BELGIQUE: Accord gouvernemental Leterme 1er : Flexibilité, précarité, austérité… !
Par Denis Horman le Samedi, 05 Avril 2008 PDF Imprimer Envoyer

Les cinq partis de la majorité qui ont signé l’accord (PS ; CDH, MR, CD&V/NVA, Open VLD) ont poussé un ouf de soulagement. Tout le monde est content. "Cet accord correspond, à concurrence de 99%, à notre programme, a lâché Joëlle Milquet pour le Centre Démocratique Humanitaire (CDH). "Nous sommes satisfaits à 90%, a renchéri Didier Reynders pour le Mouvement Réformateur (MR). "95% de nos revendications ont été rencontrées" a résumé Elio Di Rupo pour le parti Socialiste (PS), qui n’a pas hésité à qualifier cet accord de "centre gauche". Le CDH se réjouit tout particulièrement de l’équilibre de l’accord au profit des familles. Pour le PS, l’accord gouvernemental va permettre d’accroître la solidarité et le pouvoir d’achat des citoyens. Le MR a mis en avant les nouvelles perspectives de diminution de charges fiscales patronales ainsi que la baisse d’impôts pour toutes les familles qui travaillent. "Certes, nous avons du faire des compromis", a tenu à souligner Elio Di Rupo, "mais ce sont des compromis utiles pour tous nos concitoyens".

"L’empreinte sociale" de l’accord !

Conférences de presse, débats télévisés, interview radio, déclarations dans la presse écrite…, PS, CDH, MR ont mis en exergue les points positifs de l’accord. Le PS a même parlé "d’empreinte sociale".

- Maintien de "la grande valeur de la concertation sociale". Le gouvernement "associera étroitement les partenaires sociaux –patronat et syndicats- aux décisions qui seront prises et comptera sur leur contribution positive à la mise en œuvre des décisions prises". Dès les premières pages de l’accord, l’accent est mis sur la croissance économique escomptée et "le maintien et le renforcement d’un climat favorable aux entreprises nécessaires pour créer davantage de prospérité". - Cette concertation sociale portera sur "l’augmentation des salaires minimum et les moyens pour y arriver". La discussion aura lieu dans le cadre d’un nouvel accord interprofessionnel (2009-2010). De même, une politique proactive et dynamique –avec les partenaires sociaux et les entités fédérées- doit permettre que la croissance économique entraîne une augmentation du nombre d’emplois de plus de 200 000 unités sur la durée de la législature. Quel type d’emplois, de contrats, de conditions de travail… ? Pas de précisions !

- Le gouvernement poursuivra la concertation sur les pensions, entre autre dans le cadre d’une Conférence nationale pour "réformer et renforcer le système de pension". Certains évoquent une hausse du taux de remplacement qui pourrait monter à 75% du dernier salaire. L’accord prévoit une hausse des pensions les plus basses (non chiffrée)[1], ainsi que des moyens supplémentaires affectés à leur liaison au bien-être (sans préciser le montant). Il confirme également la décision, prise lors du conclave budgétaire 2008, d’augmenter de 2% certaines pensions. La norme de croissance de 4,5% pour le système de soins de santé sera maintenue.

- "Le gouvernement proposera de mener un plan ambitieux de réduction de la pauvreté et d’augmentation du pouvoir d’achat", sans davantage de précisions. Toutefois, sera installé un "observatoire des prix" chargé d’examiner l’évolution des prix, y compris les prix énergétiques. "Et le cas échéant, le gouvernement prendra des mesures nécessaires". Mais aucune mesure de correction des prix n’est envisagée. En ce qui concerne les allocations familiales, "le gouvernement adaptera le système pour aboutir à un treizième mois, payable au mois d’août et consacrera des moyens supplémentaires correspondant à la liaison des allocations familiales au bien-être". Des mesures fiscales seront également prises pour l’augmentation du salaire poche des travailleurs. L’accord parle de "continuer à relever la quotité exonérée d’impôt", part du revenu sur laquelle on ne doit pas payer d’impôt[2].

- Une nouveauté pour les sans papiers : "Le gouvernement précisera dans une circulaire les critères de régularisation relatifs aux circonstances exceptionnelles (longue procédure, maladie et motif humanitaire urgent, qui peut être démontrée entre autres par l’ancrage local durable)". Une avancée ! Mais pas question de régularisation collective : "le gouvernement opte pour une politique de régularisation sur base individuelle". Le gouvernement renvoie à l’étude la mise sur pied "d’une commission indépendante avec la compétence exclusive de décider quant aux demandes de régularisation, sur la base des critères précisés". En attendant, c’est le Ministre de l’Intérieur et la Ministre de l’Immigration qui ont la décision finale sur base de critères dont "la preuve d’une volonté d’intégration". Voilà bien un élément extrêmement subjectif !

- Dans le chapitre "politique environnementale", "une place centrale dans la négociation du nouveau contrat de gestion avec la CNCB", devrait être donnée à "l’adaptation des conditions de gratuité et la sécurité des voyageurs et du personnel des trains". Et en concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement examinera "la possibilité de remboursement généralisé des transports en commun par l’employeur en complément de l’intervention de l’Etat". L’accord précise que cela devrait aller de pair avec "la flexibilité des horaires de travail". En matière d’écologie, le gouvernement propose "un sommet mondial de l’environnement en 2010 à Bruxelles". Qu’attend-on pour prendre des mesures concrètes en vue d’une réduction immédiate et drastique des émissions des gaz à effet de serre ? Les études ne manquent pas, plaidant l’urgence de telles mesures, mesures qui devraient inévitablement aller à l’encontre des intérêts des grandes multinationales pétrolières et énergétiques. On passe déjà sous silence la légère ponction sur les bénéfices faramineux d’Electrabel (prévue dans l’accord budgétaire 2008). Electrabel qui a «évité" de payer en 2007 environ un montent de 30,2 millions d’euros grâce aux intérêts notionnels !

 

D’après les premières estimations, l’ensemble de l’action gouvernementale (décisions, propositions …) s’élèverait en tout à 13 milliards d’euros. Où trouver cet argent ? C’est le grand flou ! "Je suis assez perplexe, confesse Vincent Bodart, professeur au département Economie de l’UCL. "Par prudence budgétaire, le nouveau gouvernement ne chiffre encore rien et semble s’en remettre à l’évolution de la conjoncture économique pour fixer ultérieurement les montants alloués à ses projets. Voilà de quoi s’interroger sur la pertinence de ces mesures et sur leur crédibilité auprès de la population"[3].

 

La flexi-précarité

Il aura fallu la réaction des syndicats, de la FGTB en particulier, pour détecter dans ces 44 pages de l’accord gouvernemental, l’ampleur des mesures et des propositions de régression sociale et des cadeaux aux entreprises (et leurs actionnaires).

Des commentateurs de l’accord gouvernemental souligne le fait que de nombreuses mesures sont inspirées par le concept de "flexicurité", un néologisme combinant flexibilité et sécurité. "Il faudrait plutôt parler de flexi-précarité", précise Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB[4].

- "Un plan ambitieux de réduction de la pauvreté et d’augmentation du pouvoir d’achat, visant en priorité les plus vulnérables de notre société" ! Au lieu de s’attaquer à la pauvreté qui touche 1,5 millions de Belges, l’accord signé et défendu par le PS prévoit d’étendre la procédure d’activation de chômeurs, voire aux plus de 50 ans, de proposer, en concertation avec les partenaires sociaux, "le renforcement de la dégressivité des allocations de chômage, sans mettre en cause les minima par catégorie". Le texte précise le pourquoi de cette mesure de régression sociale : "le système –d’allocations sociales- incite trop peu à rechercher activement un emploi". Inconscience, cynisme ? Quand on sait qu’en Wallonie par exemple, on dénombre une offre d’emploi pour 30 demandeurs !"On organise la chasse aux chômeurs, plutôt que la chasse au chômage", constate Anne Demelenne. "En augmentant l’allocation dans un premier temps, on la réduit parallèlement dans la durée. Concrètement, on renvoie les gens sous le seuil de pauvreté, du chômage vers les CPAS ; c’est inadmissible", dénonce Claude Rolin, secrétaire général de la CSC ; "la perspective n’est soumise au Conseil national du travail que pour concrétiser l’objectif annoncé"[5].

- Des moyens supplémentaires seront affectés pour lier les pensions au bien-être; par contre, le texte ne mentionne pas de liaison au bien-être pour les indemnités de chômage, de maladie professionnelle, d’accident de travail ou d’invalidité. Le gouvernement ne prévoit rien de chiffré pour renforcer le 1er pilier des pensions (le système actuel de solidarité intergénérationnelle à travers le mécanisme de pension par répartition). Il préfère "encourager et mieux encadrer le développement du troisième pilier" (les fonds de pension privés).

- Le gouvernement propose "un plan ambitieux d’augmentation du pouvoir d’achat" ! Peut-on s’attendra alors à une réelle augmentation des salaires ? Que nenni ! Pas question que "l’évolution des coûts salariaux soit plus avantageuse que celle de nos principaux partenaires commerciaux" ! Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, l’accord gouvernemental fait référence à la loi sur la compétitivité et la norme salariale[6]. Rappelons toutefois que les comparaisons reposent sur les salaires nominaux, sans tenir compte de la productivité qui est une des plus élevée en Belgique. Pas question non plus, pour les travailleurs et leurs organisations syndicales, de tirer prétexte de la diminution des charges patronales (incitants fiscaux et cadeaux de toute sorte) pour "augmenter les marges de négociation"[7] ! En d’autres termes, la baisse de l’impôt pour les entreprises[8], la diminution des cotisations patronales à la sécurité sociale (quelque 5 milliards d’euros en moins par an dans la caisse nationale de SS !), les intérêts notionnels[9]…, ces cadeaux qui ne sont liés à aucune obligation d’investissement ou création d’emplois, mais qui gonflent surtout les dividendes pour les actionnaires[10], ne peuvent être prétexte à exiger des augmentations salariales qui mettraient en péril "la position compétitive de nos entreprises".

- L’accord gouvernemental veut "permettre une meilleure conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle". Une réduction généralisée du temps de travail, avec embauches compensatoires, serait à l’évidence un des moyens les plus efficaces pour concrétiser cette préoccupation. Les gains impressionnants de productivité, entraînant stress et pression au boulot, poussent à la concrétisation de cette revendication. Revendication qui permettrait également le partage du travail et l’ouverture de l’embauche aux jeunes. Ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement qui "demande aux partenaires sociaux d’examiner l’opportunité (…) de mettre sur pied un système de "compte carrière". Il s’agit d’un système en vigueur aux Pays-Bas, qui permet aux salariés de placer sur un compte les heures supplémentaires et autres avantages dont ils disposent pour pouvoir les échanger, plus tard, contre des jours de congés, une retraite anticipée ou un complément de pension.

La secrétaire générale de la FGTB a très justement rangé cette réforme annoncée dans le dispositif de "flexi-précarité" : "C’est un leurre pour le travailleur. On présente cela comme un avantage pour lui, mais avec ce système, c’est en fait lui qui va financer ses propres jours de congé, voire sa prépension. D’autre part, le travailleur devra gérer individuellement son temps de travail, alors qu’actuellement, les règles sont collectives. Cela détricotera donc la solidarité dans la négociation avec la direction"[11]. L’accord parle également "d’assouplissement de la semaine des 38 heures et ce pour une période à fixer, étalée au maximum sur une base annuelle". Une manière habile d’organiser la flexibilité du travail en fonction des commandes !

- "Flexi-précarité" également dans la Fonction publique ! L’accord affirme que "l’emploi statutaire reste la règle", mais que "le recours aux intérimaires sera toutefois ouvert pour les besoins exceptionnels". Nos services publics deviennent des services d’intérêt économique général, soumis aux règles de la concurrence, condamnées à la privatisation de fait. En ce sens, "le gouvernement veillera à ce que la troisième directive postale soit transposée correctement et avant la fin 2008, afin de créer les conditions de concurrence loyale pour tous les opérateurs…". Il propose "d’œuvrer pour rendre l’Union européenne davantage performante, compétitive et durable". Doit-on alors s’étonner que les cinq partis, qui ont signé l’accord gouvernemental, souscrivent au Traité de Lisbonne, ce "nouveau" Traité européen dans lequel "la concurrence libre et non faussée" reste bel et bien la pierre angulaire de la construction européenne, à laquelle tout doit être subordonné. On ne peut laisser sous silence le fait que Ecolo adhère également à ce Traité européen et que nos organisations syndicales pratiquent la politique de l’autruche par rapport à ce Traité, laissant entendre qu’il n’empêchera pas de se battre, chaque fois qu’il le faudra, pour la préservation des conquêtes sociales[12].

Prendre l’argent là où il est !

"Toutes les propositions ont été chiffrées par les experts", a déclaré le président du PS, Elio Di Rupo. «Nous avons donc pu fixer l’équilibre global et nous exécuterons ces mesures progressivement en fonction des marges budgétaires". "Nous ne voulions pas lancer des promesses que nous ne pourrions pas tenir, a précisé Yves Leterme"[13]. En d’autres termes, nous ne devons pas nous attendre à une augmentation significative du salaire minimum garanti, encore moins à des augmentations salariales sectorielles ou encore à un relèvement important des minima sociaux.

 

Pour augmenter les salaires et satisfaire de manière décente les besoins fondamentaux de la population, les moyens existent, l’argent est là. La richesse globale est en constante croissance. La production de biens et services, réalisée –faut-il le rappeler- par les travailleurs et mesurée par le Produit intérieur brut (PIB) est en régulière augmentation. Pour l’année 2007, le PIB s’est accru de 2,7%. Ces dernières années, les bénéfices des entreprises ont explosé, surtout dans les multinationales. Arcelor-Mittal a déclaré, pour l’année 2007, un bénéfice de 7,5 milliards d’euros (une progression de 30% sur un an). Le groupe Suez, maison-mère d’Electrabel (la vache-à-lait du groupe !), a réalisé, sur la même année, un bénéfice de 3,9 milliards d’euros (plus 8,8%). Pour le brasseur Inbev, c’est un bénéfice net de 2,19 milliards d’euros contre 1,4 milliard en 2006. Solvay réalise son record absolu avec 828 millions d’euros de bénéfice net. Distrigaz engrange un bénéfice net de 294,1 millions d’euros (une hausse de 12,5%). Même la Poste, semi-privatisée et qui ne cesse de fermer des bureaux, voit ses bénéfices exploser : près de 234 millions d’euros (avant impôts) pour 2007 également. Et on pourrait continuer la liste !

Un chiffre résume bien la forte hausse des bénéfices après impôt des sociétés : le résultat net des entreprises belges a augmenté de 14% en 2006 et de 250% depuis 2002[14]. Les vingt premières entreprises belges cotées en bourse ont fait un bénéfice de 23 milliards d’euros pour 2006 (une augmentation de 38% comparée à 2005). Comme cela a déjà été souligné, ce sont les actionnaires qui enlèvent la mise : près de 50% de ces bénéfices sont distribués aux actionnaires de ces entreprises, tandis que les contributions de ces dernières à l’impôt et à la sécurité sociale ne cessent de diminuer.

Les avoirs financiers des Belges (patrimoines mobiliers) représentent aujourd’hui 300% du PIB (environ 30 0000 milliards d’anciens francs). C’est le pourcentage le plus important de l’Europe des 27 par tête d’habitant. La progression de ces patrimoines a été constante : en 1995, ils s’élevaient à quelque 500 milliards d’euros ; en 2005, ils atteignaient 751 milliards d’euros (ce qui correspond à 75 000 euros par personne)[15]. De plus, les patrimoines financiers sont concentrés dans les mains d’un petit nombre de ménages : 10% des Belges détiennent plus de 50% des patrimoines et 1,6% de la population détient 1/5ème de la fortune financière du pays.

Les revenus des patrimoines financiers ne sont presque pas taxés : 40% des recettes fiscales proviennent des revenus du travail et à peine 3,06% des revenus mobiliers[16].

Comment ne pas évoquer ici également l’existence de paradis fiscaux (dont la Belgique), où les revenus financiers sont peu ou pas taxés et protégés fiscalement grâce à de nombreux subterfuges (secret bancaire, trusts, fondations…). Ces centres détiennent plus de 13 000 milliards de dollars en actifs financiers, enregistrent la moitié du commerce mondial des transnationales (via des filiales créées à cet effet grâce à l’industrie de l’audit et aux conseillers fiscaux).

Vie chère et emploi : un programme d’urgence !

Les prix de toute une série de biens de première nécessité, tels que les aliments de base ou l’énergie (gaz, électricité, carburants) ont connu ces derniers temps une envolée spectaculaire[17] et, depuis des années déjà, les salaires stagnent[18], le pouvoir d’achat diminue, les malades, pensionnés et chômeurs payent la note la plus salée[19].

Il s’agit de rétablir un véritable index des prix à la consommation, sans "index santé" et avec une adaptation automatique des salaires sans lissage de 4 mois. De supprimer la TVA sur les produits de première nécessité (cet impôt indirect frappant de la même manière petits et hauts revenus).

Soyons réalistes ! Demandons non pas l’impossible, mais ce qui n’est qu’une juste redistribution des richesses !

D’abord le relèvement du salaire minimum interprofessionnel : 1 500 euros nets par mois, c’est un minimum décent pour vivre. Il va de soi que cette revendication s’article avec une augmentation des salaires justifiée par l’augmentation de la productivité et les bénéfices records des entreprises.

S’impose également et urgemment le relèvement de seuils minimum pour le revenu d’intégration (ex-minimex), les allocations de chômage, invalidité et les pensions ! Cette augmentation pourrait être calculée sur la base de la richesse nationale produite annuellement dans le pays (le PIB).

Et si nos organisations syndicales faisaient barrage à la "flexi-précarité" en mobilisant sur la revendication de réduction généralisée du temps de travail (32 heures/semaine), sans perte de salaire et avec embauche compensatoire !

Une juste redistribution des richesses passe également par une fiscalité juste, qui implique à la fois l’égalité devant l’impôt (avec la globalisation des revenus professionnels et financiers) et la progressivité de l’impôt (proportionnelle aux facultés contributives).

La Belgique est un paradis fiscal : pas d’impôt sur la fortune, pas d’impôt sur les plus-values financières (sociétés et particuliers), impôt ridiculement bas sur les revenus financiers (précompte mobilier libératoire !), démantèlement des deux taux les plus élevés (55% et 52,5%) du barème de l’impôt des personnes physiques (IPP), profitant aux revenus aisés et aux gros revenus[20]. Et, pour couronner le tout, nous avons le secret bancaire fiscal et donc l’absence d’un cadastre des patrimoines et revenus des patrimoines financiers[21].

Alléger le prélèvement sur les tranches de revenus les plus basses et remonter le minimum imposable, voilà bien une mesure bien- venue et qui pourrait être neutre sur le plan budgétaire, à condition que d’autres facultés contributives soient sollicitées : hauts revenus, dividendes, plus-values, bénéfices des sociétés, impôt sur la fortune…[22].

Il va sans dire qu’une telle réforme, qui s’appuie d’ailleurs sur une des recommandations de l’accord gouvernemental[23], va à l’encontre des réformes fiscales impulsées jusqu’à présent par le ministre des finances, Didier Reynders, et ratifiées par les gouvernements successifs et la majorité parlementaire.



[1] La pension minimale dans le privé pour une carrière complète (45/45 èmes pour les hommes-) est de 866 euros. La pension maximale pour un isolé (employé masculin) est de 1668 euros. La pension moyenne (1/1/2007) pour un ouvrier (1170 euros) et une ouvrière (962 euros) : Périodique Syndicats, n°17, 19 octobre 2007.

En Belgique, une personne est considérée comme pauvre si son revenu disponible ne dépasse pas 860 euros par mois. Pour une famille de deux adultes et deux enfants, le seuil se situe à 1 805 euros par mois.

Quelque 25% des personnes de plus de 65 ans seraient sous le seuil de pauvreté. Il en irait de même pour plus de 80% des chômeurs complets indemnisés.

En janvier 2008, le revenu minimum d’intégration (ancien minimex) s’élevait à 684 euros pour un isolé et 456 euros pour un/e cohabitant/e.
[2] Mesure positive : la pente des taux d’imposition est beaucoup trop raide en Belgique : on paie trop vite trop d’impôts. Un salarié commence à payer des impôts dès…623euros brut par mois (un salaire annuel de 7.476 euros). Et celui qui gagne 1 500 euros brut est déjà soumis au taux marginal de 45%. En Belgique, la première tranche d’imposition des revenus est taxée à 25% ; en France : 7,5%. La mesure est donc justifiée, à condition qu’il y ait une réelle progressivité de l’impôt (taux d’impôt proportionnel aux facultés contributives) et égalité devant l’impôt (celui-ci touchant tous les revenus et tous les patrimoines) Ce qui n’est pas le cas en Belgique.
[3] Télémoustique, Leterme 1er, un gouvernement sans argent, du samedi 29 mars au vendredi 4 avril, pp. 22-25.
[4] Voir Le parti socialiste ne digère pas la « gifle » de la FGTB, Le Soir du 21 mars 2008.
[5] Voir l’Echo, 19 mars 2008.
[6] Commentant l’étude récente du Fonds monétaire international consacrée à la Belgique, l’expert belge au FMI, Luc Everaert, y allait de son petit couplet : «Il va donc encore falloir faire preuve de modération salariale dans le futur ». Il faisait écho à la mise en garde du FMI sur l’indexation des salaires en Belgique : « le coût du travail ne va pas augmenter autant dans les pays voisins », où l’indexation automatique des salaires n’est pas (ou plutôt plus) de mise. Voir le Soir, 29 et 30 mars, p.4.
[7] L’accord met l’accent sur de nouvelles réductions des charges patronales ( en impôts) : sur les bas salaires, le travail en équipe et de nuit, les heures supplémentaires, etc.
[8] Le taux d’imposition nominal (taux affiché), levé sur les bénéfices des entreprises, est passé de 45%, en 1996 à quelque 25% actuellement. Mais le taux réel (effectivement payé) n’était déjà plus que de 23,9% en 2001 et bien moindre encore dans certains secteurs (2,3% pour le holdings ; 3,1% pour l’eau et l’électricité et 8,5% pour les banques et compagnies d’assurances, selon les calculs effectués par le quotidien Le Soir (19 avril 2001).
[9] C’est un avantage fiscal pour toutes les entreprises, leur permettant de déduire de leur base imposable un intérêt fictif calculé sur leurs fonds propres. Ce nouveau cadeau fiscal accordé à toutes les entreprises est évalué, pour l’année 2007, à quelque 2 milliards 400 millions d’euros (en perte d’impôt pour les finances publiques).
[10] En Belgique, en une seule année (2005-2006), les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires ont augmenté de 4,6 milliards pour atteindre 33 milliards d’euros (+ 16,2 en un an). Voir Luca Ciccia, Défendre votre pouvoir d’achat : toutes les solutions ne se valent pas. Le Droit de l’employé, journal de la CNE, février 2008.
[11] Le Soir, 21 mars 2008.
[12] Accepter le Traité de Lisbonne, comme les précédents traités, c’est accepter que les services publics, les droits fondamentaux (au travail, à la sécurité sociale, etc.) soient subordonnés aux autres dispositions du Traité européen, caractérisées par « la concurrence libre et non faussée ». De plus, c’est être confronté à des obstacles de taille pour la riposte aux directives néolibérales, comme le souligne à sa manière le Conseil d’Etat, dans son avis rendu au gouvernement belge sur le Traité de Lisbonne : «Il ne faut pas oublier que les institutions européennes prennent parfois des règlements et directives qui sont en contradiction avec la loi belge. Etant donné la suprématie du droit européen, en ce compris le droit européen dérivé, la Belgique ne peut pas se prévaloir de la Constitution pour s’opposer à de telles dispositions européennes ».
[13] Voir le journal l’Echo, 19 mars 2008, p.2.
[14] Note de la FGTB nationale, revendications de la FGTB en vue d’augmenter le pouvoir d’achat.
[15] Banque nationale de Belgique, 2ème trimestre 2005.
[16] Focus Trends-Tendances, 17 novembre 2005. Selon la Constitution belge (art 172), « il ne peut être établi de privilèges en matière d’impôts ». Or, il n’y a pas d’impôt sur les patrimoines financiers et leurs revenus. Il y a un précompte mobilier (15% sur les intérêts des comptes bancaires et obligations ; 25% sur les dividendes distribués par les sociétés) et ce précompte mobilier est libératoire : il n’y a pas de globalisation des revenus pour la déclaration d’impôt. Les revenus financiers ne sont pas ajoutés aux autres revenus pour la déclaration (ils ne doivent pas être déclarés à l’impôt sur les personnes physiques-IPP-). Il y a un secret bancaire fiscal de fait et donc absence d’un cadastre des patrimoines financiers (liste nominative des bénéficiaires d’intérêts, de dividendes, de plus-values et autres revenus financiers).
[17] Voir site LCR www.lcr-lagauche.be. Rubrique sociale : salaires, prix et profits au paradis des capitalistes.
[18] Le salaire minimum interprofessionnel (salaire mensuel brut) est actuellement de + ou – 1284 euros. 90% des gens vivent avec moins de 2 283 euros nets par mois. La part des salaires (au sens large) dans la richesse nationale a diminué de dix points en deux décennies au profit des bénéfices (surtout des actionnaires).
[19] Selon le CRIOC, entre 1995 et 2005, le pouvoir d’achat a diminué de 2,08% pour les salariés. Et, pour les catégories les plus pauvres, cette perte a été de 2,61% à 3,25%. L’instauration de « l’index santé » en janvier 1994 (indice général des prix expurgé des carburants –à l’exception du mazout de chauffage-, de l’alcool et du tabac), ainsi que le lissage de l’index (moyenne de 4 mois pour mesurer une hausse de l’inflation de plus de 2% pour l’adaptation des salaires au coût de la vie) ont été deux éléments essentiels provoquant cette diminution du pouvoir d’achat. Sur ces 20 dernières années, les allocataires sociaux (chômeurs, invalides, pensionnés) ont perdu quelque 25% de leur pouvoir d’achat. Les revenus de remplacement de ces catégories n’ont pas suivi l’évolution des salaires des travailleurs actifs (il n’y a pas eu de liaison des allocations sociales au bien-être). Ainsi, selon la FGTB (voir FGTB : les grands défis à relever pour la sécurité sociale, mai 2004), entre 1980 et 2004 l’allocation moyenne de chômage est tombée de 45,7% à 27,3% du salaire moyen. Pour les pensionnés, de 34,7% à 32%. Et pour les malades/invalides, de 44,5% à 30%.
[20] Les revenus imposables qui dépassent 31 700 euros (revenus 2006) sont taxés au taux le plus élevé, soit 50%. Le maximum de la progressivité de l’impôt s’applique donc à un revenu net mensuel de 1 640 euros, ce qui correspondant à un revenu moyen.
[21] Ce secret est inscrit en toutes lettres à l’article 318 du Code des impôts sur les revenus : « Par dérogation aux dispositions de l’article 317, et sans préjudice de l’application des articles 315, 315 bis et 316, l’administration n’est pas autorisée à recueillir, dans les comptes, livres et documents des établissements de banque, de change, de crédit et d’épargne, des renseignements en vue de l’imposition de leurs clients ».
[22] Un impôt de 1% sur les fortunes de plus de 500 000 euros, avec une tranche de 2% au-dessus de 750 000 euros, aurait un rendement théorique de 11 milliards d’euros par an (M. Van Hees, Didier Reynders, l’homme qui parle à l’oreille des riches, Ed. Aden, 2008.
[23] « En ce qui concerne la perception des impôts et l’offre en matière de protection sociale, une application correcte et équitable de la réglementation est essentielle. Le gouvernement veillera scrupuleusement à ce que tous les contribuables et tous les ayants droits soient traités équitablement et que la législation fiscale et la législation sociale soient appliquées uniformément ».

Voir ci-dessus