Une plus grande liberté pour engager et... dégager | |||
Par | le Mercredi, 11 Septembre 2013
Juste avant les vacances, le gouvernement a pressé les partenaires sociaux de conclure un accord à propos du rapprochement des statuts entre ouvriers et employés. Finalement début juillet, l’encre de l’accord n’étant pas encore séchée, il est advenu un grand silence sur cette question. Tout le monde savait pourtant bien que ce qui fut présenté comme un compromis aussi honorable que nécessaire, comportait de nombreuses imprécisions, des zones d’ombre, et surtout consacrait un certains nombre de reculs pour les travailleurs. Des négociations bâclées
Petit retour en arrière. Dans ce dossier, politiques, responsables patronaux et syndicaux semblaient d’accord sur un point: il faut «trouver une solution rapidement sinon...». Sinon quoi? Sinon dès le 9 juillet, un travailleur qui viendrait à être licencié par son employeur (par les temps qui courent il n’est pas sûr qu’il le veuille vraiment) serait en droit de réclamer un préavis équitable! Notons donc au passage que ce que cherchaient désespérément les «interlocuteurs sociaux» serait un compromis en-dessous de ce droit... On corrigerait donc une injustice (très ancienne) par une autre injustice! Aujourd’hui en Belgique 70% des travailleurs ont droit, en cas de licenciement, à des préavis équivalents à ceux des «employés», ceci grâce à des conventions collectives qui ont déjà réduit, grâce au combat syndical, les discriminations que subissaient les ouvriers. Toute harmonisation vers le bas est donc un recul pour la grande majorité des travailleurs et donc une victoire pour les employeurs qui pourront ainsi avoir les mains libres pour «dégraisser» plus facilement. Il faut bien constater que les directions syndicales n’ont pas mis toute la pression nécessaire pour faire comprendre cet enjeu et surtout pour mobiliser en conséquence. Elles se sont laissées trainer jusqu’à la veille des vacances et la date «fatidique» du 8 juillet. Fin juin, sous la pression du chronomètre, les représentants syndicaux, patronaux et «experts» des cabinets, s’enferment pour une négociation au finish. La manière dont se sont déroulées et conclues les 25 dernières heures de négociation ne laisse aucun doute sur la volonté du gouvernement de pousser les directions syndicales à faire l’impasse sur la consultation de leurs militants sur la base d’une évaluation sérieuse du contenu de ce fameux compromis. Le texte signé par la ministre de l’Emploi, Monica De Coninck, a été présenté et approuvé immédiatement par un Conseil des ministres restreint. Il pouvait donc entrer en application avant la date butoir du 8 juillet. «Vendredi, les partenaires sociaux ont accepté un texte rédigé de la plume de la ministre de l’Emploi. Subtilité: ils ne l’ont pas signé, pour n’avoir pas à le faire avaliser par leur base, avec les risques que cela engendrerait», indiquait Le Soir du samedi 6 juillet. Lobby patronal Depuis des mois les patrons avaient gonflé exagérément le poids financier d’une harmonisation vers le haut des statuts et estimaient le surcoût pour les entreprises à plus de 5%. La CSC et la FGTB avaient vivement contesté ces chiffres et parlaient, quant à elles, de 0,07%. Le patronat avait été plus loin, menaçant même de procéder à des licenciements préventifs avant la fin du délai. Le bluff a fonctionné et une nouvelle fois on a matraqué l’opinion publique pour lui faire croire que les responsables de cette discrimination envers les ouvriers ce sont les employés et qu’ils doivent «abandonner une partie de leurs privilèges»... Les termes les plus souvent utilisés pendant toute cette période de négociations, «compromis», «date butoir», «un accord à tout prix», ne sont pas neutres. Ils annoncent «des sacrifices nécessaires», «pour aboutir à un accord équilibré»... Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB, n’a plus qu’à conclure que l’accord «maintient un niveau de protection suffisant pour ces derniers (les travailleurs de demain), sans étrangler les entreprises ni mettre en danger les finances de l’Etat». Un «bon compromis», quoi. Un résultat inespéré... pour les employeurs si on tient en compte que, côté syndical, certaines dispositions étaient prises qui auraient pu laisser croire que les organisations syndicales se préparaient à des actions devant les tribunaux dès le 9 juillet, n’espérant plus un compromis. Pour les analyses syndicales: http://www.setca.org/News/Documents/analyse08072013.pdf http://www.cne-gnc.be/cmsfiles/file/OuvEmpl3.pdf
Article publié dans La Gauche nº64 de septembre-octobre 2013.
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