plumes ! Alors, on va bien voir. En outre, la discussion a porté sur la solidarité concrète avec les sans-papiers, l’implication de la Ville de Liège et de ses services sociaux, etc.

Ecolo a beaucoup insisté sur le permis de travail. Rappelons que le Ministre de l’Emploi à la Région wallonne a toute latitude pour octroyer un permis de travail à des personnes qui ont des titres de séjour provisoires. Ecolo s’est engagé, s’il fait partie de la nouvelle majorité à la Région wallonne, à exiger l’octroi de permis de travail pour toute personne qui aurait introduit un dossier en Belgique, quel qu’il soit, y compris une demande de régularisation, qui actuellement n’ouvre pas le droit au travail.

Ce vendredi 12 juin, pour marquer le coup après les élections, nous allons manifester à Bruxelles, à l’appel des syndicats et du Forum Asile et Migrations. C’est l’occasion de rappeler aux différents partis du gouvernement leurs nombreuses promesses sur le dossier de la régularisation et l’urgence d’appliquer dans les plus brefs délais l’accord qu’ils ont signé en mars 2008.

Ne craignez-vous pas d’être délogés de ce bâtiment de la SNCB?

OSP: Nous avons eu la visite de la police communale, également d’un fonctionnaire de la SNCB. Nous sommes des gens civilisés. Nous avons nettoyé ce bâtiment et ses abords. Les navetteurs qui passent tous les jours devant la gare ont certainement pu apprécier cet autre coup d’œil bien plus agréable. Nous sommes bien organisés pour sécuriser le bâtiment. Nous ferons appel à la solidarité pour régler les notes d’eau, d’électricité. Nous formons une bonne équipe, très solidaire et qui aide chacun d’entre nous à ne pas sombrer dans le désespoir, l’alcool, la solitude. Nous sommes déterminés. On n’a pas l’intention de quitter ces lieux. On verra bien.

France Arets: Je voudrais rappeler une chose importante. Le 26 juin 2006, le Conseil communal de Liège adoptait une motion relative à la présence de personnes étrangères « sans-papiers » sur le territoire de Liège. Je voudrais en rappeler 3 points. D’abord, il était demandé au Bourgmestre « de ne pas procéder à des arrestations particulièrement dans et à la sortie des écoles et des églises occupées, en vue de transférer des personnes « sans-papiers » en centre fermé ou en vue d’une éventuelle expulsion ». Un autre point de la motion adoptée « demande au CPAS de Liège de maintenir son système d’aide médicale urgente de qualité… ». Un 3ème point concerne la confiscation d’immeubles inoccupés. La motion adoptée par le Conseil communal « demande au Collège d’appliquer les mesures de confiscation d’immeubles inoccupés prévus par la loi, améliorées par les récentes décisions ministérielles ».

Alors, forts de ces garanties, les sans-papiers devraient pouvoir continuer l’occupation de l’ancienne gare de Bressoux, tout le temps qu’ils jugeront nécessaire.

Et la solidarité dans tout ça?

OSP: Notre occupation, nous la menons d’abord pour faire connaître le plus largement notre lutte et ses objectifs. Avec l’Organisation des sans-papiers (OSP) qui est un mouvement des sans-papiers eux-mêmes, avec le comité de soutien aux sans-papiers de Liège, avec les organisations syndicales, nous voulons prendre des initiatives – rencontres ici-même, débats, animations culturelles, ateliers ; information du public liégeois ; interpellation du monde politique…- pour faire débloquer la situation au niveau gouvernemental. Nous comptons beaucoup sur les medias –TV, journaux- pour relayer nos préoccupations.

Nous en appelons aussi à l’aide matérielle. Nous n’avons rien et sans papiers, on est rien!

Jusqu’à présent, l’aide urgente est venue de bénévoles, de membres et d’associations du comité de soutien, des syndicats…Nous lançons un appel à venir nous voir ici à la gare de Bressoux.

Dites bien dans votre interview que nous sommes des humains, que nous avons droit à une vie humaine, normale, qu’il y a ici des personnes de 20 ans, 30 ans, 40 ans, 50 ans qui veulent être regardés avec un regard humain et qui sont au bord du désespoir, mais en même temps bien décidés à aller jusqu’au bout. Nous savons ce que nous faisons. Nous sommes ensemble dans l’OSP. Regardez et lisez ce qu il y a sur notre banderole de l’Organisation des Sans Papiers : LIBERTE, DIGNITE, EGALITE pour tous!

Propos recueillis par Denis Horman LCR (Liège), le 11 juin 2009.

Contacts avec l’OSP:

- tél : 0488 465542

- e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

- site Internet : www.à-sp.org

- compte bancaire : n° 083-4479876-31

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