Interconnexion des crises capitalistes
Par Eric Toussaint le Dimanche, 19 Octobre 2008 PDF Imprimer Envoyer

L’explosion des crises alimentaire, économique et financière en 2007-2008 montre à quel point sont interconnectées les économies de la planète. Pour résoudre ces crises, il faut traiter le mal à la racine.

La crise alimentaire. En 2007-2008, plus de la moitié de la population de la planète a vu se dégrader fortement ses conditions de vie car elle a été confrontée à une très forte hausse du prix des aliments. Cela a entraîné des protestations massives dans au moins une quinzaine de pays dans la première moitié de 2008. Le nombre de personnes touchées par la faim s’est alourdi de plusieurs dizaines de millions et des centaines de millions ont vu se restreindre leur accès aux aliments (et, en conséquence, à d’autres biens et services vitaux[1]). Tout cela suite aux décisions prises par une poignée d’entreprises du secteur de l’agrobusiness (productrices d’agro-combustibles) et du secteur de la finance (les investisseurs institutionnels qui contribuent à la manipulation des cours des produits agricoles) qui ont bénéficié de l’appui du gouvernement de Washington et de la Commission européenne[2].

Pourtant la part des exportations dans la production mondiale des aliments reste faible. Une faible partie du riz, du blé ou du maïs produite dans le monde est exportée, l’écrasante majorité de la production est consommée sur place. Néanmoins ce sont les prix des marchés d’exportation qui déterminent le prix sur les marchés locaux. Or les prix des marchés d’exportation sont fixés aux Etats-Unis principalement dans trois Bourses (Chicago, Minneapolis et Kansas City). En conséquence, le prix du riz, du blé ou du maïs à Tombouctou, à Mexico, à Nairobi, à Islamabad est directement influencé par l’évolution du cours de ces grains sur les marchés boursiers des Etats-Unis.

En 2008, dans l’urgence et sous peine d’être renversées par des émeutes, aux quatre coins de la planète, les autorités des pays en développement ont dû prendre des mesures pour garantir l’accès des citoyens aux aliments de base.

Si on en est arrivé là, c’est que durant plusieurs décennies les gouvernements ont renoncé progressivement à soutenir les producteurs locaux de grains - qui sont en majorité des petits producteurs - et ont suivi les recettes néolibérales dictées par des institutions comme la Banque mondiale, le FMI dans le cadre des plans d’ajustement structurel et des programmes de réduction de la pauvreté. Au nom de la lutte contre la pauvreté, ces institutions ont convaincu les gouvernements de mener des politiques qui ont reproduit, voir renforcé, la pauvreté. De plus, au cours des dernières années, de nombreux gouvernements ont signé des traités bilatéraux (notamment des traités de libre commerce) qui ont encore aggravé la situation. Les négociations commerciales dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC ont également entraîné de funestes conséquences.

Que s’est-il passé?

1er acte. Les pays en développement ont renoncé aux protections douanières qui permettaient de mettre les paysans locaux à l’abri de la concurrence des producteurs agricoles étrangers, principalement les grandes firmes d’agro-exportation nord-américaines et européennes. Celles-ci ont envahi les marchés locaux avec des produits agricoles vendus en dessous du coût de production des agriculteurs et éleveurs locaux, ce qui a provoqué leur faillite (nombre d’entre eux ont émigré vers les grandes villes de leurs pays ou vers les pays les plus industrialisés). Selon l’OMC, les subsides versés par les gouvernements du Nord à leurs grandes entreprises agricoles sur le marché intérieur ne constituent pas une infraction aux règles anti-dumping. Comme l’écrit Jacques Berthelot: «alors que, pour l'homme de la rue, il y a dumping si on exporte à un prix inférieur au coût moyen de production du pays exportateur, pour l'OMC, il n'y a pas de dumping tant qu'on exporte au prix intérieur, même s'il est inférieur au coût moyen de production[3].» Bref, les pays de l’Union européenne, les Etats-Unis ou d’autres pays exportateurs peuvent envahir les marchés des autres avec des produits agricoles qui bénéficient de très importantes subventions internes.

Le maïs exporté au Mexique par les Etats-Unis est un cas emblématique. A cause du traité de libre commerce (TLC) signé entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, ce dernier a abandonné ses protections douanières face à ses voisins du Nord. Les exportations de maïs des Etats-Unis au Mexique ont été multipliées par neuf entre 1993 (dernière année avant l’entrée en vigueur du TLC) et 2006. Des centaines de milliers de familles mexicaines ont dû renoncer à produire du maïs car celui-ci coûtait plus cher que le maïs provenant des Etats-Unis (produit avec une technologie industrielle et fortement subventionné). Cela n’a pas seulement constitué un drame économique, il s’est agi aussi d’une perte d’identité car le maïs est le symbole de la vie dans la culture mexicaine, notamment chez les peuples d’origine maya. Une grande partie des cultivateurs de maïs ont abandonné leur champ et sont partis chercher du travail dans les villes industrielles du Mexique ou aux Etats-Unis.

2e acte. Le Mexique qui dépend dorénavant pour nourrir sa population du maïs des Etats-Unis est confronté à une augmentation brutale du prix de cette céréale provoquée, d’une part, par la spéculation sur les Bourses de Chicago, de Kansas City, de Minneapolis et, d’autre part, par la production chez le voisin du Nord d’éthanol de maïs.

Les producteurs mexicains de maïs ne sont plus là pour satisfaire à la demande interne et les consommateurs mexicains sont confrontés à une explosion du prix de leur nourriture de base, la tortilla, cette crêpe de maïs qui remplace le pain ou le bol de riz consommé sous d’autres latitudes. En 2007, d’énormes protestations populaires ont secoué le Mexique.

Dans des conditions spécifiques, les mêmes causes ont produit grosso modo les mêmes effets. L’interconnexion des marchés alimentaires à l’échelle mondiale a été poussée à un niveau jamais connu auparavant.

La crise alimentaire mondiale met à nu le moteur de la société capitaliste : la recherche du profit privé maximum à court terme. Pour les capitalistes, les aliments ne sont qu’une marchandise qu’il faut vendre avec le plus de profit possible. L’aliment, élément essentiel du maintien en vie des êtres humains, est transformé en pur instrument de profit. Il faut mettre fin à cette logique mortifère. Il faut abolir le contrôle du capital sur les grands moyens de production et de commercialisation et donner la priorité à une politique de souveraineté alimentaire.

La crise économique et financière. En 2007-2008 a également éclaté la principale crise économique et financière internationale depuis celle de 1929. Si ce n’était l’intervention massive et concertée des pouvoirs publics qui se sont portés au secours des banquiers voleurs, la crise actuelle aurait déjà pris de plus amples proportions. Ici aussi, l’interconnexion est frappante. Entre le 31 décembre 2007 et fin septembre 2008, toutes les Bourses de la planète ont connu une baisse très importante, allant de 25 à 35% -parfois plus- pour les Bourses des pays les plus industrialisés jusqu’à 60% pour la Chine en passant par 50% pour la Russie et la Turquie. Le colossal montage de dettes privées, pure création de capital fictif, a fini par exploser dans les pays les pays les plus industrialisés en commençant par les Etats-Unis, l’économie la plus endettée de la planète. En effet, l’addition des dettes publique et privée aux Etats-Unis s’élève en 2008 à 50 000 milliards de dollars, soit 350% du PIB. Cette crise économique et financière qui a déjà touché l’ensemble de la planète affectera de plus en plus les pays en développement dont certain se croient encore à l’abri. La mondialisation capitaliste n’a pas découplé ou déconnecté les économies. Au contraire, des pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde ou la Russie n’ont pas pu se mettre à l’abri de cette crise et ce n’est que le début.

La crise climatique. Les effets du changement climatique ont momentanément disparu de la une de l’actualité, supplantés par la crise financière. Néanmoins le processus est en cours à l’échelle de la planète et ici aussi l’interconnexion est évidente. Certes les populations des pays « pauvres » seront plus fortement touchées que celles des pays « riches » mais personne n’en sortira indemne.

La conjonction de ces trois crises montre aux peuples la nécessité de se libérer de la société capitaliste et de son modèle productiviste. L’interconnexion des crises capitalistes met en avant la nécessité d’un programme anticapitaliste et révolutionnaire à l’échelle de la planète. Les solutions pour qu’elles soient favorables aux peuples et à la nature seront internationales et systémiques. L’humanité ne pourra pas se contenter de demi-mesures.

[1] En effet, afin d’acheter des aliments dont le prix a fortement augmenté, les ménages pauvres ont réduit les dépenses de santé et d’éducation ainsi que les dépenses en matière de logement.

[2] Voir Damien Millet et Eric Toussaint « Retour sur les causes de la crise alimentaire mondiale », août 2008 et Eric Toussaint « Une fois encore sur les causes de la crise alimentaire », octobre 2008

[3] Jacques Berthelot « Démêler le vrai du faux dans la flambée des prix agricoles mondiaux », 15 juillet 2008, p.47

 


Déclaration finale de la Conférence internationale d’économie politique: Réponses du Sud à la crise économique

Tenue au Venezuela, à Caracas, du 8 au 11 octobre 2008 en présence d’experts et de chercheurs en provenance d’Argentine, d’Australie, de Belgique, du Canada, du Chili, de Chine, de Corée du Sud, de Cuba, d’Egypte, d’Équateur, d’Espagne, des États-Unis, des Philippines, de France, d’Angleterre, du Mexique, du Pérou, d’Uruguay et du Venezuela, la Conférence Internationale d’Économie Politique « Réponses du Sud à la Crise Économique Mondiale » a ouvert un large débat sur l’actualité économique et financière de l’économie mondiale, les nouvelles perspectives et les défis que doivent relever les gouvernements et les peuples du Sud.

La rencontre a pris en compte l’aggravation de la situation au cours des dernières semaines. De crises répétées des marchés financiers de pays du Centre, nous sommes passés à une crise internationale d’une énorme gravité, qui place les pays du Sud dans une situation très préjudiciable.

La crise menace l’économie réelle et, si des actions énergiques et effectives ne sont pas prises immédiatement, elle peut avoir des conséquences dramatiques pour les peuples du monde, en particulier pour les secteurs déjà les plus fragiles et marginalisés.

La vulnérabilité des monnaies, les déséquilibres financiers et la grave récession qui se développent réfutent aujourd’hui le mythe néo-libéral sur les vertus de la déréglementation des marchés, la solidité et la fiabilité des institutions financières actuelles et remettent sérieusement en question les bases du système capitaliste actuel.

Les contributions présentées à l’occasion du séminaire ont mis en évidence le processus de la crise entamée depuis août 2007 et l’échec des mesures de sauvetage que réalisent les États des pays capitalistes développés pour tenter de consolider un système financier mondial déjà disloqué.

Nous dénonçons la prétention de faire porter le coût du sauvetage financier à l’ensemble du système mondial, aggravant par là la situation de pauvreté, de chômage et d’exploitation des travailleurs et des peuples du monde.

Ni l’énorme interventionnisme étatique que l’on a observé durant les dernières semaines pour sauver des organismes désarticulés et ruinés par la spéculation, ni l’endettement public massif ne sont des alternatives plausibles pour sortir de la crise. La dynamique actuelle fomente de nouveaux cycles de concentration du capital et, sans une opposition ferme des peuples, elle s’aggravera dans une forme encore plus perverse de sauvetage des secteurs privilégiés. Cela pourrait également s’exprimer par le retour à l’autoritarisme dans le fonctionnement du capitalisme. Cela pointe déjà, comme une grave régression, dans l’augmentation de la discrimination et du racisme à l’égard de la population qui migre des pays du Sud vers les pays du Nord.

Maintenir les tendances actuelles de restructuration du système capitaliste aura des coûts productifs et sociaux énormes, et peut frapper encore davantage la nature et l’environnement déjà très fragiles.

La nécessité de repenser l’architecture économique et financière internationale est aujourd’hui inéluctable. C’est dans cette perspective que s’inscrit la nécessité d’une sortie post-capitaliste, appelée par le Venezuela ’Socialisme du Siècle XXI’.

Dans un moment critique comme celui que nous vivons, les politiques nationales et régionales doivent donner la priorité aux dépenses sociales et protéger les ressources naturelles et productives. Les États doivent introduire des mesures urgentes de régulation financière pour protéger l’économie, impulser la production et combattre le danger de la déréglementation à travers le contrôle immédiat des changes et des mouvements de capitaux.

Cela passera fondamentalement par le développement d’une plus grande complémentarité et de l’intégration commerciale régionale de façon équilibrée, en renforçant les capacités industrielles, agricoles, énergétiques et d’infrastructure. Des initiatives comme l’ALBA et la Banque du Sud devront étendre leur champ d’action et consolider leur perspective vers une plus grande intégration alternative qui inclut une nouvelle monnaie commune. Il s’agit de bâtir une nouvelle architecture financière mondiale qui permette une autre insertion du Sud dans la division internationale du travail.

Dans ce contexte, il faut évaluer l’importance d’un ensemble d’apports et de propositions de l’économie sociale qui encouragent la promotion du travail digne et l’articulation locale face aux impacts de la crise.

À l’échelle globale, il faut revendiquer une réforme profonde du système monétaire et financier international, qui implique la défense des épargnes et la canalisation des investissements pour répondre aux nécessités prioritaires des peuples. Il faut rompre avec un système qui privilégie la spéculation, creuse les différences économiques et accable particulièrement les pays et les secteurs les plus fragiles.

Il faut également créer de nouvelles institutions économiques (multilatérales), sur de nouvelles bases, qui disposent de l’autorité et des instruments pour agir contre l’anarchie de la spéculation. Cela rend indispensable l’intervention urgente des autorités nationales qui s’opposent aux fondements du marché et protègent les finances des peuples affectés. La crise renforce les intérêts communs entre les peuples de toutes les nations.

À partir de ces analyses et considérations, la Conférence Internationale d’Économie Politique « Réponses du Sud à la crise économique mondiale », propose les CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS D’ACTION suivantes:

Nous partons de la caractérisation de la situation économique internationale suivante:

1. Nous sommes face à une situation inédite au niveau mondial. La crise économique et financière s’est aggravée et accélérée énormément au cours des derniers jours. Son développement futur, difficilement prévisible, peut prendre, d’un jour à l’autre, une tournure dramatique.

2. La crise a son épicentre initial aux Etats-Unis et sur les marchés boursiers, mais c’est aujourd’hui une crise mondiale qui affecte tout le système financier et contamine de façon croissante l’appareil productif. La crise affecte maintenant particulièrement l’Europe occidentale et orientale.

3. Alors qu’initialement, on espérait que l’Amérique latine pourrait rester en dehors de la crise, aujourd’hui des signes très forts annoncent avec certitude des impacts à venir. On peut non seulement s’attendre à une détérioration prolongée du commerce extérieur, mais aussi à un choc financier très violent et dans un délai très court. Plus le système bancaire et la bourse de valeurs sont internationalisés, plus la fragilité est grande.

Nous faisons ces suggestions en étant conscients que lors de crises il y a toujours des gagnants et des perdants. Notre pari est de prendre des mesures qui garantissent le bien-être et les droits de nos peuples, de l’ensemble des citoyennes et des citoyens, et non pas de secourir les banquiers responsables de la crise comme c’est le cas en Europe et aux États-Unis.

Partant de ce nouveau scénario et de son aggravation accélérée, nous considérons nécessaire de formuler les recommandations d’action suivantes, dont certaines doivent être mises en oeuvre à travers des décisions politiques urgentes aux plus hauts niveaux.

À cet effet il faut envisager l’organisation immédiate d’un Sommet Extraordinaire des Présidents d’Amérique latine et de la Caraïbe, ou au moins de l’UNASUR (= une structure de concertation des pays d’Amérique du Sud. NDT), conduite par une vaste mobilisation populaire de nos peuples.

Sur le système bancaire

- Face à l’effondrement du système financier international, les États de la région doivent immédiatement prendre en charge la surveillance des systèmes bancaires sous la forme de contrôle, d’intervention ou de nationalisation sans indemnisation en suivant le principe de la nouvelle Constitution de l’Équateur qui interdit l’étatisation des dettes privées. (Art. 290 - point 7 : « L’étatisation des dettes privées est interdite ».)

- Ces mesures ont pour but de prévenir la fuite des capitaux vers l’extérieur, la dévaluation des monnaies, le transfert de fonds des succursales de banques étrangères vers leurs maisons mères et l’obstruction du crédit par les banques qui ne prêtent pas les fonds qu’elles reçoivent.

- Il faut fermer les branches off-shore du système bancaire de chaque pays qui ne constituent qu’ un paravent fiscal très dangereux dans ces circonstances. Il s’agit d’éviter que nos liquidités soient siphonnées.

- Il faut ouvrir les livres de comptes des banques, fortifier la supervision bancaire et les mécanismes de régulation stricts qui rendent compte de la situation réelle des systèmes bancaires nationaux comme dépositaires de l’épargne de la population. Il faut réaffirmer le caractère service public des services financiers. Une de ces mesures devrait garantir un investissement national minimum dans les actifs liquides du système (coefficient de liquidité domestique).

- Il faut encourager l’épargne et le crédit populaires non lucratifs administrés par les populations résidant sur les territoires où sont établis ces organismes pour le développement local.

- En cas d’intervention, les États doivent récupérer le coût du sauvetage sur le patrimoine des banques. Il s’agit de mettre en œuvre un programme de réparation prélevé sur le patrimoine des actionnaires et des administrateurs.

Nouvelle architecture financière

- L’absence de politiques monétaires coordonnées produit une guerre de « dévaluations compétitives » qui aggrave la crise et engendre des rivalités entre nos économies, empêchant une réponse coordonnée de la région, et menace structurellement les avancées intégrationnistes comme l’UNASUR. De ce fait, il faut donner un signal clair grâce à un accord monétaire latino-americain qui montrerait immédiatement les possibilités additionnelles de protection de nos macro-économies. Ainsi, la définition d’un système de compensation de paiements basé sur un panier de monnaies latino-americaines fournirait à chaque pays des moyens de liquidité additionnels qui permettraient de se préserver de la logique de la crise du dollar.

- Dans le cadre de la construction institutionnelle pour la protection de nos économies, une plus grande articulation entre les banques centrales est requise, qui suppose de dépasser le dogmatisme néo-libéral avec un maniement beaucoup plus efficace et adéquat des réserves internationales. En ce sens, il est important d’avancer dans la proposition d’un Fonds du Sud alternatif au FMI, qui disposerait de liquidités pour parer à d’éventuelles urgences de recouvrement fiscal ou de balance de paiements.

En profitant de l’augmentation des réserves excédentaires de chaque pays provoquée par la création de moyens de paiement additionnels avec le système de compensation de paiements (droits régionaux de virement) et par l’existence du Fonds Commun du Sud, on peut mobiliser des ressources pour mettre immédiatement en marche la Banque du Sud, en assurant un fonctionnement démocratique et en ne reproduisant pas la logique des organisations financières multilatérales de crédit. Cette Banque doit être au coeur de la transformation du réseau déjà existant de banques latino-americaines de promotion, orientées vers la reconstruction des appareils productifs basés sur les droits humains fondamentaux. Nous nous plaçons dans l’orientation soulignée par la Déclaration Ministérielle de Quito du 3 mai dernier, qui indique que : « Les peuples ont donné à leurs gouvernements le mandat de doter la région de nouveaux instruments d’intégration pour le développement. Ces instruments doivent se baser sur des modèles démocratiques, transparents, participatifs et responsables envers leurs populations ». Pour être démocratique, la Banque du Sud doit garantir le principe un pays = un vote.

- Il est indispensable de renforcer le contrôle des changes dans les pays où il existe et de l’établir là où il n’existe pas encore afin de protéger les réserves et d’empêcher la sortie de capitaux.

- Dans le cadre de la suspension de paiements qu’a engendrée la crise du système financier international, les pays de la région doivent considérer la suspension du paiement de la dette publique. La mesure vise à protéger de façon transitoire les ressources souveraines menacées par la crise et à éviter que ne se vident les Trésoreries des pays. L’Amérique latine et la Caraïbe doivent tirer des leçons de ce qui arrive en Europe, où chaque pays essaye de résoudre la crise individuellement. Cela passe nécessairement par le renforcement des mécanismes d’intégration alternatifs en développement dans la région.

Urgence sociale

- Nous proposons de constituer un Fonds Régional d’Urgence Sociale pour assurer immédiatement la souveraineté alimentaire et énergétique, ainsi que pour s’occuper du problème grave des migrations et de la baisse des fonds envoyés par les migrants. Ce Fonds pourrait fonctionner au sein de la Banque du Sud ou de la Banque de l’Alba.

- En suivant le principe qui vise à ne pas secourir les banquiers mais bien nos peuples, il faut maintenir les budgets publics destinés aux dépenses sociales et prévoir leur augmentation face aux effets imminents de la crise internationale sur nos peuples, les priorités étant : l’assurance d’avoir un emploi, un revenu universel, l’accès à la santé et à l’éducation publique, un logement.

- Établir des mécanismes anti-inflationnistes, qui visent le contrôle des prix, qui préservent et augmentent les revenus salariaux, les mécanismes de protection populaire, et qui ont un effet redistributif des recettes et de la richesse.

Organismes financiers

La crise financière internationale a mis en évidence la complicité entre le FMI, la Banque Mondiale et la BID, et les banquiers transnationaux qui ont provoqué l’effondrement actuel, aux conséquences sociales terribles. Le discrédit de ces organismes est manifeste. C’est l’occasion pour que les pays de la région, en suivant l’exemple de la Bolivie, se retirent du CIRDI (=tribunal de la Banque mondiale en matière de litige entre les transnationales et les Etats à propos des investissements. NDT.), et en reprenant l’appel du Venezuela, se retirent du FMI et de la Banque Mondiale et commencent à aider à bâtir une nouvelle architecture financière internationale.

Nous appelons à la tenue de la Seconde Conférence Internationale d’Économie Politique « Réponses du Sud à la Crise Économique Mondiale », qui se tiendra à Caracas au cours des premiers mois de l’année 2009.

Caracas, 11 octobre 2008

Confrence internationale d’économie politique

Voir ci-dessus